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La révolte des décembristes

, par

Le Congrès de Vienne

Le début du XIXe siècle est l’époque durant laquelle la vision de l’Empire russe est la plus positive en Europe. En 1814-1815 a lieu le congrès de Vienne, durant lequel le royaume de Pologne est restauré. La question de la Pologne est en effet centrale depuis que Napoléon a créé un petit duché de Varsovie au lieu de la Prusse. Deux grandes révoltes polonaises s’ensuivront. Lors de ce congrès, qui a pour but de préserver la paix et l’ordre en Europe, l’Autriche récupère la Galicie.

La Sainte Alliance d’Alexandre Premier

Ainsi, lors du Congrès de Vienne, on incite les empires à reprendre leurs places. Mais convaincu que les souverains chrétiens doivent vivre en paix, Alexandre crée la sainte alliance. C’est pourtant une des seules initiatives du tsar : en effet, bien que ses discours soient réformateurs, il n’en est rien dans les actes. Cela irrite les Russes, jusqu’à ce que le tsar manifeste son envie d’instaurer une Constitution en Pologne : les Russes explosent de colère.

Réaction des Russes : ils réclament une Constitution

La Pologne a désormais un Parlement et une Constitution, ce qui n’est pas le cas de la Russie : est-elle si inférieure aux pays européens pour ne pas en bénéficier ? N’est-elle pas un empire ? Des réactionnaires se font entendre : les bancs de l’université sont épurés, la censure renforcée et un refus d’obéissance émane de la part des soldats. De plus, certains serfs ont été affranchis, mais ces derniers se trouvent dans la Baltique. Seulement, une fois de plus, ils ne sont pas russes.
Sous l’influence du chancelier autrichien, Alexandre n’écoute pas les plaintes des officiers. Il devient religieux face à une société progressiste. Les officiers réclament davantage d’humanité dans le traitement des soldats, entraînant une grande révolte politique en 1825 par les officiers.
En effet, il s’agit de la génération de 1812, à savoir les patriotes partis combattre car ils étaient soldats. Ils revinrent de la guerre imprégnés de ce qu’ils découvrirent en Europe. Alors qu’ils sont persuadés qu’Alexandre va mettre en œuvre ses promesses, il n’en est rien : cela provoque une immense déception, qui se transforme bientôt en colère.

Prémices d’un mouvement révolutionnaire (1816-1825)

En 1816 est créée la Société du Salut par de jeunes officiers : elle réunit en son sein les fidèles de la Patrie, qui réclament une Constitution pour la Russie.
Deux ans plus tard, la société se dissout, mais émerge l’Union du Bien public : diverses sociétés s’organisent autour de cette union, visant à faire progresser le pays et servant à diffuser des idées. Ces sociétés cherchent également à abolir le châtiment corporel, qui entraînera une mutinerie en 1829. De plus, une radicalisation a lieu quand l’espoir d’une transformation par « en haut » s’estompe.
Le décalage entre Alexandre et la société russe se creuse toujours davantage, d’autant plus que la génération 1812 se radicalise : confrontés à la violence de la vie russe, notamment du côté des paysans, ils réalisent à quel point la Russie maltraite son propre peuple. Un sentiment de honte et d’indignation s’empare alors des futurs décembristes.

Sociétés du Nord et du Sud : 1821

En 1821, l’Union du Bien public est dissolue. Cette même année naît la Société du Sud en Ukraine, dirigée par le colonel Pavel Pestel qui se bat pour la Justice russe, une république unie et centralisée. Naît également la Société du Nord à St-Pétersbourg. Nikita Mouraviev, membre de la Société du Salut, défend une monarchie constitutionnelle. Cependant, les deux sociétés cherchent à abolir le servage en Russie.
Le tsar Alexandre est au courant de ces unions secrètes, mais aucune réaction de sa part ne se manifeste.

Révolte et répression

C’est la Société du Nord qui ordonne l’insurrection pour réclamer une Constitution. Les soldats se joignent aux révoltés afin de défendre le droit à la couronne de Constantin Pavlovitch Romanov, car Alexandre est décédé brutalement début décembre. Pourtant, c’est Constantin qui a cédé le trône à son frère. Jusqu’à son couronnement, une période d’interrègne et une crise de succession empêchent l’arrestation des responsables de la révolte. Le seul qui n’y échappe pas est Pavel Prestel, à savoir l’insurgé le plus dangereux. La révolte a lieu le 14 décembre 1825 sur la Place du Sénat, à Saint-Pétersbourg. Une autre révolte se déroule à Tchernigov près de Kiev.
Une fois l’insurrection réprimée, les décembristes sont châtiés. Il leur manquait indéniablement le soutien du peuple, sans qui une révolte ne mène à rien. La révolte se terminera par la pendaison de cinq décembristes, ainsi que la déportation en Sibérie des autres où seront effectués des travaux forcés. Le Caucase sera réservé aux soldats.

La crainte des paysans

Lors du soulèvement, le peuple russe ne prend pas part au conflit. Seuls les décembristes, jeunes hommes aristocrates, se font entendre. Le peuple n’a pas son mort à dire : il reste spectateur de la révolte. Cela est dû au fait que le souvenir de Pougatchev hante la Russie comme un véritable traumatisme : la révolte des cosaques qui a entraîné les paysans sous le règne de Catherine la Grande a instauré une peur du peuple insurgé [1]. C’est la raison pour laquelle les paysans sont tenus à distance par le tsar.

Arrivée d’un nouveau tsar

Nicolas 1er est proclamé empereur le 1er décembre 1825, soit onze jours seulement avant que débute la révolte des décembristes. Son règne commence dans le sang et la violence : c’est la première fois qu’un soulèvement contre l’ordre impérial prend une telle ampleur, à l’issue duquel les cinq meneurs principaux sont pendus, entre autre : Pavel Pestel, Nikita Mouraviev, et le poète Kondrati Ryleev. De leur côté, les participants de l’insurrection sont déportés en Sibérie où ils perdent tous leurs droits. Concernant les soldats qui en faisaient également partie, ils sont envoyés dans des garnisons excentrées, ou dans le Caucase. C’est seulement en 1856 que les décembristes seront graciés.

Une dernière révolte de palais ?

Selon Vassili Klioutchevski, historien du XIXe siècle, la révolte des décembristes est la dernière révolte de palais, celles qui ont eu lieu au XVIIIe siècle sous Catherine la Grande. Pourtant, en 1825, ce n’est pas le tsar qu’on cherche à remplacer, mais le régime politique. De plus, ce sont les penseurs eux-mêmes qui s’insurgent, et cela pour le bien du pays. En effet, empreints des idées des Lumières, ils sont profondément patriotiques et inquiets concernant le destin de la Russie

De mauvais révolutionnaires à héros

Les décembristes ont mené cette révolte non pas dans l’idée de se libérer soi-même, mais de se libérer des autres ; en d’autres termes, elle était pour le peuple, mais a été réalisée sans le peuple.
Comme leurs maris sont exilés en Sibérie, certaines femmes abandonnent tout pour les y rejoindre. Au sacrifice des insurgés s’ajoute celui de leurs épouses. A cette époque, on en veut aux décembristes : on les accuse d’avoir contribué à détourner Nicolas de toute réforme qu’il envisagerait. Mais ils restent surtout complètement incompris par la noblesse dont ils sont issus : en effet, pourquoi se sont-ils soulevés et mis en danger alors qu’ils avaient tout ? Car c’est davantage le sort des exilés que leur action qui choque la noblesse russe. Les décembristes, la fleur de la noblesse, sont dès lors perçus comme des martyrs, et donc comme des héros.
En Union Soviétique, Alexandre Radichtchev, l’auteur de Voyage de Pétersbourg à Moscou [2], et les décembristes reçoivent presque le titre de « pères du mouvement révolutionnaire russe ». Cette croyance est cependant un leurre, car les prémices de la révolution de 1917 commencèrent en 1860, avec la fin du servage en Russie.


Sources : RIAZANOVSKY, Nicholas, Histoire de la Russie des origines à 1996, Paris, Laffont, 1999.
AMACHER, Korine, La Russie, 1598-1917 : révoltes et mouvements révolutionnaires, Infolio, 2011


[1voir l’article La révolte de Pougatchev

[2voir l’article Alexandre Radichtchev

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