mardi 18 septembre 2007, par
Isandlwana fut l’un des coups les plus durs portés aux forces de l’impérialisme du XIXe siècle ; les événements qui s’y produisirent rappelèrent aux puissances coloniales de ne pas sous-estimer les capacités de l’opposition indigène. Au départ intimidés par la puissance de feu des Britanniques, les guerriers zoulous écrasèrent la ligne anglaise dans une vague sauvage de combat au corps à corps.
À la fin du XIXe siècle, la manière dont les Occidentaux menaient la guerre semblait inégalable. Les empires européens dominaient la plus grande partie du globe depuis l’Afrique jusqu’en Asie, et même les États-Unis peulés de colons européens étaient devenus la puissance dominante après une succession de guerres coloniales. Artillerie, fusils, mitrailleuses et une logistique solide étaient utilisés par les Européens partout dans le monde pour soumettre la résistance locale, qui souvent n’avait accès qu’à un armement d’un autre âge. Deux batailles des années 1870, cependant, ébranlèrent profondément ce sentiment de confiance.
En juin 1876, à la bataille de Little Bighorn, le lieutenant-colonelGeorge A. Custer et environ deux cents officiers et hommes du 7e régiment de cavalerie des États-Unis furent anéantis lors d’une attaque contre un campement sioux. On avait conseillé à Custerd’emporter des mitrailleuses avant son départ, mais il refusa, confiant dans la supériorité de ses hommes armés de fusils. Mais les Indiens étaient aussi armés de fusils et écrasèrent facilement cette force américaine mal préparée. Trois ans plus tard, un désastre encore plus grand attendait les soldats britanniques, les troupes qui avaient forgé un empire, en Afrique du Sud où ils affrontèrent des guerriers indigènes armés uniquement de lances.
L’histoire de l’Afrique du Sud montre que l’arrivée d’Européens et la prise de territoires par la force n’avaient de nouveau que l’identité de ceux qui étaient responsables des annexions ; avant les activités des Anglais et des Hollandais, de nombreux peuples locaux avaient subi un destin similaire face aux Zoulous, peuple agressif qui avait conquis les tribus avoisinantes et formé un royaume puissant dans la région. Au Transvaal, les colons Boers disputaient la possession des terres au roi zoulou Cetshwayo. Au départ, la Grande-Bretagne soutint les revendications des Zoulous, mais quand l’Empire britannique prit le contrôle du Transvaal, il fut jugé avisé de défendre les droits des colons et de prouver que les Britanniques dominaient la région en défiant le groupe indigène plus puissant. En décembre 1878, un ultimatum fut présente Cetshwayo, ultimatum dont les Anglais savaient qu’il ne pourrait pas l’accepter. Le mois suivant, une armée anglaise pénétra au Zoulouland.
Lord Chelmsford, comandant des forces britanniques en Afrique du Sud, conduisit quelque 5 000 soldats anglais et 8 000 auxiliaires indigènes au Zoulouland le 11 janvier 1879. Ses hommes étaient équipés des armes les plus récentes, et il avait peu de raisons de craindre un ennemi armé seulement de lances et de fusils démodés. Les fusils Martini-Henry anglais pouvaient tirer jusqu’à 12 coups par minutes, tandis que les mitrailleuses, roquettes et artillerie Gatling étaient encore plus destructrices. Cetshwayo avait une armée plus importante de 40 000 guerriers, mais pour avoir la moindre chance contre une armée moderne, elle devrait s’approcher le plus rapidement possible de la ligne de feu des Anglais.
Le plan de Chelmsford était de prendre la capitale de Cetshwayo, Ulundi, dans un vaste mouvement de tenailles, mais pour ce faire il divisa son armée en trois colonnes, diminuant sa force générale_ Le 20 janvier, Chelmsford installa son campement, avec sa colonne centrale, à Isandlwana, à la base d’une montagne d’aspect distinctif appelée nek, à cause de sa ressemblance avec une selle. Ses éclaireurs lui annoncèrent que des Zoulous se rassemblaient à proximité, et il décida de les affronter avant l’aube deux jours plus tard.
Ce fut une décision fatale. Laissant la moitié de ses hommes au campement - à peine 1 700, dont 700 fantassins du 24° régiment - il alla à la bataille avec l’autre moitié. Une force bien plus importante de 20 000 Zoulous contournait au même moment le flanc de Chelmsford et se dissimula dans la campagne ondulante à environ 8 km d’Isandlwana.
– .3 Zoulous lançaient leurs attaques en formation de croissant,appelée « les cornes des bêtes », au sein de laquelle des attaquesde flanc écraseraient l’ennemi. Tant que l’ennemi, dans le cas présent les Anglais, tenait le périmètre de sa position, il serait en sécurité, car les tirs de ses fusils et de son artillerie avaient un effet terrifiant sur les Zoulous.
Un artilleur anglais décrit l’effet de leurs obus explosifs sur les Zoulous, se rappelant qu’ils « regardaient autour d’eux en se demandant d’où les balles venaient, ce qu’ils ne comprenaient pas, les shrapnels éclatant à 45 m d’eux et les balles sifflant à leurs oreilles, il n’est pas étonnant qu’ils aient été surpris, car voir une bordée tirée au milieu d’eux et ne pas savoir d’où elle venait était suffisant pour surprendre les plus courageux.
» L’effet des fusils anglais n’était pas moins intimidant, car si les Zoulous avaient leurs propres fusils, ils étaient bien moins expérimentés et visaient souvent trop haut pour atteindre leur cible.
À Isandlwana, les Zoulous s’abritèrent dans les creux situés à la limite de la prairie plate entourant la montagne. Ils apprirent rapidement que quand les artilleurs anglais reculaient derrière leurs canons pour tirer, ils devaient se coucher pour éviter les obus. Tout en se cachant du plus gros de la fusillade, ils émettaient un bruit sourd comme le bourdonnement d’un essaim d’abeilles furieuses.
Finalement, les commandants locaux de chaque groupe de Zoulous situé au centre se lassèrent de voir leurs guerriers se coucher et les raillèrent, leur disant de se lever et de combattre. Ils se mirent à avancer à pas lents, mais à une distance d’environ 120 m de la ligne anglaise, ils lancèrent leur cri de guerre : « uSuthu ! » et chargèrent.
La vision était terrifiante. Les soldats paniqués se replièrent vers le campement, les Zoulous les rattrapant et brisant leurs formations. La confusion envahit tous les participants, et des Zoulous ne tardèrent pas à encercler chaque soldat, parfois si nombreux que tous les guerriers ne pouvaient pas atteindre leur victime.
Les soldats combattirent aveuglément et bravement, frappant tous ceux qui se trouvaient à leur portée.
Un guerrier zoulou, uMhoti de la tribu des uKhandempemvu, nota la nature désespérée du combat : « J’ai alors attaqué un soldat dont la baïonnette a percé mon bouclier et tandis qu’il essayait de l’extraire, je l’ai frappé à l’épaule. Il a laissé tomber son fusil, m’a saisi autour du cou et m’a jeté à terre sous lui. J’avais l’impression que mes yeux éclataient, et j’étais presque étranglé quand j’ai réussi à attraper la lance toujours fichée dans son épaule et à l’enfoncer dans ses organes vitaux, et il a roulé à terre, sans vie. Mon corps était couvert de sueur et tremblait terriblement à cause de la suffocation que m’avait infligée cet homme courageux. »
Les deux camps s’infligèrent de lourdes pertes. Finalement, le nombre écrasant des Zoulous leur assura la victoire, et les Britanniques qui avaient survécu dans le campement tentèrent de fuir sur le sentier menant à la rivière à l’arrière d’Isandlwana. Ils y furent abattus par des Zoulous qui avaient encerclé la montagne, leur coupant la fuite. Aucun ne fut épargné, même s’il suppliait. Plus de 1 200 soldats blancs et leurs alliés indigènes furent massacrés, les Zoulous perdant au moins 1 000 hommes, et de nombreux autres gravement blessés.
Lord Chelmsford rejoignit son campement à la tombée de la nuit, mais ce n’est qu’au lever du jour que fut révélée la véritable horreur de la défaite. L’Empire britannique, à son apogée dans rima gination populaire, avait été militairement humilié. Cette déroutE fut vengée à la fin de l’année avec la défaite des Zoulous, mais CE fut un avant-goût de nouvelles luttes coloniales difficiles en Afrique du Sud.
« Les masses d’hommes sombres, en ordre découvert et se pliant à une discipline admirable, se suivaient en succession rapide, courant d’un pas régulier à travers les hautes herbes. Ayant viré régulièrement de façon à se trouver exactement face à notre front, la plus grande portion des Zoulous se divisa en trois lignes,en petits groupes de cinq à dix hommes,et avança vers nous... Un groupe de cinq ou six se levait et filait à travers les hautes herbes, esquivant d’un côté et de l’autre la tête baissée, fusils et boucliers tenus bas et hors de vue. Ils disparaissaient soudain dans l’herbe, et seules des bouffées de fumée ondulante indiquaient encore leur situation. »
Cité dans The Anatomy of the Zulu Army
de lan Knight (Greenhill Books, 1995)
sources 50 batailles de Valmy à Krajina de Tim Newark ed st Andre des Arts 2002
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