mardi 19 novembre 2019, par
A l’origine, le théâtre russe se compose essentiellement de l’importation occidentale par les dramaturges du XVIIe siècle. Si Denis Fonvizine se fait connaître au XVIIIe avec sa pièce Le Mineur (1782), c’est au XIXe que le théâtre se développe considérablement, jusqu’à être réputé mondialement.
ANNA ANDREEVNA. — Mais où sont-ils, où sont-ils ?... Ah ! Seigneur !... (Ouvrant la porte.) Mon mari ! Antocha ! Antone ! (Elle parle très vite, s’adressant à sa fille.) Et c’est toujours toi... toujours après toi... Quelle lambine !... Et l’épingle par-ci et la natte par-là. (Courant à la fenêtre.) Antone, où vas-tu, où vas-tu donc ? Quoi ? Le révizor est-il arrivé ?... Il a des moustaches ! Quelles moustaches ? [1]
La première partie du XIXe siècle assiste à la libération du théâtre russe des cultures étrangères ainsi que des codes classiques (pièces en cinq actes, bienséance, etc.) Alexandre Pouchkine, par exemple, rompt avec la règle des Trois unités (temps, lieu, action) dans la tragédie Boris Godounov (1831). De plus, lorsque Nicolas Gogol fait jouer Le Révizor, pièce basée sur un immense quiproquo, la dernière scène est entièrement muette.
Les auteurs utilisent le pouvoir du théâtre pour dénoncer le faux-semblant qui règne en Russie. En effet, les masques que portent les comédiens sont les mêmes que dans la noblesse russe.
MARGARITOV : Au revoir, mon âme. (Il remet ses clefs à Ludmilla.) Voilà les clefs. Si tu sors, emporte-les avec toi, ne les laisse pas ici. Il y a des effets dans mon tiroir, et je ne fais confiance à personne. Nous sommes dans un pays de crève-la-faim, les gens vivent au jour le jour du quignon de pain qu’ils ont pu arracher. [2]
Le théâtre russe de la seconde moitié du XIXe est représenté essentiellement par Alexandre Ostrovski, dramaturge empreint d’une forme de réalisme dont les premières pièces ont pourtant été interdites. Pour la première fois, les marchands russes sont représentés sur scène, et la transcription de leur langage est fidèle.
L’incontournable Tchekhov reste le dramaturge russe le plus connu aux dimensions mondiales. Auteur de théâtre à l’aube du XXe siècle, Tchekhov est proche de l’auteur engagé qui relate, peiné, le malheur des gens et en particulier celui des femmes.
On retient ses pièces en un acte, comme L’ours (1888) ou Une demande en mariage (1890), ainsi que celles aux personnages philosophant sur la vie passée, sur le temps qui s’écoule et l’état d’impuissance des êtres humains face aux jours d’hier. Sa pièce Les Trois sœurs (1901) exprime l’évolution des hommes et des femmes dans des destinées qui se séparent, puis se rejoignent sans savoir quand, ni s’ils se reverront vraiment.
Mais le plus déroutant dans les pièces de Tchekhov, c’est qu’elles n’ont jamais de fin concrète, et laissent ainsi les spectateurs perplexes face à une représentation inachevée. Ainsi débute le théâtre à l’orée du XXe siècle.
ANDRÉ : Où est-il, mon passé, où a-t-il disparu ? J’ai été jeune, gai, intelligent, j’avais de beaux rêves et de belles pensées, mon présent et mon avenir illuminés d’espoir... Pourquoi, à peine nous commençons à vivre, devenons-nous ennuyeux, ternes, insignifiants, paresseux, indifférents, inutiles, malheureux ?... [3]
SOURCES : Histoire de la littérature russe, tome 1 : le XIXe siècle, l’époque de Pouchkine et de Gogol, (ouvrage collectif) Paris, Fayard, 1996.
Histoire de la littérature russe, tome 2 : le XIXe siècle, 2e partie, Le temps du roman, (ouvrage collectif) Paris, Fayard, 2005.
NIVAT, Georges, Les trois âges russes, Paris, Fayard, 2015
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