mercredi 6 janvier 2021, par
Au XVIIe siècle l’Etat moscovite ne cesse de se renforcer et de se centraliser. Mais c’est surtout un siècle remué par des révoltes populaires, issues de problèmes sociaux et économiques, le tout agrémenté de la question religieuse.
Après le Temps des troubles, dévastateur pour le pays encore en guerre contre la Pologne et la Suède, Michel Romanov instaure la dynastie des Romanov, avant que le règne de Pierre le Grand mette fin à la Moscovie pour déboucher sur l’Empire russe.
Fils du patriarche Philarète qui prend le titre de premier personnage d’Etat en 1619, Michel Romanov devient tsar en 1613. Quatre ans plus tard, la paix de Stolbovo est signée, et Novgorod rendue à la Moscovie contre une indemnité de guerre. Cette même année, Ladislas IV entre en campagne vers Moscou jusqu’en 1618. La paix avec la Pologne-Lituanie, deux nations unies depuis 1569, est signée en 1634 et Smolensk revient alors aux Polonais. Ladislas renonce au trône de la Moscovie à nouveau en échange d’une indemnité de guerre.
En 1637, la forteresse d’Azov dans l’Empire ottoman est prise par les Cosaques qui surveillent la frontière. Néanmoins, ils sont à l’origine de plusieurs raids. Ils offrent la ville au tsar, qui ne sait s’il doit accepter ce cadeau : en effet, si Michel Romanov reçoit Azov, cela signifie une guerre contre la Turquie. Après discussion avec le zemski sobor [1], il décide finalement de l’abandonner, et de la rendre aux Turcs en 1642.
Lorsque Michel Romanov rend la couronne à quarante-huit ans, son fils Alexis commence son règne qui sera agité par plusieurs révoltes. Mais c’est un tsar novateur à la tête du pays : il s’intéresse à l’Occident, à l’art, et prend soin de donner une éducation à ses filles, ce qui est très inhabituel pour l’époque. Lui succèdera ensuite Théodore en 1676, dont le règne durera jusqu’en 1682.
Au XVIIe siècle commencent les insurrections urbaines contre le servage, la colonisation, ainsi que la politique du pouvoir central. En 1648 a lieu la « révolte du sel ». En effet, après avoir augmenté le prix du salaire dans l’espoir de résoudre la crise financière, Morozov -boyard et beau-frère d’Alexis - s’attire la foudre du peuple. Ce n’est pas le tsar qui est visé par la révolte, mais Morozov dont la richesse de sa famille croît toujours. Cela exaspère d’autant plus les habitants. La foule envahit bientôt le Kremlin de Moscou avec le soutien des Streltsy [2] avant de s’attaquer au palais de Morozov, aussitôt pillé, et la ville se retrouve alors aux mains des insurgés. L’autocratie se montre insuffisante, du moins elle ne régit pas complètement la ville, car le tsar se voit céder aux réclamations du peuple. Après avoir livré un de ses hommes à la foule, puis exécuté un autre, il sauve Morozov en l’exilant. Il augmentera également le salaire des Streltsy, mais cette révolte en entraînera d’autres dans les villes avoisinantes jusqu’en 1650.
En 1662, une nouveau soulèvement vient secouer Moscou : suite à une importante inflation et une réforme monétaire résultant de la guerre contre la Pologne et la Suède qui a ruiné le pays, la population est appauvrie. Les Streltsy tiennent à nouveau la ville pendant plusieurs jours. Et à nouveau, le tsar accepte les revendications du peuple. L’autocratie n’est pas encore totale. Seulement, il est à noter que des révoltés seront exilés de la capitale et envoyés dans les zones périphériques qui ne sont pas sous le contrôle du pouvoir central. Cette population bannie reste alors la plus prompte à se révolter.
En 1670 débute la plus grande révolte populaire sur fond religieux. Elle est menée par Stenka Razine, un Cosaque du Don à la tête de pillages sur la mer Caspienne depuis 1668. Sujets de l’Etat moscovite, les Cosaques sont néanmoins un danger de par leurs pillages. Deux ans plus tard, Astrakhan et Tsaritsyn [3], deux villes bâties durant les conquêtes russes, sont aux mains de Razine qui en devient le maître. Cet événement marque le début de la révolte contre le pouvoir central. L’armée de Cosaques progresse vers Moscou et Razine se présente sur son passage dans les villes comme le libérateur. Il est, de surcroît, accueilli comme un héros, avec du pain et du sel comme le veut la coutume lors de l’arrivée d’une nouvelle personne. Entre massacres, débauches et pillages, les coutumes cosaques sont instaurées dans les villes « libérées » du tsar. Les boyards et hommes de noblesse sont d’ailleurs qualifiés de buveurs de sang du peuple.
La forteresse de la Volga tombe également aux mains de Razine. Les provinces de Simbirsk, Penza, Tambov, Nijni-Novgorod et Kazan suivent le mouvement de révolte, que ce soit des indigènes, des citadins ou des paysans, russes ou non russes. Comme au Temps des troubles, inspiré du Faux Dimitri, Razine prétend tantôt être le tsar vivant, tantôt le fils d’Alexis décédé : il raconte que ce dernier est vivant et à ses côtés. L’armée de Cosaques grossit avec les paysans et les habitants des villes.
En 1670, Razine est trahi par le chef cosaque du Don. En effet, tous les Cosaques ne sont pas du même avis, et certains préfèrent rester fidèles au tsar. Razine est arrêté en 1671 et envoyé à Moscou pour y être exécuté. La révolte se révèle finalement être un échec, l’autocratie acquiert de la force. Néanmoins, Razine reste une référence dans la mémoire de la révolte : son statut de héros subsiste dans les contes et légendes, ainsi que dans les chansons populaires où la justice est mise à l’honneur. Pouchkine lui dédiera même un cycle de poèmes.
L’Etat moscovite s’agrandit considérablement tout au long du XVIIe siècle. Après s’être centralisé et réuni ses territoires suite aux Soudebniki de 1497 et de 1550, ainsi qu’à l’Oulojenie [4]de 1649, Moscou va chercher énormément de terres en Sibérie entre 1610 et 1640, et progresse d’environ 4’800 km. Sans trop de résistance de la part des indigènes, la colonisation semble s’être faite de façon relativement pacifique. Du côté de la frontière chinoise, le traité de Nertchinsk, signé en 1689, la rend stable.
Sources : RIAZANOVSKY, Nicholas, Histoire de la Russie des origines à 1996, Paris, Laffont, 1999.
AMACHER, Korine, La Russie, 1598-1917 : révoltes et mouvements révolutionnaires, Infolio, 2011
[1] Zemski Sobor : Assemblée des états convoquée par le tsar et constituée du clergé, de boyards et d’habitants de la ville. Elle fut créée sous Ivan IV et disparut au début de l’Empire russe.
[2] Streltsy : armée fondé par Ivan IV, dont les soldats du tsar ont également vu leur salaire baisser
[3] Il s’agit de la ville de Volgograd, anciennement Stalingrad
[4] Le Code des lois
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