mercredi 10 octobre 2007, par
Dvergr (pl. dvergar), idée de « tordu ».
Contrairement à nos folklores modernes, les nains scandinaves anciens n’étaient pas petits mais avaient notre taille. C’est l’Église qui les a ravalés à leur statut actuel, conformément à sa politique de dévaluation systématique de toutes les créatures païennes. Même ainsi réduits, leur vitalité atteste de leur antiquité. Les sources anciennes les mettent au même rang que les alfes, et ils s’entretiennent volontiers avec les dieux. Les contes populaires scandinaves modernes, notamment norvégiens, assureront leur fortune. Les thulur médiévales (poèmes qui sont des énumérations de noms propres) nous livrent une bonne centaine de noms de nains, dont beaucoup sont éloquents.
En première analyse, les nains semblent avoir été les morts, comme le suggère le mot qui les désigne (« tordu ») ; en effet, les défunts étaient inhumés en position foetale et non, comme de nos jours, horizontale. Certains de leurs noms comme Dâinn (Mort), Blâinn (Bleu, c’est-à-dire noir dans cet univers) ou Nâr (Cadavre) vont dans le sens de cette interprétation. À ce titre, ils sont fondamentaux car il n’est pas exclu qu’un tout premier stade de cette religion ait consisté à vénérer les esprits des morts. En tant que morts, ils habitent sous terre, de préférence dans les rochers et les montagnes - l’écho se dit dvergmfzli (langage des nains) ou, en islandais moderne, bergmàl (langage des montagnes) -, et ne peuvent supporter la vue du soleil : l’astuce de quiconque veut les anéantir consiste à les exposer au jour, ce qui les pétrifie.
Ils sont aussi de grands magiciens (en tant que tels, fjôlkunnigir, « qui connaissent quantité de choses ») et les détenteurs du savoir des réalités occultes primordiales - en témoignent des noms comme Fjôlsvidr (« Au savoir multiple »), Râdsvidr (« Savant Conseiller ») ou Alvfss (« Très savant »), le nain auquel s’adresse Thôrr dans les Alvissmâl pour connaître les heiti ou figures obligatoires en poésie scaldique. Ils contribuent à l’élaboration du nectar poétique en mélangeant à du miel le sang d’un être suprêmement habile en la matière appelé Kvasir. Ils jouent aussi un rôle cosmique : la voûte du ciel, faite du crâne du géant primitif Ymir, est supportée par quatre nains ayant pour noms ceux des points cardinaux : Nordri, Sudri, Austri et Vestri.
Ce sont également des orfèvres ou des artisans de premier ordre, des forgerons et des gardiens de trésors. Les littératures populaires feront une fortune à ce thème. Ils sont responsables de la fabrication d’objets merveilleux comme le marteau de Thôrr (Mjôllnir), les cheveux d’or de Sif, épouse de Thôrr, l’anneau Draupnir, le grand collier des Brfsingar que convoite la déesse Freyja dans le Sôrla thàttr, le bateau divin Skfdbladnir qui a la propriété de se replier pour être transporté dans la poche du dieu qui le possède, ou encore la « chaîne » magique Gleipnir avec laquelle on parviendra à attacher le loup Fenrir, ou le sanglier merveilleux Hildisvfn.
Ils s’opposent aux géants, dont ils partagent maintes prérogatives, et sont confondus avec toutes sortes de créatures surnaturelles, notamment avec les alfes. Leur image composite et passablement impure (Snorri Sturluson les assimile aux « alfes noirs », dôkkklfar) ne s’explique que par leur grande antiquité.
Régis Boyer - Héros et Dieux du Nord - Ed Tout L’Art (1997)
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