lundi 2 janvier 2023, par
(voir l’article Le servage russe)
D’un de point de vue économique et social, le servage n’apporte rien. Il est désormais critiqué tout en devenant de plus en plus difficilement défendable. De plus, la noblesse redoute une révolte. Bien que les défenseurs du servage craignent le chaos car ils ne sauraient « contenir cette paysannerie sauvage », le pouvoir tend vers son abolition. Mais c’est du côté des modalités de cette réforme que l’affaire se complique : en effet, faut-il émanciper les serfs avec ou sans les terres ? Le débat est relayé dans la presse afin de récolter l’avis de l’ensemble des Russes, également dans les provinces, mais aussi pour les convaincre de la nécessité de cette abolition. Le débat dure près de quatre ans.
Les anti-tsaristes les plus radicaux demandent à ce que les serfs soient affranchis avec les terres, tandis que les libéraux optent pour un rachat de la part des paysans après négociations avec les propriétaires terriens. Finalement, les terres seront en effet rachetées par les paysans qui n’ont pourtant pas l’argent pour. C’est la raison pour laquelle l’Etat indemnise les propriétaires et paie leur dû. Seulement, l’Etat demande à être remboursé : ainsi, les paysans ont quarante-neuf ans pour le rembourser, et passent de l’autorité des seigneurs à celle de l’Etat dont ils sont désormais redevables.
La communauté paysanne, sous le nom de mir ou obchtchina, redistribue les terres entre ses membres. Responsable des paiements, elle prend la place des seigneurs et, si un paysan est dans l’incapacité de payer, les autres doivent donner davantage. Mais l’Etat préfère cette responsabilité collective, bien que certains serfs en pâtissent, comme les domestiques qui ne reçoivent aucun bien.
Mais les petits propriétaires terriens sont également touchés, puisqu’ils perdent leur main d’œuvre et peu d’entre eux sont véritablement riches. Il leur faut désormais rentabiliser les serfs partis.
Le 19 février 1861, le nouveau statut des paysans est signé ; mais s’agit-il vraiment d’une libération ? Les terres rendues sont insuffisantes, et les paysans ont le sentiment désagréable de s’être fait duper. En effet, ils sont toujours dépendants et maintenant de la communauté rurale ; sans compter qu’ils doivent rembourser les terres que l’Etat leur a rachetées, et que les propriétaires ont gardé les territoires les plus fertiles. La frustration des paysans concernant notamment le manifeste, qui impose une période transitive avant une émancipation totale, entraîne des émeutes et des révoltes, comme celle de Bezdna dans la région de Kazan, la plus célèbre, qui se solde par une violente répression. Ainsi s’éteint le rêve de l’affranchissement parfait pour des paysans qui ne réclament que paix et liberté.
Néanmoins, l’abolition du servage reste symboliquement fondamentale, accordant la liberté à plus de vingt millions de serfs. Elle se déroule en parallèle de la guerre de Sécession aux Etats-Unis, mais sans guerre civile.
Sources : RIAZANOVSKY, Nicholas, Histoire de la Russie des origines à 1996, Paris, Laffont, 1999.
AMACHER, Korine, La Russie, 1598-1917 : révoltes et mouvements révolutionnaires, Infolio, 2011
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