lundi 12 octobre 2015, par
Maurice Gustave Gamelin (Paris, 20 septembre 1872 – Paris, 18 avril 1958), est un officier général français. Il commande l’Armée française pendant la drôle de guerre de 1939-1940 et voit sa stratégie mise en déroute par les Allemands lors de la percée de Sedan. Pendant le régime de Vichy, Gamelin est arrêté et interné en Allemagne.
Maurice Gamelin est né le 20 septembre 1872 à Paris 7e où il vécut son enfance au no 262 du boulevard Saint-Germain, en face du ministère de la Guerre. Son père Zéphyrin, contrôleur général des Armées, s’était distingué au service de Napoléon III et fut blessé à la bataille de Solférino en 1859. Sa famille maternelle – les Uhrich – est de souche alsacienne. Très jeune, il manifeste un intérêt pour les questions militaires mais, comme on lui reconnaît également un certain talent pour les arts, ses parents préfèrent d’abord l’encourager dans cette voie. Il fréquente le collège Stanislas de la rue du Montparnasse, puis, brillant élève désormais déterminé à s’engager dans une carrière militaire, il intègre Saint-Cyr le 31 octobre 18912 et en sort major de promotion en 1893.
C’est en Afrique du Nord qu’il commence sa carrière d’officier, d’abord au 3e régiment de tirailleurs algériens, puis à la brigade topographique de Tunisie, où il peut mettre à profit ses dons pour le dessin et l’observation. Revenu en métropole en 1897, il prépare le concours d’entrée à l’École supérieure de guerre. Huitième au concours d’entrée, il en sort deuxième. Esprit fin, cultivé, travailleur et doué pour les études de tactique militaire, il se fait remarquer par le futur général Lanrezac, alors commandant en second de l’école. Il poursuit ensuite comme stagiaire à l’état-major du 15e corps une carrière qui s’annonce d’ores et déjà brillante. Passé en 1904 du service d’état-major à la troupe (en tant que commandant de compagnie au 15e bataillon de chasseurs), il se montre toujours aussi efficace et fait l’admiration de ses supérieurs. En 1906, il publie son Étude philosophique sur l’art de la Guerre, qui le place d’emblée parmi les meilleurs penseurs militaires de son temps.
L’année 1906 marque le tournant de la vie de Gamelin. Cette année-là, en effet, il est nommé officier d’ordonnance du général Joffre qui commande alors la 6e division d’infanterie. Cette nomination doit beaucoup à l’entremise du lieutenant-colonel Foch, qui était alors professeur à l’École de Guerre et qui avait eu l’occasion d’apprécier les hautes qualités de son ancien élève. Dès lors, la carrière du jeune capitaine breveté se confond avec celle de Joffre. En 1908, il le suit à l’état-major du 2e corps d’armée, puis en 1910 au Conseil supérieur de la guerre. Il est nommé chef de bataillon en 1911 et doit se séparer provisoirement de son chef pour prendre le commandement du 11e bataillon de chasseurs, à Annecy. Mais cette séparation est de courte durée puisque, le 23 mars 1914, Joffre le rappelle à son service à l’état-major général.
Gamelin est toujours le collaborateur dévoué de Joffre lorsque commence la Première Guerre mondiale. À ce poste, il fait preuve d’un zèle et d’une efficacité de premier ordre, surtout lors de la bataille de la Marne où il rédigea les instructions qui allaient conduire à la victoire. C’est également à cette époque qu’il se rend compte de l’imbrication étroite du politique et du militaire pour la conduite des opérations. Le 1er novembre 1914, il est nommé lieutenant-colonel et quitte le Grand Quartier Général (G.Q.G.) pour prendre le commandement de la 2e demi-brigade de chasseurs à pied. Avec elle, il combat en Alsace (sur le Linge notamment) puis dans la Somme. Nommé colonel en avril 1916, il poursuit son ascension et fait sans cesse l’admiration de ses supérieurs : au feu, comme dans un bureau d’état-major, Gamelin semble décidément un officier de très grande envergure. Le 8 décembre 1916, il est nommé général de brigade à titre temporaire : il ne sera resté colonel que huit mois. Après un bref retour au G.Q.G., il devient chef d’état-major du groupe d’armées de réserve du général Joseph Alfred Micheler. Le 11 mai 1917, il reçoit son dernier commandement de la guerre, celui de la 9e division d’infanterie, dont il garde la tête jusqu’à l’armistice. Soucieux d’économiser la vie de ses hommes, il n’en témoigne pas moins d’une grande habileté tactique, comme en attestent ses combats dans la région de Noyon, aux heures critiques du printemps 1918.
De 1919 à 1924, le général Gamelin dirige la mission militaire française au Brésil. Puis il est nommé commandant des troupes françaises au Levant (1924-1929). À ce poste, il achève la pacification du territoire. Rentré en France, il prend le commandement de la 20e région militaire à Nancy.
Soutenu tout au long de sa carrière par Édouard Daladier, il succède, en 1931, au général Weygand au poste de chef d’état-major général. Il a en charge la direction du grand quartier général des forces terrestres françaises. À partir de 1935, il cumule cette fonction avec celle d’inspecteur général de l’armée. Avant lui, seul Joffre avait eu autant de pouvoir. Il devient ensuite le premier titulaire du poste de chef d’état-major de la défense nationale, avec une mission de coordination entre les trois armées (terre, air, mer), suite au décret du 21 janvier 1938.
Gamelin joue ainsi un rôle déterminant dans la préparation de la France au conflit à venir. Il imprègne de ses conceptions — aussi floues ou obsolètes soient-elles — l’armement, l’organisation et l’entraînement de l’armée.
Chevalier de la Légion d’honneur depuis 1913, il est nommé grand-croix de l’ordre le 8 juillet 1932.
Le généralissime des Forces Armées Françaises au cours de la Seconde Guerre mondiale était un des généraux les plus intellectuels de son époque. Il était respecté, même en Allemagne, pour son intelligence et sa subtilité. Malgré cette finesse et ses brillants états de service pendant la Première Guerre mondiale, son commandement des armées françaises jusqu’à la bataille de France en mai 1940 fut un désastre.
Gamelin soutint un plan stratégique défensif consistant à attendre l’attaque allemande, en conservant un front continu de la Suisse à la mer du Nord, derrière la ligne Maginot le long de la frontière allemande, puis avec des divisions de second ordre derrière l’obstacle naturel des Ardennes, enfin grâce à des troupes mobiles jusqu’à la mer. Anticipant l’agression de la Belgique et des Pays-Bas, il mit au point une manœuvre consistant à avancer en Belgique jusqu’à la Dyle pour à la fois raccourcir la ligne de front et rallier les troupes belges.
Il imposa la « variante de Breda », consistant à placer à l’extrême nord du front la 7e armée du général Giraud, pour « tendre la main aux Hollandais ». Cette manœuvre fut exécutée dès le début de la campagne, déplaçant les meilleures unités françaises et leur soutien aérien très loin du lieu de l’attaque véritable des Allemands.
Après la percée de Sedan le président du conseil Paul Reynaud limogea Gamelin, le 17 mai 1940, pour le remplacer par Weygand.
Au rang des nombreuses erreurs de Gamelin, caractérisant son incompétence, on peut citer :
Une faible capacité à mener les hommes, organiser, et un manque de charisme général. Ses subordonnés, dit-on, l’avaient surnommé « Baudelaire », car on disait que toute sa doctrine se résumait dans le vers : « Je hais le mouvement qui déplace les lignes ».
Des conceptions obsolètes de l’emploi de l’aviation, des chars, des éléments motorisés, de l’artillerie, des fortifications. Il ne tint aucun compte des développements modernes et ne tira guère d’enseignement de la rapidité de la campagne de Pologne, restant attaché à l’expérience du conflit de 1914-1918, et arguant que « la Pologne n’est pas la France ». S’il adhérait à cette doctrine conservatrice, force est d’observer que le gouvernement et la plupart des officiers de l’époque y souscrivaient également.
La mauvaise organisation du plus haut niveau de l’armée, se caractérisant par une dilution des responsabilités sur un front crucial ; en Belgique, on ne sut trop qui commandait la coalition interalliée : était-ce le général Billotte, chef du 1er groupe d’armées, le général Georges, commandant du front Nord-Est, ou le généralissime lui-même ? L’envoi d’un officier de liaison auprès du roi des Belges Léopold III, le 10 mai, ne pouvait être que trop tardif pour permettre une coordination efficace entre Belges et alliés. Cependant, dans son livre de mémoire Servir paru en 1946, il souligne qu’il avait voulu empêcher un déroulement fatal aux événements de la campagne de 1940 en entretenant des rapports secrets avec le roi Léopold III, commandant en chef de l’armée belge, ce qui lui avait révélé le plan allemand d’offensive par l’Ardenne connu des services belges de contre-espionnage.
Un commandement privilégiant les contacts avec les hommes politiques parisiens — depuis son quartier-général de Vincennes — plutôt que la proximité du front. Ce point était encore exacerbé par la réticence de Gamelin à employer la radio pour transmettre ses directives, préférant le téléphone filaire ou les coursiers. Le processus de décision français était ainsi plus lent que celui des Allemands. En ce qui concerne le choix de rester à Vincennes, il s’explique par la loi de 1938 sur la direction de la guerre. La responsabilité de la direction de la guerre incombe au gouvernement. C’est écrit en toute lettre et c’est cette loi qui s’applique dès le 2 septembre 1939.
Une vision du théâtre d’opérations qui lui fit regarder le secteur des Ardennes comme impénétrable (malgré les avertissements qu’il a reconnu avoir reçus de Belgique), au grand dam du général Corap, commandant la 9e armée française dans ce secteur, qui ne cessa de signaler en vain l’insuffisance en hommes et en matériel sur ce front et sa perméabilité de fait ; de même le maintien de forces importantes derrière la ligne Maginot excessivement gourmande en personnel alors que celle-ci aurait dû permettre une grande économie de troupes.
Il aurait pu illustrer les célèbres mots de Clemenceau : "La guerre est une chose trop délicate pour être confiée à un militaire".
Naturellement dans ses mémoires Gamelin tente de "se racheter", soulignant par exemple qu’il préparait une contre-attaque le jour-même de son remplacement par Weygand mais oubliant bien sûr ses nombreuses erreurs.
De fait, Paul Reynaud avait également des raisons politiques pour le remplacer. La raison essentielle pour laquelle il tenait à le remplacer c’est que Gamelin était soutenu par Édouard Daladier. Or une sourde hostilité opposait Daladier à Reynaud. Cet antagonisme entre ces deux personnages est caractéristique de la fin de la IIIe République. Daladier fut conservé dans le cabinet Reynaud parce que sans lui les radicaux n’auraient pas soutenu le gouvernement. Même avec l’appui du gouvernement, Reynaud n’avait été élu qu’à une seule voix de majorité ; il aurait aimé prendre le portefeuille de la guerre et de la défense nationale, mais Daladier tenait à le conserver et c’était le prix de sa participation.
Le général de Gaulle ne l’appréciait pas non plus (Mémoires de guerre, L’appel 1940-1942, p. 27-28, éditions Plon). C’est pourtant Gamelin qui lui confia fin avril 1940 le commandement de la 4e division cuirassée et le proposa au ministre pour être promu au grade de général à titre temporaire.
Pendant sa captivité en Allemagne il se réconcilia avec Reynaud, qui avoua avoir été abusé par Pétain et Weygand. Il faut noter que, lors des tractations politiques Daladier-Reynaud, Pétain était ambassadeur en Espagne, y restant jusqu’à ce qu’il soit rappelé à Paris par Reynaud qui en avait besoin comme caution, alors que Weygand était loin, au Levant. Mais celui-ci sera rappelé le 17 mai pour remplacer Gamelin, tandis que Reynaud faisait entrer Pétain au gouvernement comme vice-président du conseil.
Dès le début de son gouvernement, le 22 mars, Reynaud était entouré de "bellicistes" et de "pacifistes", et dans son entourage très proche les "pacifistes" avaient une place prépondérante, notamment son égérie la comtesse Hélène des Portes.
Quant au général de Gaulle, Reynaud aurait voulu l’avoir à son cabinet dès le 22 mars, mais Daladier s’y opposa ; il ne sera sous-secrétaire d’État à la guerre qu’au remaniement de mai-juin 40, lorsque Daladier aura quitté le gouvernement.
Après la défaite, il fut arrêté le 6 septembre 1940, puis inculpé au procès de Riom, aux côtés de Léon Blum, Édouard Daladier et Paul Reynaud. S’il garda le silence dignement en présence de ses accusateurs, il en alla tout autrement de ses co-inculpés, le procès fut prématurément ajourné. [réf. souhaitée] Il fut emprisonné par le régime de Vichy au fort du Portalet dans les Pyrénées avec Léon Blum et Édouard Daladier. Lors de l’occupation de la zone libre par les Allemands en novembre 1942, il fut interné en Allemagne près du camp de concentration de Buchenwald où il fut logé dans un baraquement réservé et chauffé, avec Léon Blum et Léon Jouhaux. Ces trois personnalités seront rapidement transférées au château d’Itter en Autriche, où elles seront rejointes par Paul Reynaud et Jean Borotra puis plus tard par le général Weygand et le colonel de La Rocque. Les Américains les libèreront le 5 mai 1945.
De retour en France, Gamelin choisit de se poser en victime, bien qu’on ne lui demandât que peu de comptes. Il publia ses mémoires, sous le titre Servir, mémoires consacrés essentiellement à justifier sa conduite de la guerre durant la campagne de France en 1939-1940. Churchill l’évoque ainsi dans ses propres mémoires : « C’était un homme qui aimait son pays, plein de bonnes intentions et qui connaissait son métier. »
Décédé au Val-de-Grâce (Paris 5e) le 18 avril 1958, il est inhumé au cimetière de Passy (Paris 16e) dans la plus grande simplicité. En effet, le gouvernement a refusé une veillée pas ses compagnons d’armes et la messe à Saint-Louis-des-Invalides. Aucune garde d’honneur ne sera fournie autour du cercueil, seulement les honneurs habituellement rendu à un titulaire de la grande croix de la légion d’honneur.
Son épouse est décédée en 1964.
Étude philosophique sur l’art de la guerre, Chapelot, Paris, 1906. 107 p.
Trois étapes de l’avant-guerre, Les Œuvres libres, Paris, no 13, 1921
Instruction sur l’organisation et le fonctionnement de l’aviation sanitaire en temps de guerre, Imprimerie nationale, 1932, 9 p.
Servir, vol. 1, Les Armées Françaises de 1940, Plon, Paris, 1946, 380 p.
Servir, vol. 2, Le Prologue du drame, 1930-août 1939, Plon, Paris, 1946, 479 p.
Servir, vol. 3, La guerre, septembre 1939-19 mai 1940, Plon, Paris, 1946, 537 p.
Manœuvre et victoire de la Marne, Bernard Grasset, 1954.
Selon certains historiens (mais pas la majorité), Gamelin souffrait de syphilis. Parmi cette minorité, un certain nombre prétendent que cette maladie aurait eu un impact négatif sur sa lucidité (voir neurosyphilis) (ce qui semblerait bien surprenant pour un homme qui vécut jusqu’à 86 ans avec toute sa lucidité et qui a écrit ses mémoires lui-même).
L’historien Gérard Chauvy traite explicitement du cas du général Gamelin et emploie le terme de neurosyphilis dont l’origine remonterait avant 1930. Il cite « l’impaludation, appelée encore malariathérapie ». Il parle d’une « terrible maladie », qui expliquerait une carence intellectuelle. Il parle également des « effets d’une artériosclérose généralisée ». En 1958, il meurt d’une paralysie générale, « phase finale de la neurospyphilis ».
Les affirmations de Chauvy s’appuient, en particulier, sur deux documents dont un du Service historique de la Défense et l’autre traite de « Ces malades qui nous gouvernent ».
source wikipedia
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