mercredi 12 septembre 2007, par
Erwin Johannes Eugen Rommel (15 novembre 1891 à Heidenheim - 14 octobre 1944 à Herrlingen) est un général allemand de la seconde Guerre mondiale. Il mena une brillante carrière d’officier militaire durant plus de trente ans et servit dans les différentes armées allemandes de son époque.
Suite à sa campagne en Afrique du Nord, il fut surnommé, aussi bien par ses compatriotes que ses adversaires, « le Renard du désert » (ou Wüstenfuchs en allemand). Il dirigea de 1941 à 1943 l’armée allemande d’Afrique du Nord, connue sous les noms successifs d’Afrika Korps (DAK, à partir du 18 février 1941), PanzerGruppe Afrika (25 juillet 1941 suite à la fusion avec les troupes italiennes), PanzerArmee Afrika (21 février 1942), et enfin HeeresGruppe Afrika (du 23 février 1943 à l’évacuation ou la reddition des troupes de l’Axe d’Afrique du Nord le 12 mai 1943, Rommel quittant définitivement l’Afrique le 7 mars de la même année).
Il naît en 1891 à Heidenheim, une petite ville du Wurtemberg, proche d’Ulm.
Il possède le même prénom que son père, qui était professeur de mathématiques comme son grand-père. Sa mère, Hélène von Luz, est la fille du président du gouvernement du Wurtemberg, Karl von Luz. Il a une sœur aînée, Hélène, et deux frères cadets, Karl et Gerhard. Dès son plus jeune âge, il aspire à devenir militaire même si, à cinq ans, ce n’est qu’en commandant à des soldats de plomb. Sa sœur le décrit comme : « un enfant très gentil et docile, qui tenait beaucoup de sa mère ».
Passionné d’histoire, il n’est, en revanche, pas très attentif dans le reste des matières, son côté rêveur et rebelle font de lui la tête de turc du Gymnasium d’Aalen, dont son père est directeur depuis novembre 1898. Il a également du mal à s’accoutumer à la discipline assez rigide, plus stricte que dans l’école de sa petite enfance. À douze ans, en 1904, cependant, le jeune Erwin change radicalement, il se met à travailler dans toutes les matières, dont les mathématiques pour lesquelles il a un réel talent (tout comme son grand-père et son père). Il se met aussi au sport et en particulier au ski, à la course à pied et à la bicyclette. Il ressemble de plus en plus à l’Allemand idéal du Wurtemberg, rigoureux et sportif. L’année suivante, il se découvre aussi une passion pour l’aviation naissante, qu’il partage avec son camarade August Keitel. Erwin aurait aimé être pilote dès sa scolarité finie et, devant le refus de son père, en 1910, il s’engage enfin dans l’armée, comme élève officier.
Il rejoint le 6e bataillon du 124e régiment d’infanterie, basé à Weingarten. Comme tous les élèves officiers du Reich, il doit d’abord servir dans le rang avant de pouvoir suivre les cours de l’école militaire, sa forte endurance impressionnant ses instructeurs à cette occasion. En octobre, il est promu caporal et, dès décembre, il est nommé sergent. L’un de ses instructeurs commente : « Rommel est fait pour commander et conduire des hommes à la guerre. Il est discipliné et ne semble jamais fatigué. Il fera sans aucun doute un officier hors du commun. Son audace en manœuvres a été particulièrement remarquée. ». En mars 1911, Erwin Rommel rejoint l’école militaire de Dantzig. En fin d’année, Erwin Rommel réussit ses examens avec des notes légèrement au-dessus de la moyenne ; ses résultats ont été très bons aux examens pratiques mais moins bons en théorie. En janvier 1912, il reçoit son brevet de sous-lieutenant et retourne à son régiment, le 124e régiment d’infanterie, où il y est chargé de l’instruction. Il gagne rapidement une réputation d’ascète du fait qu’il ne fume ni ne boit et ses camarades officiers le trouvent d’ailleurs trop sérieux pour son âge, sa vie se partageant entre l’entraînement des recrues et les lettres qu’il écrit quotidiennement à sa fiancée Lucie.
Dès son arrivée à Weingarten, il fait connaissance de Walburga Stemmer, une jeune marchande, de leur idylle naît une fille, Gertrud Pan en 1913. L’opposition de la famille d’Erwin les fait renoncer au mariage et, finalement, Erwin épouse une étudiante en langue, fille d’un grand propriétaire terrien de Prusse orientale, Lucie Maria Mollin, qu’il a rencontrée en avril 1911 à Dantzig. Walburga se suicide après la naissance de Manfred Rommel en 1928.
Le 5 mars 1914, il est détaché auprès du 49e régiment d’artillerie de campagne à Ulm, où il apprend les manœuvres d’artillerie, avec intérêt. Il retourne au 124e régiment d’infanterie, le 31 juillet, pour le commandement d’une section de la 7e compagnie.
Le 1er août, le régiment est mis sur le pied de guerre et part pour le front ouest, atteignant Meix-le-Tige, le 20 août. Le 22 août, les combats commencent, dès 5 heures du matin, pour le 124e qui rencontre les Français dans le village de Bleid, près de Longwy. Rommel et sa section sont aux avant-postes sur la cote 325, à deux kilomètres de Bleid. Là, il rencontre l’ennemi, dans le brouillard, qui ouvre le feu puis recule. Rommel suit alors avec sa section l’ennemi grâce aux traces que celui-ci laisse derrière lui, en particulier dans un champ de choux. Les Français les mènent aux portes de Bleid, la section se met à l’abri derrière une ferme et Rommel part en reconnaissance avec trois autres soldats. Là, après avoir longé le mur est de la ferme pour rejoindre la route qui mène à Mussy-la-Ville, Rommel surprend un groupe de vingt soldats français sur le bord de la route, qui ne l’ont pas vu venir, ces soldats étant en train de boire un café. Ils font partie de la 5e compagnie du bataillon Laplace, du 101e régiment d’infanterie et sont dirigés par le capitaine Ferraton. Cette compagnie aurait dû se mettre en position à la sortie sud-est de Bleid. Rommel réfléchit et prend rapidement la décision d’attaquer. Avec ses trois compagnons, il ouvre le feu, une partie des Français s’écroule mais une autre réussit à s’enfuir et à s’abriter derrière des escaliers et des murets de maisons proches. Rommel, couvert par un tas de bois, a, face à lui, un adversaire à vingt mètres abrité derrière un escalier. Un combat singulier s’engage alors entre les deux hommes qui tirent et vident leurs armes ; Rommel recharge plus rapidement que son adversaire, vise et tire à nouveau. L’ennemi s’écroule.
Rommel donne l’ordre de l’assaut, mais lui et les trois autres sont accueillis par un feu nourri des Français placés derrière les fenêtres d’un bon nombre de maisons. Rommel et ses hommes se retirent alors pour retrouver le reste de la section à la ferme. Rommel hésite, les choix sont simples : soit il reste avec ses hommes cachés à proximité de la ferme en attendant les renforts de sa compagnie, soit il attaque immédiatement. Rommel, toujours audacieux, décide d’attaquer et met au point un plan. Une demi-section prendra d’assaut la ferme où un petit groupe de Français s’est retranché et une autre demi-section tirera en couverture vers les fenêtres d’où venaient les tirs français. Le tir de suppression débute et la demi-section part à l’assaut, enfonce la porte de la grange et y met le feu. Une douzaine de Français prend la fuite, Erwin les aperçoit et, avec deux de ses hommes, fait feu sur eux et les met hors de combat. Rommel et ses hommes abandonnent alors la ferme et prennent la route de Gévimont dans le but de prendre le reste du village d’assaut. En chemin, ils croisent un groupe de Français caché sur le bas côté de la route. Des négociations s’engagent et finalement ce sont plus de cinquante soldats français qui sont faits prisonniers, des 6e et 7e compagnies du 101e régiment d’infanterie français, dont la retraite était coupée par l’arrivée du 123e de grenadiers allemand. La section rejoint le bois de Mat, mais le sous-lieutenant Rommel, épuisé, perd connaissance. Il se réveille alors que son régiment est en pleine débâcle. Un quart des officiers et un septième des soldats du 124e régiment d’infanterie sont morts ou blessés. Malgré tout, le régiment sonne le rassemblement et prend alors la direction du village de Goméry. Peu de temps après, une nouvelle rétablit le moral : les Français se replient. Rommel ne peut se laisser aller à la joie après cette victoire qui lui a coûté deux de ses meilleurs amis. Le régiment passe la nuit à Ruette dans les champs.
Le 24 septembre, il reçoit sa première blessure alors qu’il se bat seul contre trois soldats français, dans un bois, en Argonne, près de Varennes, poussé une fois de plus par son intrépidité à s’avancer un peu trop. Il est d’ailleurs proposé par son chef de bataillon pour la croix de fer de 2e classe et la reçoit. Début janvier 1915, sa blessure à peine cicatrisée, il retourne dans son régiment sur le front de l’Argonne. Dès le 29 janvier, il reçoit la croix de fer de 1re classe pour une action d’éclat avec son régiment lui permettant de prendre quatre fortins et une position perdus la veille par les Allemands, en ne perdant que dix hommes. Durant toute cette période, il sème la panique dans les rangs français en s’attaquant rapidement à des positions, avec de faibles détachements, et en repartant aussi vite. En milieu d’année, il est promu lieutenant et est blessé une seconde fois à la jambe.
Début octobre 1915, il est muté à la tête d’une compagnie du bataillon de montagne du Wurtemberg, une unité d’élite en formation à Müssingen. Composé de six compagnies de tirailleurs et de six sections de mitrailleurs, destinés à former six groupes de combat autonomes, ce nouveau type d’unité est donc doté d’un effectif supérieur à la normale, il s’entraîne dans les montagnes de l’Alberg, avant de rejoindre le front des Vosges, en janvier 1916, où il combat notamment dans le secteur du Vieil-Armand.
En octobre, le bataillon est envoyé sur le front est, à proximité de la Roumanie, dans les Carpates, suite à la victorieuse offensive russe de l’été du général Broussilov. Le 11 novembre, la compagnie de Rommel enlève le mont Lescului (culminant à 1200 mètres) et débouche dès le lendemain dans la plaine de Valachie (à Kurpensul) où a lieu une violente contre-attaque des Roumains, qui est finalement repoussée. En fin de journée, la compagnie de Rommel entre dans la ville de Targu Jiu. Fin novembre, Rommel bénéficie d’une permission pour aller épouser Lucie à Dantzig et, à la mi-décembre, Rommel a déjà rejoint son bataillon. En janvier 1917, pour s’emparer du village de Gagesti, la légende voudrait que Rommel soit resté allongé dans la neige par - 10°C jusqu’à dix heures du soir, à quelques pas des positions roumaines, attendant que les Roumains s’endorment. Dès que Rommel estime la garnison endormie, il ordonne l’offensive et capture quatre cents soldats roumains alors qu’il n’en perd presque aucun. Cette action vaut à son bataillon d’être cité à l’ordre de l’armée. En août 1917, Rommel s’empare d’une position réputée imprenable, le mont Cosna qui est, au dire de tous, Alliés comme Allemands, un véritable nid d’aigle. Suite au traité de Brest-Litovsk entre Allemands et Russes, les Roumains sont obligés de négocier la paix eux aussi et, dès le 9 décembre 1917, a lieu l’armistice de Foscani.
Le 26 septembre 1917, le bataillon de Rommel fait partie des sept divisions envoyées en renfort à l’armée autrichienne qui a subi de lourdes pertes sur le front italien depuis 1915. Le bataillon de Rommel est plus précisément affecté au secteur de Caporetto-Tolmino. Un plan d’offensive est prévu, dans lequel le bataillon de Rommel doit suivre la 12e division bavaroise. Rommel, toujours intrépide et ne voulant pas rester à la traîne, prévoit un plan d’action pour son bataillon de manière indépendante vis-à-vis du reste des troupes et persuade son supérieur, le commandant Sprösser, de l’adopter. Ainsi, dès l’aube, Rommel part à la tête de ses troupes et enlève successivement Saint-Daniel, Foni, et le mont Matajur. En quarante-huit heures, Rommel a parcouru vingt kilomètres à vol d’oiseau, est monté à deux mille mètres, a devancé tous les autres régiments austro-allemands, a capturé cent cinquante officiers, neuf mille soldats et quatre-vingt-un canons. Il n’a perdu que six hommes et ne compte qu’une trentaine de blessés. Cette action lui vaut sa promotion au grade de capitaine.
En novembre, le bataillon de Rommel est affecté à l’avant-garde d’une division autrichienne dans le secteur du fleuve la Piave, où les troupes italiennes se sont regroupées après cent quarante kilomètres de retraite. Le 9 novembre, Rommel parvient à s’emparer du village de Longarone après avoir traversé avec son régiment les eaux glacées du fleuve à l’aide de cordes. Cette action lui vaut d’être le plus jeune officier décoré de la médaille Pour le Mérite, qui était habituellement donnée à des généraux, il fut le seul officier subalterne avec le lieutenant Ernst Jünger à la recevoir. Son bataillon joua un rôle déterminant dans la bataille de Caporetto, défaite italienne qui coûta à l’armée italienne quarante mille tués, cent quatre-vingt mille blessés et trois cent vingt-cinq mille prisonniers.
En janvier 1918, Rommel à son grand regret est affecté à l’état-major du front français. Les diverses offensives lancées se soldent par de cuisants échecs ou plutôt des victoires sans résultats réels sur le reste de la guerre. Rommel ne s’y sent pas vraiment dans son élément, lui qui n’a jamais apprécié la théorie et qui préfère le terrain. Rommel, comme un bon nombre d’officiers du Reich, voit l’armistice du 11 novembre 1918 comme une trahison des politiques vis-à-vis de l’armée car, pour lui, l’armée allemande n’a pas été réellement vaincue, bien au contraire. La Russie s’est retirée du combat, l’Italie a été quasiment vaincue et la France n’a pas obtenu de victoire décisive.
Fin décembre 1918, Rommel retourne au 124e régiment d’infanterie de Weingarten. Pendant son trajet de la frontière française à chez lui pour rejoindre sa femme qui est en convalescence, comme bon nombre de militaires en uniforme, il est souvent insulté par la population et risque même à plusieurs reprises de se faire arrêter. Pour pouvoir s’occuper de sa femme, il la fait s’installer à Weingarten où habite déjà Mme Rommel mère. En juin 1919, Rommel ressent le traité de Versailles comme une humiliation supplémentaire pour son pays.
Le 1er juillet 1919, le capitaine Rommel prend le commandement d’une compagnie de sécurité intérieure à Friedrichshafen. Cette compagnie est composée en majorité d’anciens marins « rouges » que Rommel a la charge de faire rentrer dans le rang et de transformer en parfaits soldats. La première fois que Rommel leur apparaît, bardé de décorations, ils se mettent à le huer, veulent élire un commissaire politique et tiennent même un meeting révolutionnaire. Rommel y assiste et demande à prendre la parole. Il monte à la tribune et fait un discours assez court disant qu’il compte bien commander à des militaires et non à des criminels. Le lendemain, Rommel parvient à les faire parader et ses soldats apparaissent si disciplinés que Rommel est félicité par l’inspecteur Hahn, chef de la police de Stuttgart.
À la fin de la Première Guerre, il demeure dans la Reichswehr, chef d’une compagnie du 13e régiment d’infanterie casernée à Stuttgart. Il est alors présenté comme : « Un soldat d’esprit sérieux, jeune, très différent des fiers-à-bras sans doute utiles en temps de guerre, mais se pliant difficilement à la discipline et aux mornes exercices du temps de paix. ». Malgré les privations, les humiliations et différentes vexations faites à l’Allemagne, Rommel reste profondément légaliste et respectueux de la République de Weimar bien que souvent opposé à ses décisions. Il accueille l’arrivée au pouvoir du maréchal Paul von Hindenburg par ces mots : « L’arrivée au pouvoir du héros de Tannenberg est le signe du renouveau de la puissance allemande. Notre armée va ainsi retrouver la place primordiale qui doit être la sienne. Durant quatre ans, nous n’avons remporté que des succès face aux Alliés (Rommel a ici une lecture partiale de la 1ère guerre. En effet, il oublie les défaites allemandes de Verdun, de la Marne, ou encore du Jutland, etc.). L’armistice de 1918 n’est pas la conséquence d’une défection des militaires, mais des politiciens. »
En juillet 1927, Rommel profite d’une permission pour aller visiter, avec sa femme, les lieux de ses anciens exploits en Italie mais aussi partir sur les traces des ancêtres de sa femme, la famille Molino. Les autorités italiennes ne voyant pas d’un bon œil cet officier ennemi visitant les lieux de défaites italiennes, il doit abréger son séjour, non sans avoir pris de nombreuses photos. Le mois d’août est passé par la famille Rommel à descendre le Rhin en canots jusqu’au lac de Constance. À leur retour à Stuttgart, Rommel a encore du temps pour s’occuper de sa femme Lucie, ce qu’il fait dès qu’il en a l’occasion. Il est un mari facile à vivre aux dires de sa femme. En septembre 1927, Rommel fonde l’association des anciens combattants du bataillon de montagne du Wurtemberg, cette association est très nationaliste mais s’occupe surtout de retrouver tous ceux qui ont servi dans ce bataillon d’élite et d’organiser une assemblée générale et un défilé tous les ans à Stuttgart. Le 24 décembre 1928, le champagne coule à flots dans la famille Rommel ; en effet, après douze ans de mariage, l’enfant tant désiré est né la veille de Noël. Il est prénommé Manfred. Le 1er octobre 1929, Erwin Rommel est nommé instructeur à l’École d’infanterie de Dresde, poste qu’il occupe durant quatre ans. Suite à la préparation de ses cours, il publie un important ouvrage : Infanterie greift an (L’Infanterie attaque). Ce manuel fut adopté par l’armée suisse, dont certains officiers admiraient Rommel et lui offrirent une montre en or. Ce manuel fut également lu par Adolf Hitler.
Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler est nommé chancelier par le président Hindenburg. Rommel, dans une lettre, pense que : « L’arrivée au pouvoir d’Hitler est une chance pour le pays. Il semble être appelé par Dieu afin que le Reich retrouve sa puissance séculaire. L’Armée ne peut que se réjouir de cette nouvelle. C’est un grand jour pour l’Allemagne. » Malgré tout, Rommel porte peu d’intérêt à la politique en général et voit surtout Hitler comme un patriote.
Le 10 octobre 1933, Rommel reçoit, en plus de son grade de commandant, le commandement du 3e bataillon du 17e régiment d’infanterie alpine à Goslar. Cette unité d’élite passe pour être l’une des meilleures du Reich et tous ses membres sont d’excellents skieurs. Quand Rommel arrive, les officiers du régiment découvrent un homme de 42 ans et, doutant qu’il puisse commander à un régiment d’athlètes, ils lui proposent alors une excursion à ski dans les environs. Bien qu’il n’y ait pas le moindre remonte-pente, Rommel accepte et fait la descente par trois fois, ce que ne furent pas capables de faire tous les officiers. Ils doivent reconnaître que Rommel tient toujours la forme et qu’il est un excellent skieur lui aussi.
Le 25 mai 1935, Rommel accueille avec bonheur la nouvelle loi visant à faire de l’armée allemande (devenue la Wehrmacht) l’armée la plus puissante d’Europe avec, entre autres, un service militaire redevenu obligatoire, et les effectifs portés à trente-cinq divisions d’infanterie, quarante-quatre divisions motorisées, six divisions blindées, quatre divisions de cavalerie et cinquante et une divisions d’infanterie de réserve. Le 30 juillet, la première rencontre entre Erwin Rommel et Adolf Hitler a lieu à Goslar lors d’un défilé militaire. Un délégué SS venant informer Rommel qu’un bataillon SS défilerait devant ses soldats se voit répliquer par Rommel qu’il serait normal que ce soit l’inverse. Hitler, impressionné par cette attitude, le fait convoquer par Heinrich Himmler et Joseph Goebbels. Lors de l’entretien, Goebbels et Himmler reconnaissent que faire défiler des SS devant un bataillon d’élite est une erreur et en imputent la faute à un subordonné un peu trop zélé. Hitler félicite Rommel pour l’excellente tenue de ses hommes, se fait dédicacer son exemplaire de L’Infanterie attaque, il lui affirme que sa fidélité au régime ne serait pas oubliée.
Dès le 15 octobre 1935, la promesse est tenue. Rommel est promu lieutenant-colonel et est nommé instructeur à la Kriegsschule de Potsdam (Académie de guerre). La famille Rommel déménage et s’installe dans les environs de l’Académie. La famille se mêla peu à la société berlinoise et n’entretint que très peu de relations mondaines avec les généraux. Comme à Goslar, les amis des Rommel furent des officiers du même rang qu’Erwin ainsi que leurs femmes. Par la force des choses, ils en savent plus sur ce qui se passe dans les hautes sphères du pouvoir. Rommel, fidèle à lui-même et pensant à sa carrière avant tout, se garde bien de prendre la moindre position dans les rivalités entre l’état-major de l’armée et les chefs nazis. Rommel suit de près les mouvements italiens tels l’invasion de l’Éthiopie et la guerre contre le Négus, il tire la conclusion suivante : « La puissance de feu et la grande mobilité des troupes sont les garants essentiels de la victoire. »
En avril 1937, Rommel reçoit, en plus de sa charge à l’Académie de Potsdam, celle d’entraîner les Jeunesses hitlériennes. Son rôle est principalement de renforcer le lien entre l’organisation des Jeunesses et la Wehrmacht. C’est pour cela qu’il rencontre Baldur von Schirach, qui est chef de ces Jeunesses. L’entrevue se passe relativement mal et Rommel va traiter Schirach de blanc-bec. De son côté, Schirach rapporte à Hitler que Rommel n’est pas « un nazi bon teint ». Malgré tout, Hitler ayant besoin de l’un et de l’autre et ayant toute confiance en Rommel, qu’il considère comme l’un de ses meilleurs instructeurs, les deux hommes vont être forcés de s’entendre et de travailler en commun. De plus, Rommel sortit un second manuel Infanterie greift an (L’infanterie attaque), à l’intention des Jeunesses hitlériennes. Hitler fit éditer ce livre dans une édition populaire de quatre cent mille exemplaires. Début octobre 1938, Rommel est promu colonel, et commande temporairement le bataillon chargé de la sécurité du Führer. Il participe a l’invasion des Sudètes. Hitler a une grande confiance en Rommel du fait qu’il soit « un officier national-socialiste qui n’est pas issu de l’aristocratie ».
Rommel, après avoir passé plusieurs jours auprès du Führer en assurant sa protection, a pu étudier le personnage : « Hitler possède un pouvoir magnétique sur les foules, qui découle de la foi en une mission qui lui aurait été confiée par Dieu. Il se met à parler sur le ton de la prophétie. Il agit sur l’impulsion et rarement sous l’empire de la raison. Il a l’étonnante faculté de rassembler les points essentiels d’une discussion et de lui donner une solution. Une forte intuition lui permet de deviner la pensée des autres. Il sait manier avec habileté la flatterie. Sa mémoire infaillible m’a beaucoup frappé. Il connaît par cœur des livres qu’il a lus. Des pages entières et des chapitres sont photographiés dans son esprit. Son goût des statistiques est étonnamment développé : il peut aligner des chiffres très précis sur les troupes de l’ennemi, les diverses réserves de munitions, avec une réelle maestria qui impressionne l’état-major de l’armée. ».
Après trois années de professorat à Potsdam, Rommel est nommé, début novembre, directeur de l’Académie de guerre Wiener-Neustadt située au sud-ouest de Vienne dans une région montagneuse. Ce poste est parfait pour Erwin : il est loin des intrigues du pouvoir et a un commandement indépendant des autorités supérieures. Il peut donc se livrer complètement à l’entraînement des jeunes recrues et des élèves officiers. Il loge avec sa famille dans une maison entourée d’un immense jardin et n’a que très peu de contacts avec les chefs nazis locaux. Il profite de cette affectation pour réétudier les combats du front austro-italien de la Première Guerre mondiale. Il visite par exemple le secteur du Trentin où deux cent cinquante mille soldats autrichiens ou italiens sont tombés en 1916. Il se livre aussi à sa passion pour la photographie : d’après un certain nombre de contemporains, Rommel avait un talent affirmé dans ce domaine et a même bénéficié d’une exposition organisée par le maire de Wiener-Neustadt. Cette exposition rencontra d’ailleurs un certain succès. Rommel reçoit, par ailleurs, les meilleurs éléments des jeunesses hitlériennes pour leur donner une solide instruction militaire mais il n’apprécie pas toujours leur fanatisme et leur arrogance.
À la mi-mars 1938, Rommel est de nouveau chargé de la sécurité du Führer. À l’approche de Prague, Hitler lui demande : « Que feriez-vous a ma place ? », Rommel répond avec beaucoup d’audace pour le responsable de la sécurité : « J’irais sans escorte jusqu’à Prague et dans une voiture découverte. » Hitler apprécie et suit le conseil. Le 23 août 1939, Rommel est récompensé par Hitler qui le nomme général et le fait affecter à son quartier général, pour reprendre ainsi le commandement du bataillon assurant la sécurité du Führer, poste qu’il a de nouveau abandonné, après l’annexion de la Tchécoslovaquie, pour continuer à donner des cours à l’académie de guerre. Rommel est, à ce moment-là, très confiant dans les capacités d’Hitler et pense qu’il arriverait à éviter le conflit généralisé en Europe. En outre, la famille de sa femme vivant en Prusse orientale, il est tout à fait favorable à la suppression du couloir de Dantzig, mais espère tout de même qu’une solution diplomatique sera trouvée.
Le 1er septembre 1939, suite à l’incident de Gleiwitz, l’invasion de la Pologne débute, Rommel a une vue d’ensemble du conflit du fait de sa présence au quartier général. Le 2 septembre le quartier général est déjà à Prusczo, le 10 à Kielce et le 13 à Łódź. Le 27 septembre, Varsovie (qui était défendue par le Polonais Juliusz Rommel qui n’a aucun lien de parenté connu avec Erwin Rommel) capitule et, le 28, l’armée polonaise dépose les armes à Modlin. Il retint comme enseignement de ce blitzkrieg que : « L’importance d’une parfaite coopération entre l’aviation et les blindés est désormais évidente. Répandre la confusion sur les arrières est souvent plus démoralisant pour les forces adverses que les pertes subies. Il faut pousser à fond l’exploitation de la percée des troupes motorisées, sans tenir compte des îlots ennemis de résistance que l’infanterie a pour charge de réduire. Les chars doivent être utilisés en masse et non en ordre dispersé. »
Nous ne pouvons manquer de faire le rapprochement avec le lobbying des colonels (puis généraux) de Gaulle et Patton pour organiser l’arme blindée en divisions auprès de leurs gouvernements respectifs à la même époque. Rommel rentre en Allemagne à la mi-octobre et est toujours affecté au quartier général d’Hitler. Celui-ci lui demande alors : « Qu’est ce qui vous ferait plaisir mon cher général ? » Rommel répond aussitôt : « Une division blindée ! ». Hitler donne satisfaction à Rommel et le 10 février 1940, il lui confie le commandement de la 7e Panzerdivision en garnison à Godesberg-am-Rhein.
La Campagne de France commence, le 9 mai 1940, pour la 7e Panzerdivision, rattachée au 15e Panzerkorps du général Hoth. Elle traverse les Ardennes belges et ses avant-gardes prennent contact, le lendemain, avec les premiers éléments français appartenant à la 1re division légère de Cavalerie. Rommel note : « À notre premier choc avec les forces françaises, nous ouvrîmes le feu tout de suite, ce qui les amena à se retirer en hâte. J’ai constaté que, dans ces contacts, le succès est au bénéfice du premier qui a pu mettre l’ennemi sous son feu. » Le 11 mai, Rommel est enroué et fatigué, il n’a cessé de crier des ordres, du haut de la tourelle de son Panzerkampfwagen III (Panzer III), depuis le début de l’offensive et n’a dormi qu’un très petit nombre d’heures, mais le lendemain sa division a contraint la 1re DLC, qui ne comptait, il est vrai, dans ses effectifs, que douze chars Hotchkiss H35, à se replier derrière la Meuse.
L’objectif assigné à Rommel est de franchir le fleuve dès que possible et d’établir une tête de pont dans le secteur de Dinant, mais les Français ont pris le temps de faire sauter les ponts de Dinant et Houx. Rommel va donc devoir faire traverser ses troupes sur des canots en caoutchouc. L’attaque lancée le 13 mai à cet effet rencontre une vive résistance de la part des Français de la 18e division d’infanterie : « Je me rendis dans le secteur de Dinant. Plusieurs de nos chars atteints se trouvaient sur la route conduisant à la route de la Meuse. Les obus français tombaient avec une grande précision. Nos canots étaient détruits les uns après les autres par le tir des Français, et la traversée ne s’effectuait pas. ». Il ordonne donc à des Panzer IV avec leurs canons de 75 millimètres, ainsi qu’aux obusiers automoteurs Sig 33 de 150 millimètres, d’appuyer le franchissement avec des tirs tendus et, grâce à cette protection, la traversée peut finalement s’effectuer. Il envoie aussi le 7e bataillon de motocyclistes, prendre le village de Grange à proximité.
Sur l’autre rive, les combats font rage et Rommel doit repousser une contre-attaque de blindés légers. Le 14 mai, une contre-attaque française chasse les Allemands du village de Haut-le-Wastia. Rommel ayant donné l’ordre la veille au génie de rétablir les ponts, fait accélérer le passage des chars par ces ponts pour renforcer la tête de pont établie. Rommel, en se rendant en reconnaissance à la lisière du bois d’Onhaye, est blessé à la joue gauche par un feu nourri français. En effet, la contre-attaque française est vigoureuse et les hommes motivés ; par exemple, un canonnier français a détruit sept blindés à lui seul. Mais les renforts allemands affluent et la Luftwaffe, maîtresse du ciel, oblige les chars français à se cacher. Malgré tout, la victoire reste incertaine jusqu’à ce que le 25e panzer-régiment attaque et rétablisse la situation en faveur des Allemands. En effet, la 18e division d’infanterie française, contre laquelle combat Rommel, n’a reçu que la moitié du matériel antichar prévu pour une division d’infanterie. Elle doit donc faire face aux deux cent dix-huit chars de Rommel et ses cinquante six automitrailleuses avec seulement vingt et un canons antichars. Elle n’est appuyée que par un bataillon de quarante-cinq chars légers Hotchkiss (armés d’un canon court de 37 millimètres, modèle 1918) qui ne peut faire grand chose contre la marée des Panzers.
Le 15 mai, Rommel doit faire face à un nouvel ennemi la 1re division cuirassée de réserve (DCR), du général Bruneau, forte d’environ cent soixante chars (soixante-dix Renault B1-bis et quatre-vingt-dix Hotchkiss H39), mais cette division, suite à des problèmes de ravitaillement, se retrouve bloquée entre Flavion et Ermeton, avec la moitié de ses chars ne pouvant plus avancer. La 1re DCR doit faire face toute la journée aux attaques des 5e et 7e Panzer-divisions, cinq cent quatorze chars au total. Vers 10 heures, après avoir attaqué plusieurs fois la 1re DCR, Rommel reçoit l’ordre de la contourner et d’aller vers Philippeville, la 5e Panzerdivision prenant le relais. Rommel se réjouit de cette nouvelle, qui lui permet d’économiser ses chars, qui ne font pas le poids face à des B1 bis, même immobilisés. Le 16 mai, Rommel affronte à Vouziers les débris de la 1re DCR, qui ne compte plus que dix-sept chars. Le général Gamelin écrivit dans son livre Servir : « Que pouvait donc la première division cuirassée, abandonnée à ses seules ressources, et n’eût-il pas mieux valu la conserver intacte ? »
La nuit suivante, le 16 mai, Rommel fait face aux prolongements de la ligne Maginot, à l’ouest de Clairfayts. Rommel emploie ce jour-là une technique peu utilisée à l’époque, en ordonnant à ses tankistes de tirer en roulant pour désorienter l’ennemi. Rommel remporte un succès complet et, dès minuit, entre dans Avesnes. Il s’empare par la suite de Landrecies après avoir repoussé une contre-attaque de chars français. Le 17 mai, une lutte intense a lieu entre Rommel et les troupes françaises, dans le but d’installer une tête de pont au Pommereuil, sur la Sambre. Cette position est prise, perdue, reprise... Rommel fait donc établir une seconde tête de pont à Berlaimont. Ainsi, Rommel fait de la 7e Panzer la première division à avoir passé la Sambre et à être en mesure de continuer son avancée. La 7e a ainsi réalisé une percée longue d’une cinquantaine de kilomètres. Ce 17 mai est aussi le jour où Rommel donne l’ordre de faire abattre le colonel Savare, commandant du 254e régiment d’infanterie, pour avoir refusé de donner l’ordre de cessez-le-feu à son unité. Les prisonniers sénégalais furent eux aussi pour la plupart massacrés mais l’ordre direct de Rommel n’est pas certain.
Le 19 mai, la 7e prend Cambrai en faisant 650 prisonniers. Le 20 mai, Rommel se trouve déjà au sud d’Arras, après avoir traversé le canal du Nord, à Marcoing. La majeure partie de ses troupes se trouvant encore loin derrière, Rommel part à leur rencontre avec seulement deux chars et une voiture de commandement mais, à proximité de Vis-en-Artois, sur la route d’Arras, il doit faire face à l’ennemi qui détruit les deux tanks qui l’escortent. Rommel passe ainsi plusieurs heures encerclé par les Français mais il est délivré par l’arrivée du reste de la division. Le 21 mai, une contre-attaque est lancée par les 4e et 7e régiments blindées britanniques et la 3e division légère mécanisée française, sur les hauteurs d’Arras défendues par la 7e Panzer ainsi que la division motorisée SS Totenkopf. Rommel écrivit à propos de cette contre-attaque : « De violents combats avec des centaines de chars et avec l’infanterie qui les suivait. Contre les chars lourds alliés, nos canons antichars de 37 millimètres ne sont pas efficaces, même à une distance assez courte. La barrière défensive constituée par eux a été rompue, nos pièces ont été détruites, les servants massacrés. »
Pour arrêter cette contre attaque, Rommel est forcé d’utiliser ses canons de DCA de 88 millimètres comme des canons antichars face aux blindés Matilda et Somua S35 alliés, puis d’appeler une escadrille d’avions d’assaut Stuka. Les alliés finissent par se replier sur Arras. Le 25e Panzer-régiment, qui a atteint les collines d’Acq (sud de la Scarpe), reçoit l’ordre de faire demi-tour et ainsi de surprendre les alliés sur leurs arrières. Rommel échappe de peu à la mort, encore une fois, et a un officier tué à son côté pendant qu’ils étudient une carte ensemble. Les pertes sont lourdes des deux côtés, les Allemands de la 7e panzer, pour ce seul 21 mai, ont perdu 89 tués, 116 blessés et 173 disparus ainsi qu’une vingtaine de chars et beaucoup de matériel (camions, mitrailleuses, canons). La division SS Totenkopf a, quant à elle, trois cents hommes hors de combat. Les Britanniques ont eux perdu entre quarante trois et soixante-deux chars sur les soixante-quatorze engagés et les Français une vingtaine sur les soixante-dix engagés, mais les Allemands sont arrêtés pour la journée. Le 22 mai, la 7e Panzer traverse la Scarpe et atteint le mont Saint-Éloi où vont se livrer de violents combats. Le 26 mai, Rommel est décoré de la croix de Chevalier par le lieutenant Hanke agissant au nom d’Hitler.
Le 28 mai, Rommel participe avec ses chars à l’encerclement de Lille. Le 29, Rommel et une partie de sa division sont envoyés à l’ouest d’Arras pour se reposer. Rommel profitera de cette première journée pour se balader en auto dans les rues de Lille, mais il s’aperçoit très vite que beaucoup de soldats sont encore là. Ceux-ci, aussi surpris que lui, ne réagissent pas assez vite. Rommel a déjà fait demi-tour, il échappe encore une fois à la mort ou tout du moins à la capture. Le 1er juin, la 7e Panzer, toujours en repos, a fini de comptabiliser ses pertes. Sur un effectif de treize mille hommes le 10 mai, la 7e de Rommel en a perdu mille six cents (tués, blessés ou prisonniers). Elle compte par contre à son actif la destruction d’une centaine de chars ennemis et la capture de quinze mille prisonniers. Rommel estime donc que les pertes sont importantes mais tolérables.
Rommel écrit ceci à sa femme Lucie : « Mes hommes ont perdu une bonne part de leur équipement en route et sous les attaques des chars ennemis, et il leur faut réparer cela le plus tôt possible. La division doit être en mesure de reprendre rapidement le combat contre les Français. »
Le 2 juin, Rommel reçoit la visite du Führer, celui-ci débute la conversation avec Rommel en ces termes : « Mon cher Rommel, nous avons été très inquiets pour vous pendant l’attaque. » Les deux hommes discuteront longuement de questions militaires, discussions qui les passionnent autant l’un que l’autre. Rommel est persuadé que l’armée française a perdu ses meilleurs éléments et qu’elle ne pourrait pas résister à une nouvelle offensive allemande. Hitler, quant à lui, est persuadé qu’une contre-offensive française est encore envisageable. Finalement, Hitler se laisse convaincre par Rommel et ordonne de poursuivre l’offensive.
Le 5 juin, la 7e Panzer attaque dans le secteur de la Somme, entre Longpré et Hangest, défendu par la 5e division d’infanterie coloniale. Les Français ont eu le temps de faire sauter les ponts sur la Somme, exceptés deux ponts de chemin de fer entre Hangest et Condé-Folie. Rommel fait enlever les rails par le génie et ses blindés peuvent ainsi traverser la Somme. Les Français, qui défendent le château du Quesnoy, résistent héroïquement aux attaques de la 7e panzer. Le village d’Hangest ne tombe qu’en fin de journée. Rommel a perdu quelques chars et trois cents hommes dans cette seule journée. Lors des assauts, Rommel est encore une fois en première ligne et manque plusieurs fois de se faire tuer par des rafales de mitrailleuses. Il écrivit, à propos des coloniaux, ce commentaire laconique : « Les troupes coloniales françaises se défendirent avec une grande bravoure. Mais nos chars eurent le dernier mot. » Le lieutenant-colonel Heysing raconte lui la prise du village ainsi : « Sur les premiers deux cents mètres, le mouvement en avant s’exécute bien mais, ensuite, une concentration des tirs atteint brusquement les compagnies. Dès l’entrée dans le village, des tirs de fusils et de mitrailleuses crépitent depuis les persiennes fermées des fenêtres, des grenades à main en forme d’œuf jaillissent des soupiraux des caves et éclatent dans les jambes de nos soldats. Un combat de maison en maison s’engage. Nos pertes en officiers et troupes sont grandes. »
Le journal allemand Signal (du 1er janvier 1941) reconnaît lui aussi la valeur des tirailleurs sénégalais : « Une particulière page de gloire du régiment poméranie est le combat qui lui a assuré le passage de la Somme en juin 1940. Il y avait la localité de Condé-Folie : ce fut un point particulièrement difficile à réduire. Là, à nouveau, la troupe se heurte à une vive résistance, l’ennemi combat avec acharnement. Les Noirs utilisaient jusqu’au bout chaque possibilité de défense. Il y eut des heurts très durs. L’ennemi défendait chaque maison, des fenêtres et des lucarnes le feu crachait. Les lance-flammes durent être mis en action et on se battit jusqu’au corps à corps. » Les troupes françaises finissent par être encerclées dans le bourg d’Airaines, en flammes, où le 72e régiment d’artillerie, réduit à douze pièces, se défend jusqu’à ce que son dernier canon soit détruit. Il est parvenu à détruire trente-deux chars allemands. Rommel, dans ses mémoires, ne parle pas du sort réservé par la 7e Panzer à un certain nombre de tirailleurs sénégalais faits prisonniers. L’on sait pourtant que les corps des prisonniers noirs n’ont jamais été retrouvés et que plusieurs récits d’exécutions sommaires ont été rapportés.
Le 6 juin, les cent cinquante chars de Rommel doivent faire face à une nouvelle contre-attaque française menée par le 7e régiment de cuirassiers commandé par le lieutenant-colonel de Langles de Cary. Ce régiment ne compte plus que quatre-vingt-cinq blindés dont seulement vingt-cinq Somua S35. Rommel, pour diminuer les pertes en tanks que pourrait subir sa division, préfère mettre en avant son artillerie et repousse ainsi l’attaque de ce régiment qui perd dans cette seule journée soixante-treize chars. L’adjudant-chef Pierson revendique tout de même la destruction de quinze blindés allemands à la tête de ses quatre chars Somua S35. Cette attaque n’empêche pas la 7e Panzer d’atteindre le plateau d’Hornoy avant la tombée de la nuit. Rommel ne se soucie que très peu des îlots de résistance pouvant subsister ici et là. Ainsi, le 7, il atteint Argueil et, le 8, la 7e Panzer se trouve en bord de Seine. La percée de la 7e Panzer a isolé le 9e corps d’armée français du général Ilher. Celui-ci projette de s’embarquer à Saint-Valery-en-Caux, mais Rommel, devinant les intentions de l’ennemi, fait encercler Fécamp le 10 juin et oblige par ses tirs d’artillerie la Navy à s’éloigner, deux de ses destroyers ayant été touchés. Le 11 juin, Rommel est à Saint-Valery-en-Caux, il fait pilonner la ville et le port, les alliés opposent une opiniâtre résistance dans l’attente de l’arrivée de la Marine pour les embarquer. À la nuit tombée, un épais brouillard empêche tout embarquement. Le 12 juin, un duel au canon entre le patrouilleur français le Cérons et les canons allemands se termine par la destruction du patrouilleur après que celui-ci a réussi à détruire deux canons de 105 millimètres allemands. En début de soirée, Rommel accepte la reddition du général Ilher, qui n’a plus de munitions, il le félicite en ces termes : « Vos hommes se sont battus avec une grande bravoure. »
La 7e Panzer a dû mobiliser tous ses moyens pour réduire la défense franco-britannique mais est récompensée par la prise de douze généraux alliés dont Ilher et le major-général Victor Fortune commandant la 51e Highland division, entre douze et vingt-six mille soldats dont au moins huit mille Britanniques, une centaine de canons, cinquante-huit blindés légers et trois cent soixante-huit mitrailleuses, ainsi que des milliers de fusils et de camions.
Le 14 juin, la 7e Panzer progresse de deux cent soixante kilomètres en une journée, partant de la Haute-Normandie, elle arrive dans le Cotentin, où elle s’attaque à Cherbourg, le 15 juin, qui capitulera après seulement trois jours de combat, le 18 juin. Rommel capture trente mille soldats, dont un préfet maritime, l’amiral Jules Le Bigot et surtout le commandant des forces navales du Nord, à savoir l’amiral Abrial.
Rommel écrit ceci à sa femme : « La division a mené l’attaque sur Cherbourg d’une seule traite, sur une distance de trois cent cinquante à trois cent soixante-dix kilomètres, et s’est vite emparée de la puissante forteresse malgré une forte résistance. Il y a eu pour nous quelques mauvais moments à passer car l’ennemi a eu d’abord une nette supériorité en effectif [...]. En pressant les choses, nous avons réussi à exécuter l’ordre d’Hitler : prendre Cherbourg le plus vite possible. ». Les causes de la capitulation de Cherbourg sont pourtant diverses car, en plus des combats entre les défenseurs de la ville et la 7e Panzer, un autre fait a joué. En effet, le 17 juin, le maréchal Pétain a annoncé que des pourparlers d’armistice étaient lancés et qu’il fallait cesser le combat. L’on peut donc penser que cela a pesé dans la balance quand le commandant de Cherbourg a pris la décision de se rendre.
Le 24 juin, la 7e Panzer arrive à Bordeaux après avoir traversé les Pays de la Loire et le Poitou-Charentes, sans y rencontrer une grande résistance. Le 29, Le général Rommel, en présence du général Hoth, organise un défilé de la 7e dans les rues de Bordeaux. La 7e Panzer passera l’hiver en Gironde et plus précisément dans le camp de Souge. Rommel, quant à lui, rentre le 24 décembre à Herrlingen, mais revient le 6 janvier à Bordeaux, suite à une fausse alerte.
Voici ce qu’il écrit à sa femme, ce 6 janvier 1941 : « Nous attendons pour demain des visiteurs de marque qui viennent inspecter nos cantonnements. Nous sommes loin d’être confortablement installés. Les vignerons de la région passaient leur vie, voici mille ans, dans les même misérables taudis qu’aujourd’hui : maison construite en moellons de grès, avec des toits plats en tuiles rondes, exactement semblables à celles des Romains. Beaucoup de villages n’ont pas l’eau courante, et les habitants se servent encore de vieux puits. Les maisons sont très sommairement aménagées pour se protéger contre le froid : les fenêtres ferment mal et l’air siffle à travers les fentes. En revanche, la ville de Bordeaux offre une architecture d’une noble et grande beauté. »
Bilan de la campagne pour la 7e Panzer :
* Pertes :
o 684 tués
o 1746 blessés
o 266 disparus
o 42 chars détruits et 60 endommagés,
o un grand nombre de véhicules et de canons perdus sans compte précis.
* Prises de guerre :
o capture de 97 478 soldats,
o 277 canons de campagne,
o 64 canons antichars,
o 458 blindés divers,
o 4000 camions,
o 1500 voitures.
o 1 500 véhicules hippomobiles
o 79 avions
Rommel durant son séjour en France, une fois la campagne finie, joua dans un film de propagande de Goebbels s’intitulant Victoire a l’ouest, il y rejoue entre autres le passage de la Somme par la 7e Panzer. Pour ce film, il fut fait appel à des prisonniers des troupes coloniales françaises, dont certains moururent durant le tournage.
Le 4 février 1941, Rommel, en permission, est chez lui, à Herrlingen, quand il reçoit la visite d’un aide de camp d’Hitler. Celui-ci lui annonce qu’il est convoqué deux jours plus tard pour rencontrer le maréchalWalther von Brauchitsch et le Führer.
* Rommel raconte : « Le 6 février le maréchal von Brauchitsch me fait part de ma nouvelle mission. Pour remédier à la situation critique de nos alliés italiens en Afrique du Nord, deux divisions, une motorisée et une blindée, doivent partir pour la Libye où elles leur prêteront main-forte. On me charge d’assumer le commandement des deux unités, et je suis invité à me rendre en Libye dans les délais les plus brefs, afin de reconnaître les diverses possibilités d’utilisation de nos forces. L’arrivée des premiers contingents est prévue dans près d’une semaine, et celle des derniers de la 5e division légère motorisée pour mi-avril. À la fin mai, les derniers éléments de la 15e panzerdivision seront à pied d’œuvre. Il est aussi prévu que certaines unités italiennes d’Afrique seront placées sous mes ordres. Dans l’après-midi, je me suis rendu auprès du Führer, qui a tenu à me décrire la situation militaire en Afrique. »
Théoriquement l’Afrikakorpsest composé de la 5e Leichte division (5e division légère) et de la 15e panzerdivision qui furent placé sous les ordres du général italien Gariboldi.
* Hitler expliqua ainsi le choix de Rommel pour cette opération :
« J’ai choisi Rommel parce qu’il sait, comme Dietl à Narvik, mobiliser ses troupes. C’est une qualité essentielle pour qui commande une armée qui se bat dans les pays aux conditions climatiques très dures, comme l’Arctique ou l’Afrique du Nord. »
En pratique Joseph Goebbels et Adolf Hitler veulent reprendre la direction de ce vaste théâtre d’opération aux Italiens, pour en faire une grande épopée dont la Propagandastaffel pourrait se servir.
Le 12 février 1941 vers midi, Rommel atterrit à Tripoli où, après un bref exposé de la situation par le lieutenant-colonel Heggenreiner, il rencontre le général Italo Gariboldi. Malgré la réticence du général italien à toute offensive prématurée sur les Britanniques, Rommel obtient de pouvoir faire diverses opérations limitées ayant pour but de tester les résistances adverses. Les troupes germano-italiennes au début de ces opérations s’élevent à 3 000 Italiens et 9 300 Allemands. Le 24 mars, un bataillon de la 5e division motorisée attaque El-Agheila que les Britanniques abandonnent sans livrer de combats. Le 1er avril, Rommel attaque Maesa-el-Brega, faisant du même coup 800 prisonniers chez les Britanniques. Le 2 avril, c’est la prise de Agedabia qui force les Britanniques à se retirer sur la position d’El-Mechili. Cette position est rapidement encerclée par les Germano-Italiens. El-Mechili est défendu par les débris de la 2e division mécanisée britannique, la 3e brigade motorisée indienne, une batterie du Royal Horse Artillery et une unité du 3e régiment antichars australien. Le 8 avril, une tentative de sortie britannique se solde par un échec face au 8e régiment de Bersaglieri qui force les Alliés à retraiter sous les tirs des canons du colonel Ugo Montemurro. Les généraux Gambier-Parry et Vaughan seront fait prisonniers par Montemurro ainsi que 1 700 hommes et 500 véhicules divers.
* C’est lors de cette bataille que l’avion de Rommel faillit être abattu par des Italiens, Rommel raconte l’incident ainsi :
« Je rejoignais le front à l’est d’El-Mechili, pour suivre le déroulement de l’attaque. À près de cinquante mètres d’altitude, nous survolions alors un fier régiment de bersaglieri qui avait été adjoint à la colonne motorisée Fabris. Les soldats italiens n’avaient sans doute jamais vu de Fieseler Storch, car notre apparition très inopinée au-dessus de leurs têtes jeta tout à coup sur le trouble dans les rangs ; de tous les côtés, ils se mirent à tirer sur nous. C’est véritablement un miracle que l’avion n’ait pas été descendu, à une distance aussi courte. Nous fîmes demi-tour, tentant d’atteindre une élévation du terrain pour nous mettre à l’abri du feu de nos alliés. N’ayant aucune envie d’être victime de mes amis italiens, j’ai demandé au pilote de grimper rapidement à mille mètres d’altitude. »
Peu de temps après les Britanniques évacuent Benghazi, et se replient sur Tobrouk, mais leur retraite n’est pas de tout repos. En effet le lieutenant-colonel Ponath, à la tête d’une colonne motorisée allemande, arrive à capturer les généraux Neame, Combe et O’Connor, désorganisant ainsi le commandement des forces britanniques en Afrique du Nord. Malgré tout, Rommel ne peut continuer son offensive, tant que Tobrouk n’est pas tombé. En effet Tobrouk réunit une garnison de 36 000 hommes, dont une cinquantaine de chars, quatre régiments d’artilleries lourdes et deux régiments antichars. À la mi-avril 1941, Rommel encercle Tobrouk avec les divisions italiennes Brescia, Ariete et Trento, ainsi qu’avec la 15e division motorisée allemande soit environ 40 000 hommes, la 15e panzerdivision ne pouvant arriver avant la fin du mois. Durant un peu plus d’un mois, de fréquents combats eurent lieu entre les assiégés et les attaquants, sans que l’un ou l’autre puisse prendre l’avantage. Le 15 avril, Rommel a reçu le renfort de la 90e Leichte Afrika Division fraîchement arrivée d’Allemagne. Profitant de l’immobilisation de l’AfrikaKorps, les Britanniques vont lancer deux offensives à partir de l’Égypte, pour forcer Rommel à lever le siège. Ce sont les deux opérations Brevity et Battleaxe, elles coûtèrent environ 600 chars aux Britanniques qui subirent de cuisants échecs.
* Rommel en parle ainsi :
« Le vrai centre de gravité de la bataille de juin a été la passe d’Halfaya, défendue avec une grande opiniâtreté par les artilleurs du commandant Bach. Si nos canons de 88 mm firent une fois de plus merveille, le commandant Pardi, à la tête d’une compagnie d’artilleurs italiens, s’est tout aussi brillamment comporté. La preuve était faite que le soldat italien est capable de bien se battre quand il est conduit par un chef digne de ce nom et qu’il est bien équipé. Le sort de la bataille a donc tenu à la solide résistance des artilleurs, tant allemands qu’italiens, dans la passe d’Halfaya. »
L’été 1941, provoque de lourdes pertes dans chaque camp, les opérations s’arrêtent donc un peu pour que chacun puisse se rééquiper et se préparer à de nouveaux affrontements.
* Rommel, le 30 août 1941, décrit ainsi ses conditions de vie à ce moment-là :
« Chaleur vraiment atroce, même pendant la nuit. Au lit, je me suis tourné et retourné, ruisselant de sueur. Les nouvelles des victoires remportées en Russie ont fait plaisir à entendre. Ici, tout est calme pour le moment. Je passe ordinairement une bonne partie de mon temps à circuler. Avant-hier, je suis resté sur les routes pendant huit heures. Vous imaginez sans peine la soif qui m’étreint après une telle randonnée. J’ai été heureux d’apprendre que Manfred se distingue maintenant en mathématiques. C’est uniquement une affaire de méthode. Je suis aussi très satisfait des autres succès à l’école. La chaleur reste toujours aussi effroyable. J’ai pu tuer quatre punaises. Mon lit repose désormais sur des boîtes remplies d’eau, et je pense qu’à partir de maintenant les nuits seront un peu plus reposantes. D’autres soldats ont des ennuis de puces. Elles m’ont laissé tranquille jusqu’à présent. Je suis allé chasser avec deux brillants officiers, le major Mellenthin et le lieutenant Schmidt. Ce fut vraiment passionnant. J’ai tiré une gazelle à la course, de la voiture. Nous avons mangé le foie au dîner. L’eau de mer est trop chaude pour rafraîchir. »
Le 17 novembre 1941, un commando britannique débarque sur les côtes de la Cyrénaïque, avec pour but de surprendre et de tuer Rommel dans sa villa de Beda Littoria. Ce commando est commandé par le lieutenant-colonel Geoffrey Keyes. Ce commando fut surpris par une sentinelle qui donna l’alerte, Keyes fut tué et il y eut peu de survivants. Ces rares survivants fait prisonniers apprirent que Rommel n’était pas dans sa villa mais à Rome en visite officielle.
Le 18 novembre, après cet échec, les combats sont relancés par les Britanniques, qui souhaitent délivrer Tobrouk au plus vite. Le général Cunningham, lance cette offensive avec une armée forte de 735 chars, alors que les forces de l’Axe ne disposent pas de plus de 390 chars. C’est l’opération Crusader. Le premier combat a lieu à Bir-el-Gobi qui protège le front sud de l’AfrikaKorps. Les 150 chars de la 22e brigade blindée britannique attaquent la division Ariete (forte d’environ 150 chars aussi). La division Ariete résista toute la journée, malgré la réputation des M13/40 italiens, ceux-ci se révélèrent suffisamment efficace pour mettre en déroute les chars Crusader britanniques. Le résultat de cette journée est une perte de 75 chars du côté britannique contre 34 seulement du côté italien. L’aile gauche de Rommel est ainsi sauvée.
Le 21 novembre, aux alentours de Sidi-Rezegh les chars de la 21e panzerdivision, fraîchement débarquée, détruisent 113 chars ennemis. Le 28 novembre, les forces britanniques tentent une sortie de Tobrouk et arrivent à rejoindre les forces de Cunningham, mais Rommel parvient à ré-encercler Tobrouk dans une situation similaire à celle précédent la sortie. Ce même jour, Bir-el-Gobi est de nouveau attaqué par les Britanniques qui envoient à l’assaut la 11e brigade mécanisée indienne, mais celle-ci se trouve opposé au régiment italien Giovanni Fascisti. Les Italiens vont perdre environs 216 hommes alors que les Britanniques auront 1 076 hommes hors de combat et 80 blindés. Malgré tout après ces combats, bien que les Germano-italiens soient victorieux, la situation est loin d’être a leur avantage. En effet les Britanniques disposent de nombreuses réserves alors que l’ensemble des troupes germano-italiennes disponible se trouve engagé. Le 9 décembre, Rommel organise une réunion avec son homologue italien Ettore Bastico, qui a succédé à Gariboldi, pour lui faire admettre l’idée d’une retraite tactique pour ne pas subir le même sort que les troupes italiennes avant l’arrivée des Allemands. Bastico, bien qu’hostile a cette idée, finit par s’y plier. Le 16 décembre, le siège est levé et la retraite s’effectue en bon ordre. Le 25, les Britanniques entrent dans Benghazi alors que les Allemands se retirent sur Agedabia. L’opération Crusader est terminée, elle a coûté environ 800 chars aux Britanniques alors que l’Axe n’en a perdu que 340. Malgré tout Rommel a perdu dans ces diverses opérations une grande quantité de matériels dont du matériel anti-char, c’est pour cela qu’il doit attendre impérativement des renforts avant de reprendre l’offensive.
* Le 31 décembre, Rommel s’adresse ainsi à sa famille :
« Hier violents combats, qui ont bien tourné pour nous, leur nouvelle tactique pour nous acculer à la mer et nous encercler a échoué. Je suis de retour au QG de l’armée. Les officiers Kesserling et Gambara doivent venir aujourd’hui. Ils n’ont aucune idée des difficultés que rencontrent nos troupes en Afrique du Nord. Ils ne s’occupent que de leurs petites affaires ou de leurs plaisirs. Il pleut et les nuits sont terriblement froides et venteuses. Je demeure en parfaite santé, dormant autant que possible.
Vous comprenez assurément que je ne peux partir d’ici en ce moment. Aujourd’hui, dernier jour de cette année de guerre, mes pensées sont plus que jamais pour vous deux, qui êtes pour moi tout le bonheur sur la terre.
Mes très vaillantes troupes, allemandes et italiennes, viennent d’accomplir des efforts surhumains. Au cours des trois derniers jours, où nous avons contre-attaqué, l’ennemi a perdu 136 blindés. C’est une belle conclusion pour l’année 1941 et cela donne de l’espoir pour 1942. Un jeune coq et une poule se sont gentiment adaptés à cette existence difficile et circulent librement autour de ma voiture.
Le 27, la 22e brigade blindée britannique, reconstituée à son plein effectif, avança vite par Hel-Haseiat, tandis que d’autres éléments avaient lancé une attaque frontale contre nos positions d’Agedabia. Ce fut le commencement de cette fameuse et terrible bataille de trois jours entre chars, où l’ennemi fut enveloppé, contraint ainsi à devoir combattre à front renversé. Il fut cerné et, si une trentaine de ses blindées purent s’échapper vers l’Est, notre manque de carburant empêcha de rendre notre succès plus complet. Les éléments du groupe de soutien de la brigade de la Garde, lancés dans l’attaque frontale, se replièrent aussi vers le Nord-Est à la suite de cette défaite. Tout danger immédiat pour notre position d’Agedabia se trouve alors écarté. Mes meilleurs vœux. »
* En janvier 1942, Rommel explique sa stratégie à Hitler :
« Rapidité de jugement, capacité de créer des situations nouvelles et des surprises, plus vite que l’ennemi ne peut réagir. Absence de dispositions arrêtées à l’avance, telles sont les bases de la tactique dans le désert. Le mérite et la valeur du soldat s’y mesurent par sa résistance physique et son intelligence, sa mobilité et son sang-froid, sa ténacité, son audace, son stoïcisme.
Chez un officier, il faut les mêmes qualités à un degré supérieur, et il doit aussi posséder une inflexibilité exceptionnelle, ainsi que communier avec ses hommes, juger instinctivement du terrain de l’ennemi, réagir et penser avec rapidité.
Au niveau du matériel, on redouta pendant assez longtemps le char Matilda britannique, parce que son épais blindage le rendait fort difficile à détruire. Mais il est lent et possède un canon d’un calibre insuffisant. Nos Panzer III (avec le nouveau canon de 50 mm) et IV demeurent supérieurs à tous les modèles ennemis par la portée et le calibre des pièces et, jusqu’à un certain point, par la mobilité. Les chars italiens M13/40 se sont révélés capables d’affronter les chars légers britanniques, comme les Crusader, mais ont été vite dépassés contre les blindés plus lourds. Une arme à longue portée est décisive dans la guerre du désert. Dans ce domaine, nos 88 mm, bien utilisés en antichars, ont contribué dans une large mesure à nos succès.
L’infanterie de ligne n’a pas joué de rôle décisif, sauf lors de la guerre de siège devant la solide place-forte de Tobrouk. Les soldats britanniques, dont surtout les Australiens, se sont très bien battus dans le désert mais n’atteignent pas tout à fait, lors de l’attaque, les qualités des soldats du Reich. Les Néo-Zélandais, ainsi que les Sud-Africains, se sont révélés de redoutables guerriers. Les soldats italiens se sont battus avec un courage et un esprit de sacrifice extraordinaires. Cela est d’autant plus digne d’être remarqué que leur armement lourd est souvent médiocre et insuffisant. Le ravitaillement est un facteur décisif dans la victoire. »
Le 21 janvier 1942, Rommel déclenche l’offensive et anéantit la 1re division blindée britannique. Le 29 janvier, Benghazi tombe entre les mains de l’axe puis les Germano-italiens atteignent la ligne britannique qui part de Gazala (à l’ouest de Tobrouk) pour s’étendre dans le sud aux environs de Bir-Hakeim. S’ensuit une pause durant laquelle l’Oberkommando der Wehrmacht et le haut-commandement italien mettent au point un plan d’invasion de l’Égypte. En mai 1942, l’offensive est relancée, le but de l’offensive est la prise du canal de Suez. Disposant d’effectifs moins importants que ceux de l’ennemi en particulier en terme de blindées, 575 chars côté axe contre 994 pour les alliés, Rommel choisit de procéder à une manœuvre d’enveloppement par le sud, après une démonstration des italiens sur El-Gazala.
Le général britannique Ritchie est persuadé que les Allemands attaqueraient directement Tobrouk et engage son armée le long de la côte, malgré son flanc sud peu protégé. Seules, deux divisions et trois brigades dont la 1re brigade française libre du général Kœnig peuvent s’opposer au mouvement tournant des unités mobiles germano-italiennes. La brigade FFL est chargée pour sa part de défendre la position de Bir Hakeim. Elle dispose pour assurer sa mission de moyens antichars mais de peu d’artillerie lourde ainsi que peu de blindés. Le 26 mai 1942, vers 14 heures, les Italiens attaquent Gazala tandis que les Panzer de Rommel avancent au sud de Bir-Hakeim. Rommel a surpris le général Ritchie et menace en remontant au nord de couper la retraite à la 8e armée vers l’Égypte. Mais l’échec du général Stefanis et de sa division Ariete, appuyés fortement par la Luftwaffe, oblige Rommel à marquer une pause dans son mouvement et mener un siège en règle de Bir Hakeim. De plus, les Britanniques se sont ressaisis et contre-attaquent au sud pour éviter l’encerclement. La résistance courageuse des Français encerclés, qui dure près de quinze jours et l’emploi massif des nouveaux et puissants chars M3 Grant, empêchent les divisions blindées de l’axe de fermer la nasse autour de la 8e armée. Finalement, celle-ci peut se redéployer, avec l’appoint de divisions fraîches sur une ligne passant par El-Alamein, dont les défenses sont solides et appuyée au sud sur la dépression de Qattara. Rommel vient de perdre l’occasion d’une victoire rapide.
Le lendemain de la prise de Tobrouk, le 22 juin, Rommel se trouve à la frontière égyptienne. Il apprend par la radio qu’il vient d’être promu maréchal.
Claude Auchinleck qui a remplacé Ritchie, à la tête de la 8e armée, va y mener une bataille défensive, que l’on appelle généralement, la première bataille d’El Alamein. Cette lutte d’usure qui dure tout le mois de juillet, épuise surtout l’Afrika Korps qui a peu de moyens de renfort et dont les lignes de ravitaillement sont étendues. L’avance des Allemands et des Italiens ayant été stoppée, on peut considérer qu’il s’agit d’une victoire pour les alliés.
Le 17 juillet, Rommel découragé écrit à sa femme : Cela va mal. L’ennemi profite de sa supériorité pour détruire les formations italiennes une par une, et les unités allemandes sont trop faibles pour résister seules. Il y a de quoi pleurer ! (source : Historia magazine 170, 25 février 1971, p 2050)
Le 28 août, Rommel tente une percée pour bousculer les forces britanniques avant qu’elles ne se renforcent. La manœuvre échoue essentiellement par manque de carburant. Le 3 septembre, ses forces rentrent à leur base de départ après avoir perdu 42 chars sur le terrain. Il organise alors son front défensivement et rentre malade et découragé en Allemagne le 22 septembre pour se soigner. Il est remplacé par le général Stümme en provenance du front de Russie.
Pendant ce temps, Bernard Montgomery, fraîchement arrivé, organise les préparatifs de la seconde bataille d’El Alamein en reconstituant ses forces.
Rommel revient en Afrique dès le 25 octobre, le général Stümme ayant été tué dès le début de la seconde bataille d’El Alamein.
Montgomery mène une offensive décisive, repoussant l’Afrika Korps et les forces italiennes jusqu’en Libye. Cette défaite de Rommel est considérée comme un des tournants de la guerre par beaucoup d’historiens, au même titre que la Bataille de Stalingrad, car l’axe ne reprit jamais l’offensive par la suite sur le front africain. Winston Churchill résuma cette bataille dans les termes suivants : « Ce n’est pas la fin, ni même le commencement de la fin. Mais c’est peut-être la fin du commencement ».
Hitler avait donné l’ordre à Rommel de résister jusqu’au bout, malgré cela Rommel décide d’abandonner la bataille et de ne pas sacrifier inutilement les troupes et le matériel qui lui reste. Ainsi, il ne lui reste plus que 32 chars le 4 novembre lorsque les combats cessent.
Il écrit pour se justifier :
« La bataille tourne mal. Nous sommes tout simplement écrasés par le poids de l’ennemi. J’ai fait une tentative pour sauver au moins une partie de l’armée, et je me demande même si elle réussira. Je cherche nuit et jour un moyen de tirer de là nos troupes. Nous allons vers des jours difficiles, les plus difficiles, peut-être, qu’un homme puisse traverser. Les morts sont heureux, pour eux tout est fini. L’ordre du Führer exige l’impossible car une bombe peut tuer même le soldat le plus résolu. Il est évident qu’Hitler n’a rien compris à notre situation en Égypte. »
La retraite, plus ou moins aisée pour les Allemands qui disposent d’un grand nombre de véhicules et donc d’une grande mobilité, est plus délicate pour les divisions italiennes. La division Trento fut encerclée le 5 novembre dans la région de Fouka. Son général, Francesco Scotti, se résigna à déposer les armes n’ayant plus de munitions. Plus au sud, ce sont les restes des division Pavia, Brescia et Folgore qui capitulent ce même jour. Les généraux Ferraro Orsi (10e corps) et Priederi (Brescia) se firent tuer au combat. Pour la Folgore, la reddition se fait avec les plus grands honneurs, le général Frattini rencontre le général de division Hugues (44e division d’infanterie). Les deux hommes se saluent puis Hugues prend la parole « Divers rapports me forçaient à croire que vous étiez mort. Je constate avec soulagement qu’il n’en est rien. »
Puis il ajoute « Durant toute ma carrière de soldat, je n’ai jamais rencontré de meilleurs soldats que ceux de la Folgore. » Frattini a les larmes aux yeux, la Folgore ne compte plus que 32 officiers et 262 soldats.
Rommel, persuadé que la percée en Égypte n’est plus possible, est convaincu qu’il faut se retirer en Tunisie pour continuer le combat. Cette conviction est renforcée par la réussite de l’opération Torch qui a permis aux Américano-britanniques de débarquer au Maroc et en Algérie. De leur côté les Américano-britanniques bien que vainqueurs, ont subi de lourdes pertes (environ un millier de chars détruits) ce qui permet à Rommel de poursuivre la retraite en bon ordre. Tobrouk est évacuée le 12 novembre 1942.
Le 15 novembre, Rommel est impressionné par les prouesses du corps du génie :
« Nous faisons appel aux ultimes ressources de notre imagination afin de présenter aux Britanniques les attrape-nigauds les plus originaux, pour inciter les avant-gardes à la circonspection. Notre commandant du Génie, le général Buelowius, un des meilleurs sapeurs de l’armée, accomplit de véritables merveilles dans ce domaine. Il devient évident que l’ennemi tente de nous déborder par tous les moyens. Je suis hélas persuadé que la Libye est perdue. »
Le 19 novembre il ajoute :
« Il est bien évident qu’on va procéder dans les deux camps à une forte concentration de forces à Marsa-el-Brega. Les alliés sont dans la nécessité d’organiser leur ravitaillement. »
Alors que Rommel est forcé de continuer sa retraite, tout en ralentissant les alliés avec succès malgré une infériorité numérique d’un soldat de l’axe pour trois alliés, les renforts promis par Hitler en char lourd Tigre I arrivent enfin.
Le 29 novembre, Rommel arrive à Berlin pour convaincre le Führer d’abandonner le théâtre africain en rapatriant les troupes restantes en Libye. Il lui fait état de la situation réelle sur le terrain, provoquant un accès de rage de la part d’Hitler. Hitler ne cède pas et après l’avoir couvert de reproches, renvoie Rommel en Afrique continuer le combat.
À la mi-décembre, des forces italiennes sont attaquées à l’est d’El Agheila. Elles résistent près de dix heures face à des forces de beaucoup supérieures en nombre et surtout en matériel. Cette résistance permet à Rommel de décrocher à temps et leur vaut son admiration :
« La résistance des Italiens fut magnifique, et elle mérite les plus grands éloges. Une contre-attaque du régiment blindé de la Centauro a enfin réussi à refouler les Anglais, qui laissèrent sur le terrain 22 chars et 2 automitrailleuses. »
En Tunisie, la résistance de l’Axe face à la 1re armée britannique est très efficace. Les assauts sont fréquemment repoussés, laissant un grand nombre de prisonniers britanniques entre les mains des Allemands. Par ailleurs des pluies torrentielles empêchent les alliés d’avancer en direction de Tunis.
Rommel durant cette période de la fin 1942 cherche aussi à prendre contact avec les différentes confréries musulmanes pour les assurer du respect de leur croyance religieuse par les soldats germano-italiens. Il envisage en effet un soulèvement des musulmans contre les colonialistes franco-britanniques.
Rommel recrute ainsi, et cela peut être considéré comme un échec de cette politique, une phalange africaine de 300 Maghrébins.
Le 20 janvier 1943 Rommel reçoit un télégramme d’Italie auquel il réagit ainsi :
« Le maréchal Ugo Cavallero m’a fait parvenir un long télégramme rédigé sur ordre de Mussolini, dans lequel il est dit que ma décision de faire évacuer la ligne de Tarhouna et d’installer l’armée dans le secteur d’Azizia, pour y attendre l’attaque principale, est contraire à ses instructions. L’arrivée d’un tel message me fait bondir de rage. Une position débordée ou enfoncée n’a de valeur que si l’on dispose d’assez de forces mobiles pour repousser les forces enveloppantes ennemies Le meilleur des plans stratégiques n’a plus aucun sens s’il ne correspond plus à nos possibilités tactiques. »
Le 22 janvier, Rommel se résigne à évacuer toute la Tripolitaine pour aller se réfugier sur la ligne fortifiée de Mareth, dans le sud de la Tunisie.
Une lettre du 28 janvier adressée à sa femme montre un Rommel malade et critique face aux chefs de l’Axe :
« Sur le plan physique, je ne vais pas très bien : de violents maux de tête et les nerfs à bout, sans parler des troubles de la circulation. Cela ne me laisse alors aucun repos. Le professeur Horster m’a donné quelques somnifères pour me remettre. À vrai dire, avec une telle situation sur le front russe, tout ce qu’on peut souhaiter c’est de rester en Afrique. Le maréchal Ettore Bastico doit bientôt retourner en Italie ; Des divergences sont apparues entre nous. Mais elles étaient la conséquence des directives de Mussolini. Batisco est un excellent officier. »
À la mi-février, Rommel bien que malade décide de reprendre l’initiative. Ainsi, il lance une contre-attaque en direction de Kasserine et Tebessa en Tunisie. Cette contre-attaque est un succès. Le 5e régiment de Bersaglieri fait à lui seul plus de 3000 prisonniers américains, ou, autre exemple, la 21e Panzerdivision détruit une centaine de chars ennemis. Le 2e corps américain est complètement enfoncé et ne cherche quasiment pas à résister.
Rommel, à la suite de ce succès, veut chasser les Américains de leurs positions en Tunisie et en Algérie. Pour cela il met au point un plan audacieux. En infériorité numérique et ayant d’un côté les forces américaine et de l’autre les forces britanniques, il va tenter de les attaquer séparément. Il prévoit donc d’enfoncer d’abord les forces américaines puis se retourner sur les Britanniques en lançant l’offensive en direction de Tebessa et Bône, ce qui obligerait les Britanniques à se retirer complètement de la Tunisie pour éviter l’écrasement. Cette contre-offensive ne se solda pas par une victoire complète (la bataille de Kasserine coûte 10 000 hommes aux alliés), par la faute du général Von Arnim, qui, inquiet pour ses positions reprit la moitié de la 10e panzerdivision ainsi que le bataillon de chars Tigre I qui auraient permis une pénétration plus avant dans les lignes ennemies.
La résistance britannique au cours de ces opérations est beaucoup plus acharnée que la résistance des soldats américains, peu expérimentés. Même si par exemple la division de marche du Maroc (division appartenant à la France Libre) perd plus de 2600 soldats et que les troupes britanniques reculent, ce n’est pas la débandade que connaissent les Américains. Ceci permet aux Allemands de garder les troupes en bon ordre pour repartir à l’offensive.
Le 23 février 1943, Rommel reçoit enfin le commandement intégral du groupe d’armée Afrika. Il confia sa réaction dans une lettre adressé à sa femme :
« J’accueille cette nouvelle avec un sentiment mitigé. D’un côté, je ne suis pas du tout fâché de penser que j’aurais une plus grande influence sur le sort de mes soldats. Le général von Arnim n’aura qu’à suivre mes directives. De l’autre, la perspective de jouer le bouc émissaire d’une éventuelle défaite en Afrique ne me plait guère. Je suis cependant ravi de notre éclatante victoire à Kasserine et j’espère être vite en mesure de porter des coups aussi sévères aux alliés. Mais tout dépend, comme à chaque fois du ravitaillement. Ma santé s’est maintenue jusqu’ici. Mais le cœur, le système nerveux et les rhumatismes me causent toujours une foule d’ennuis. »
Le 26 février, il évalue sa situation dans une autre lettre adressée à sa femme :
« Les conditions ne semblent pas du tout réunies pour une victoire rapide sur le front tunisien. Nos moyens fondent à vue d’œil. Nos réserves sont insuffisantes. Comme toujours, le ravitaillement n’arrive qu’en trop petites quantités. La Marine italienne fait tout ce qu’elle peut pour nous fournir le matériel nécessaire, mais l’absence de radar et de porte-avions se fait durement sentir. Je me creuse jour et nuit le cerveau pour essayer de trouver une bonne solution mais je bute toujours sur les mêmes problèmes. Malgré de très lourdes pertes causées aux unités alliées, le rapport de force n’est pas modifié. La supériorité matérielle des alliés est toujours écrasant : vingt contre un pour les blindés ! ».
Début mars, une nouvelle offensive est lancée à l’encontre de la 8e armée britannique, dans le secteur de Medenine pour dégager la ligne Mareth en contournant les forces de Montgomery. La 10e Panzerdivision ayant pour mission de reprendre Medenine pour ensuite se diriger vers le golfe de Gabès échoue du fait d’une infériorité numérique écrasante (160 chars allemands contre 600 britanniques) qui n’est pas palliée par l’effet de surprise, les alliés ayant réussi à décrypter des messages de l’axe. Cette offensive se solde par la perte de 52 chars pour l’Afrika Korps.
La situation est totalement déséquilibrée en faveur des alliés. Le rapport de forces est de 1 pour 7 en ce qui concerne les véhicules blindées, de 1 contre 20 pour les chars et de 1 contre 3 pour l’artillerie. Malgré cette infériorité numérique les germano-italiens remportent encore quelques succès et réussissent à résister et à tenir le terrain encore en leur possession.
Le général allié Alexander, impressionné fait ce constat :
« En Tunisie, l’ennemi contre-attaque continuellement et réussi à arrêter notre avance au prix de très lourdes pertes. Nous remarquons que les Italiens se battent particulièrement bien, même mieux que les Allemands qui sont en ligne avec eux. Malgré de sévères pertes infligées par nos barrages d’artillerie, l’ennemi persiste dans ses contre-attaques, et il devient évident qu’une avance dans ce massif inextricable, celui des montagnes tunisiennes, sera coûteuse. »
Le 8 mars 1943, Rommel fit ses adieux à son vieux compagnon Bayerlein à Benizelten village tunisien situé dans la chaîne montagneuse des Matmata. Le 9 mars 1943 il quitta définitivement le sol africain en décollant de Sfax en Tunisie pour retourner en Allemagne, en passant par Rome.
Alors qu’il pense retourner en Afrique après s’être un peu reposé, ses discussions avec le Commando Supremo italien lui font comprendre que ce n’est pas dans les intentions du Führer.
« Je me rendis au commandement suprême des forces armées italiennes, où j’eus alors un entretien avec le général Ambrosio. Je compris bientôt que les Italiens ne s’attendaient nullement à me voir retourner en Afrique et qu’ils étaient convaincus que le Führer allait vite m’envoyer en convalescence. C’était loin d’être mon intention. J’espérais encore faire accepter mes plans et conserver quelques temps le poste de commandement de tout le groupe d’armées. Puis je me rendis chez le Duce, en compagnie d’Ambrosio et de Westphal. L’entretien dura près d’une demi-heure. Je dis à Mussolini rapidement et nettement tout ce que je pensais de la situation, puis je lui exposai les conclusions à en tirer. Mais lui aussi semblait, tout comme Hitler, manquer de tout sens de la réalité dans l’adversité. L’un de ses principaux soucis était la crainte du choc considérable que la perte de la Tunisie produirait alors en Italie. Il refusait de voir les choses en face. »
Le 10, Rommel arrive en Allemagne et va directement au QG de Rastenburg en Prusse-Orientale. Là il s’entretient longuement avec Adolf Hitler auquel il souhaite faire accepter le retrait des troupes allemandes d’Afrique.
« Hitler se montra totalement fermé à tous mes arguments, qu’il élimina les uns après les autres persuadé alors que je m’étais laissé envahir par le doute et le pessimisme. Je déclarai qu’il était indispensable de rééquiper les divisions d’Afrique en Italie et de les placer en défense sur les côtes de l’Europe du Sud. »
Après avoir passé quelque temps en famille, Erwin Rommel est hospitalisé dans l’hôpital de Semmering en avril. Durant son séjour à l’hôpital il apprend les mauvaises nouvelles en provenance de Tunisie, où les combats sont de plus en plus inégaux. Ces nouvelles renforcent dans l’esprit de Rommel le rejet des élites nazies dans lesquelles il ne croit plus, et en particulier d’Hermann Goering :
« Quant à ce gros lard, la situation tragique de nos armées ne semblait pas du tout le troubler. Il faisait alors la roue et se rengorgeait sous les grossières flatteries de tous les imbéciles qui composent sa cour, ne parlant que de bijoux et de tableaux. Une telle attitude m’aurait peut-être amusé à un autre moment, mais alors elle ne cessa de m’exaspérer. Goering était possédé d’une ambition absolument démesurée. Sa vanité et son orgueil ne connaissaient aucune limite. »
Il fut nommé responsable du Mur de l’Atlantique pour tenter d’interdire le débarquement des Alliés en France.
Après l’inspection du mur, en avril 1944, il déclara :
« Si vous pensez qu’ils arriveront par beau temps, en empruntant l’itinéraire le plus court et qu’ils vous préviendront à l’avance vous vous trompez... Les Alliés débarqueront par un temps épouvantable en choisissant l’itinéraire le plus long... Le débarquement aura lieu ici, en Normandie. »
Après ce débarquement (le 6 juin 1944), Rommel est grièvement blessé lors du mitraillage de sa voiture sur une route par un avion allié le 17 juillet.
Ayant participé indirectement le 20 juillet 1944 à l’opération Walkyrie visant à l’assassinat d’Hitler, à une capitulation sans condition avec les alliés, à une confédération européenne rendant impossible les courses à l’armement et les guerres d’agression ; complot mené par des conservateurs allemands de la Wehrmacht, dirigé par le colonel Claus Schenk von Stauffenberg ; il reçut l’ordre de se suicider, en échange de la préservation de son honneur et du respect de sa famille. Une telle issue préservait également les dirigeants nazis d’un éventuel contrecoup qu’aurait provoqué l’incarcération, voire l’exécution d’un général devenu populaire au fil de ses victoires auprès de la population. Rommel a été forcé par deux militaires (les généraux Burgdorf et Maisel) de choisir entre le suicide ou une accusation de lui-même et de sa famille devant le tribunal militaire et a choisi le suicide par poison dans une voiture à trois pas de sa porte. Un medecin rédigera un faux certificat de déces indiquant une crise cardiaque. Le 14 octobre 1944, il fut enterré avec les honneurs militaires.
* Son fils, Manfred Rommel, dit de lui : « Toutes les vertus secondaires comme le courage, la discipline, la fidélité, l’endurance n’ont un effet positif qu’aussi longtemps qu’elles servent une cause positive. Si une cause positive devient négative, les vertus secondaires deviennent problématiques. Pendant le règne d’Hitler, les soldats allemands ont dû en faire l’amère expérience. »
* Des casernes allemandes portent actuellement son nom.
sources wikipedia
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