vendredi 28 mars 2008, par
La route suivie par les bombardiers dans la nuit du 31 mai 1942 passait exactement à la verticale des stations de guidage-radar du II./NJG 1
(Il’ groupe de la 1" escadre de chasse de nuit). Il y avait plus d’objectifs que les défenseurs ne pouvaient en entreprendre ; cette nuit-là le II./NJG 1 mit huit victoires confirmées à son tableau de chasse. Mais, pour chaque victoire, de nombreux bombardiers passèrent au travers des mailles du filet
sans être inquiétés. Du côté allemand, l’engagement le plus remarquable fut celui du Leutnant Niklas et de son opérateur-radio, l’Unteroffizier Wenning, tous deux du II./NJG 1. Ils avaient décollé avec leur Bf 110 de Saint-Trond (Belgique), à mi-route entre Bruxelles et Liège, et orbité autour
de la station « Himmelbett » proche avant l’interception relatée ci-dessous par l’Uffz. Wenning. Traduit du livre The Messerschmitt B ! 110 par Alfred Price, édité par Profile Publications Ltd., Coburg House, Sheet Street, Windsor, Berkshire, Grande-Bretagne.
Nous n’avons pas longtemps patrouillé dans notre zone, car à 3 000 m d’altitude nous avons rencontré notre première proie, un Wellington, que nous avons identifiée à 450 m. Pratiquement au même moment, le Tommy nous a aperçus. Il a viré serré vers la droite et s’est mis à piquer. Nous l’avons poursuivi, mais son mitraillage était si intense que nous n’avons pu nous mettre en position de tir et l’avons dépassé. Les mitrailleurs tiraient cependant sauvagement, mais leurs traçantes ne nous atteignirent pas. Le Leutnant Niklas fit un virage si serré que le contenu de mon sac de navigation s’éparpilla sur le plancher de l’habitacle. Nous nous sommes placés à nouveau derrière le bombardier et, à courte distance, nous avons arrosé son aile gauche d’obus. Il prit feu, nous vîmes les flammes jaillir de l’aile. A ce moment, notre victime était descendue à 1 800 m. Nous l’avons ajustée une fois encore et avons tiré une nouvelle salve dans le fuselage et les ailes, et les flammes grandirent. Nous nous sommes tenus un moment à distance, attendant pour voir si une autre passe était nécessaire. Le Wellington poursuivit son vol pendant un certains laps de temps, l’incendie prenant constamment de l’extension. Il roula ensuite sur l’aile et plongea vers le sol en traînant un panache de flammes derrière lui, comme une comète. Il explosa à proximité du sol, illuminant la campagne avoisinante.
Un sentiment de satisfaction nous gagna : c’était notre première victoire. Je martelai lés épaules du pilote de mes deux poings. L’épave flambante s’écrasa sur des maisons comme nous l’avons vu de notre avion, mais nous sommes descendus à 180 m pour mieux nous en rendre compte.
La base nous transmit promptement un gisement afin que nous puissions déterminer notre position, et nous fûmes parés pour le suivant, qui ne tarda pas à se manifester. Je souffrais de difficultés de respiration, car nous volions à 5 000 m sans masque à oxygène. Comme je me relevai, je vis avec surprise un Tommy devant nous, à 600 m de distance, c’était encore un Wellington. Il zigzaguait mais n’ouvrit pas le feu. Nous avaient-ils vus ? Nous avons lancé l’attaque, droit devant nous. L’objectif grandit et sembla soudain énorme. J’en avais le souffle coupé. Allions-nous l’aborder ? Nous avons tiré à courte distance et l’avons touché aux ailes et au fuselage. Nous avons vu les lueurs des impacts à l’arrière de la carlingue. J’étais sur le point de dire « il est en feu » quand, soudain, le Leutnant Niklas hurla : « J’ai été touché, je romps le combat immédiatement. » J’avais confondu les incandescences aux gueules des mitrailleuses arrière avec la lueur des impacts de nos balles. Nous avons lâché le Tommy, car nous avions suffisamment de problèmes ainsi.
Le ronronnement régulier des moteurs était rassurant et la radio fonctionnait toujours correctement. Notre appareil n’avait pas été atteint dans ses parties vitales, mais les blessures du pilote étaient inquiétantes. Son bras gauche était inerte, et il sentait le sang couler. Il me demanda un garrot. Je me demandais comment procéder et me souvins qu’il convenait d’utiliser un bandeau de caoutchouc. Je portais la main à mes bretelles mais je réalisai bientôt qu’il me serait impossible de les enlever (Wenning portait une combinaison de vol et le harnais de son parachute par-dessus). C’est alors que je me rappelais que j’avais un bout de corde en poche. Dans l’étroit habitacle, je me penchai au-dessus du pilote et je garrotai son bras du mieux que je pus.
Entre-temps, nous avions reçu des informations du sol pour suivre un cap de 60°. Bien inutilement, car le tableau de bord avait reçu des balles et le compas était en miettes. Une boussole se trouvait à droite, mais elle n’était pas éclairée, et nous avions perdu notre torche électrique lors du premier combat, car elle se trouvait dans le sac de navigation.
Le Leutnant Niklas déclara que si nous volions dans la direction opposée, nous devions rejoindre la base. L’idée que cette affirmation pouvait être erronnée ne me vint même pas à l’esprit, car il n’y avait guère autre chose que nous puissions faire.
J’appelais à la radio : « Demande à champ de chaumes (nom-code de l’aérodrome de Saint-Trond) d’allumer les balises immédiatement, Victor attend. » Le Leutnant Niklas, qui s’était affaissé, se redressa alors.
« Champ de chaumes ne peut pas éclairer.
– Pourquoi ?
– Ordre de l’officier de service, courriers (nom-code pour les avions ennemis) au-dessus de champ de chaumes. »
Le Leutnant Niklas, qui s’était à nouveau affaissé, se redressa sur son siège : « Nous ne pouvons pas poursuivre de la sorte, nous devons prendre une décision. » Je lui dis : « Herr Leutnant, nous devons être proches de la base. » Sauter en parachute, blessé comme il l’était, rimait à la folie. Nous devions retourner à la base aussi vite que possible, il n’y avait pas d’alternative.
« Champ de chaumes doit allumer les balises ou nous sommes perdus.
– Attendez Victor. »
Les balises de l’aérodrome s’illuminèrent soudainement sur notre gauche. Niklas déclara dans l’interphone qu’il n’y voyait plus rien, que tout était devenu blanc. « Un peu à gauche, Herr Leutnant... pas trop ! »
C’est ainsi que nous avons volé vers notre aérodrome. Le Leutnant Niklas était presque à la verticale des feux de piste quand il les aperçut. Une approche correcte était impossible, et il glissa pour se poser sur la piste de secours. Nous avons rasé des arbres. « Nous sommes trop bas ! », Niklas répondit : « Oui, mais l’excursion a duré assez longtemps. » Qu’est-ce que cela voulait dire ? Je n’avais pas le temps d’y penser que je voyais le toit d’une maison passer sous nos ailes. Le badin affichait toujours 300 km/h.
« N’oubliez pas les feux de position et le harnais. »
Le Leutnant Niklas murmura : « Je ne peux plus tenir ». et il s’affaissa vers l’avant. Il y eut un raclement râpeux, et des mottes de terre frappèrent l’habitacle. Nous glissâmes sur le sol durant ce qui sembla être une éternité. J’étais crispé. C’était donc ainsi un atterrissage en catastrophe ? Je l’avais toujours imaginé autrement. L’écrasement et les craquements devinrent plus intenses ; il y eut un soubresaut et tout devint calme.
Le Leutnant Niklas cria alors : « Fichons le camp d’ici ! » Il s’était cogné la tête mais avait repris connaissance. Il s’extirpa de son siège, essaya de courir tout en débouclant le harnais de son parachute. Mais cela ne marcha pas, et il s’évanouit. Je l’étendis doucement sur l’herbe et ouvris sa combinaison de vol ensanglantée. Un médecin et des hommes arrivèrent à la rescousse et l’évacuèrent. J’étais entouré de gens qui me posèrent un tas de questions. Je me rendis compte à quel point j’avais été chanceux.
L’épave du second Wellington abattu par Niklas fut retrouvée plus tard dans la journée.
sources Special Mach1 ed Atlas 1981 "Messerschmitt 110 chasseur de nuit"
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