vendredi 3 avril 2015, par
GUILLAUME LE BATARD
ou GUILLAUME Ier LE CONQUÉRANT
(Falaise, vers 1027 - Rouen, 1087.) Duc de Normandie (1035-1087) et roi d’Angleterre (1066-1087). Fils illégitime du duc de Normandie Robert* le Diable et d’Arlette, fille d’un peaussier de Falaise.
Avant son départ pour la Terre sainte (1034), le duc Robert le fait reconnaître comme son héritier légitime par les barons normands et, à sa mort, en 1035, Guillaume prend effectivement sa succession. Mais sa minorité est marquée par de graves troubles. Desservi par sa condition de bâtard, qu’exploitent ses ennemis, le jeune duc voit son autorité bafouée par les barons normands. Une période d’anarchie sanglante s’ouvre. Elle va durer douze ans. Les tuteurs du jeune prince, notamment l’énergique Gilbert de Brionne, sont successivement assassinés tandis que les descendants de Richard Pr et Richard II, qui ne cachent pas leur mépris pour le nouveau duc, entretiennent un esprit de sédition auquel les Bretons et surtout le roi de France Henri Ier ne sont pas étrangers. La paralysie du pouvoir est pratiquement totale.
Henri 1er en même pour récupérer le
Vexin. Il fait même ravager l’Hiesmois au coeur du duché. Mais lorsqu’une révolte particulièrement grave, animée par Gui de Brionne, éclate en Basse-Normandie, en 1046, Henri Ie.’ accorde son soutien à Guillaume par crainte que le succès de Gui de Brionne n’entraîne la constitution d’une principauté normando-bourguignonne fatale au domaine royal (Gui de Brionne est fils de Renaud Ier de Bourgogne et petit-fils par sa mère du duc de Normandie Richard II).
Vainqueur des rebelles, grâce à l’aide de son suzerain, au Val-des-Dunes, entre l’Orne et la Dives, en 1047, Guillaume peut, dès lors rétablir son autorité. Il confisque une partie des biens des rebelles, tels ceux des vicomtes du Bessin et du Cotentin, contraint un grand nombre d’entre eux à recevoir des garnisons ducales dans leurs châteaux, à tous enfin impose le respect de la paix de Dieu qu’il proclame à Caen en 1047.
Jusqu’à 1060, son activité est tournée vers l’implantation en Normandie d’un régime féodal strict qui lui laisse une autorité étendue et réelle. Il dispose bientôt d’une armée nombreuse grâce à l’institution de fiefs de haubert » en faveur de chevaliers contraints à un service d’ost très strict de 40 jours. Sa politique dynamique vise aussi à couvrir ses frontières en conquérant places et terres. Il se heurte notamment au puissant et dangereux comte d’Anjou, Geoffroi* Martel, auquel il réussit à reprendre Alençon et Domfront avant d’imposer en 1052 sa suzeraineté au seigneur de Bellême, ancien propriétaire de ces deux places fortes et maître des accès de Normandie méridionale. Son mouvement d’expansion s’achève par l’annexion de la Mayenne. L’administration ducale est rénovée et Guillaume transfère sa capitale de Falaise à Caen*, plus au centre du duché. Il y fait construire le château ducal, y encourage la rénovation spirituelle de l’Église normande, choisissant avec soin ses dignitaires, fondant de nombreux monastères et ne nommant à leur tête que des adeptes de la réforme clunisienne. Le duc acquiert ainsi l’appui du Saint-Siège mais épouse, en 1050, malgré le pape et malgré Lanfranc, scn conseiller et l’un des principaux artisans de la réforme religieuse en Normandie, sa cousine Mathilde*, fille du comte de Flandre. Excommuniés, ils devront, en pénitence, construire deux églises à Caen, l’abbaye aux Hommes et l’abbaye aux Dames.
Après avoir fait de la Normandie un État féodal modèle, Guillaume mûrit un projet ambitieux. Grâce sans doute à l’intervention de l’archevêque de Cantorbéry, le Normand Robert de Jumièges, il réussit à persuader son cousin germain Édouard le Confesseur, roi anglo-saxon d’Angleterre, qui n’a pas d’enfants, de le désigner comme héritier. Mais, lorsque Édouard meurt, l’assemblée des chefs anglo-saxons lui désigne pour successeur Harold, earl de Sussex. Guillaume a pourtant obtenu de ce dernier un serment de fidélité lorsqu’une tempête malencontreuse l’a jeté sur les côtes du Ponthieu. Exploitant ce qu’il déclare être un parjure, il obtient l’appui du pape Alexandre II dans son projet d’invasion de l’Angleterre. L’expédition, partie de Saint-Valéry-sur-Somme, débarque à Pevensey (Sussex) le 29 septembre 1066 et, le 14 octobre suivant, Guillaume bat son rival à Hastings. Par cette seule bataille, où la bonne ordonnance d son ost et l’efficacité de ses archers font mer veille, Guillaume se rend maître de l’Angl terre. Ce vassal du roi de France est couronn roi d’Angleterre à Westminster le jour d Noël 1066.
Toute sa propagande est fondée sur l’idée de légitimité et il fait d’abord preuve de plus grande modération vis-à-vis des Saxon ne confisquant que les biens de ceux qu’considère comme traîtres. En février 1067, il peut retourner, triomphant, en Normandie,en laissant l’administration de l’Angleterre à son sénéchal Guillaume Fils-Osbern et à son demi-frère Eudes, évêque de Bayeux.
Mais il n’est maître que du sud et de l’ouest de l’Angleterre qui, de plus, est toujours sous la menace d’une invasion scandinave.
Enfin, nombre de vassaux normands à qui il a distribué des terres sont de fidélité incertaine et, très vite, il est rappelé en Angleterre par une révolte inspirée par Eustache de Boulogne. Son prestige est alors tel que ce sont les Anglo-Saxons qui lui apportent leur soutien et l’aident à repousser une invasion conduite par trois fils de Harold.
Une révolte de deux seigneurs saxons, les comtes Edwin et Corcar, lui donne l’occasion de soumettre les comtés du Nord. Cette
première alerte n’a pas modifié sa politique de clémence et de tolérance mais, lorsque les soulèvements commencent à se succéder, Guillaume change brusquement de méthode. En 1069, il écrase avec brutalité la révolte des Anglais du Nord qui ont reconnu comme roi Edgar Atheling (ou Aetheling). Il contraint une flotte danoise, venue à leur aide, à rembarquer et pratique dans les comtés du Humber et de la Tyne une politique de la terre brûlée qui assure sa domination. En 1072, il peut licencier ses mercenaires. En 1075, une nouvelle conjuration de grands barons normands et bretons (Raoul de Gaël et Roger de Hereford, fils du fidèle Guillaume Fils-Osbern) est vaincue par Eudes de Bayeux. Le comte saxon Walthoof, qui n’a pas pris part au complot, mais ne l’a pas dénoncé, est décapité. Dès lors, les Saxons sont systématiquement écartés de tout pouvoir et à peu près complètement dépossédés. Un nombre infime de grands propriétaires saxons peut conserver ses terres. Les shérifs sont désormais des barons normands et la plupart des prélats saxons sont évincés au profit de Normands. C’est ainsi qu’en 1070 Guillaume fait élire archevêque de Cantorbéry son ami Lanfranc en remplacement du Saxon Stigand. Pour les barons normands, il forme de grands groupes de fiefs*, les honneurs, jamais d’un seul tenant, mais comprenant des terres dans les diverses régions du royaume. Des deux côtés de la Manche, le régime féodal, émanant du souverain, est bientôt le même. En Angleterre, il se superpose à la vieille organisation saxonne du « manoir ». Ses cadres comprennent les « tenants en chef » ou vassaux directs du prince, responsables envers lui du service de leurs chevaliers détenteurs de « fiefs de chevalier ». Le Domesday Book, dont la rédaction est entreprise en 1086 et qui dresse un inventaire des domaines fonciers du royaume d’Angleterre, traduit les résultats de ce bouleversement territorial et montre que la population se divise désormais en Angleterre en deux éléments bien séparés : les nobles, presque tous normands ou français, et le peuple saxon qui leur est soumis et voit le statut de ses hommes libres se dégrader jusqu’à une demi-servitude. Guillaume exige enfin un serment de fidélité de ses sujets : c’est le sens du célèbre Serment de Salisbury, par lequel les principaux nobles doivent se lier envers lui. S’appuyant sur cette organisation efficace, il peut passer la moitié de son temps en Normandie.
Mais, à partir de 1074, s’engage sous l’impulsion du roi de France Philippe 1er un long conflit entre sa monarchie, mi-continentale mi-insulaire, et la monarchie capétienne à qui tout l’oppose. A la fin de son règne, Guillaume doit lutter à plusieurs reprises contre la trahison. En 1078, le roi de France accorde son soutien à son fils, Robert* Courteheuse, en révolte contre son autorité, tandis qu’Eudes de Bayeux, son frère utérin, qui intrigue lui aussi, est arrêté et enfermé dans la tour du château de Rouen en 1082. Lui-même meurt le 9 septembre 1087 en effectuant un raid de représailles contre la ville française de Mantes.
Il pensait que l’union des deux couronnes était passagère et, sur son lit de mort, partage ses États comme un patrimoine, suivant en cela l’exemple des Carolingiens. La Normandie, considérée comme son bien propre, reviendra à son fils aîné Robert Courteheuse. L’Angleterre, traitée en acquet, sera attribuée à Guillaume le Roux. Son troisième fils, le futur Henri 1e.’ Beauclerc, devra se contenter d’une somme d’argent et du comté de Mortain. Ce sera pourtant lui qui achèvera et perpétuera ]’oeuvre paternelle. Brisée en 1087, l’union de la Normandie et de l’Angleterre sera rétablie en 1106 par ce prince habile qui saura profiter de la mort de Guillaume le Roux et de l’incapacité de Robert Courteheuse. Après avoir vaincu ce dernier à Tinchebray, il le gardera captif sa vie durant. L’État anglo-normand s’accroîtra encore au XIIe siècle de l’Anjou et de l’Aquitaine, au point de constituer un grave danger pour la France jusqu’en 1204, date à laquelle Philippe Auguste réussira à le conjurer.
sources : Dictionnaire de l’histoire de France Perrin sous la direction de Alain Decaux et André Castelot .ed Perrin 1981
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