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Cléopâtre VII

, par

Cléopatre etait la reine d’Egypte. Je l’ai classée dans le dossier Rome car c’est au travers de César et de Marc Antoine qu’elle a eu une si grande influence sur le cours de l’histoire du monde antique

(note du webmaster)

Cléopâtre VII Théa Philopator (en grec, Κλεοπάτρα Φιλοπάτωρ) (v. -69 / 12 août -30) est une reine d’Égypte antique de la famille des Lagides qui gouverne son pays entre -51 et -30, successivement avec ses frères et époux Ptolémée XIII et Ptolémée XIV puis avec le général romain Marc Antoine. Elle est connue pour ses relations avec Jules César et Marc Antoine.

Cléopâtre est un personnage dont la légende s’est emparée, de son vivant même, et le tragique de sa mort n’a fait que renforcer la tendance au romanesque qui entoure le personnage et qui parfois gêne l’historien dans une approche objective de cette reine d’Égypte, sans doute la femme la plus célèbre de l’Antiquité.

Nous disposons de peu de sources et les principales, Plutarque, Suétone et Appien, n’évoquent Cléopâtre que pour autant qu’elle prenne place dans l’histoire romaine. C’est ainsi que nous ne savons pratiquement rien de ce qu’elle fait à Rome aux lendemains de l’assassinat de César, ni à Alexandrie durant l’absence de Marc Antoine entre -40 et -37.

De plus l’historiographie antique lui est globalement défavorable car inspirée par le vainqueur de Cléopâtre, l’empereur Auguste et son entourage dont l’intérêt est de noircir la reine afin d’en faire l’adversaire malfaisant de Rome et le mauvais génie de Marc Antoine. Ainsi ce jugement de l’historien du Ier siècle, Flavius Josèphe : « Elle fit d’Antoine l’ennemi de sa patrie par la corruption de ses charmes amoureux ». Cela explique la prudence des historiens actuels et l’enthousiasme des cinéastes ou romanciers pour un tel personnage.
Sommaire

Cléopâtre est née au cours de l’hiver -69/-68[4] probablement à Alexandrie. Elle est l’une des trois filles (connues) de Ptolémée XII Aulète, roi d’Égypte et vraisemblablement d’une concubine, puisque Strabon affirme que Ptolémée XII n’eut qu’une seule fille légitime, Bérénice IV, qui régna de -58 à -55.

Cette bâtardise n’est pas un handicap, Ptolémée XII lui-même est un fils illégitime de Ptolémée IX, mais elle entretient le mystère sur les origines maternelles de Cléopâtre, avec l’hypothèse d’une ascendance égyptienne. C’est l’un des facteurs, outre le fait qu’elle parle égyptien, qu’avancent certains historiens pour expliquer le curieux titre de la reine, philopatris (« qui aime sa patrie »), lequel surprend dans une dynastie qui privilégie plutôt les liens dynastiques (« qui aime son père... sa mère... sa sœur... », etc.) que l’attachement aux pays et aux peuples qu’elle gouverne. Mais peut-être ne faut-il y voir qu’une attention plus marquée, rare chez ses prédécesseurs si l’on excepte Ptolémée VIII dit Physcon, à l’Égypte indigène. À moins que philopatris n’évoque l’origine macédonienne de la dynastie lagide.

La jeunesse

Nous ignorons tout de son enfance et de ses années d’adolescence. Tout au plus pouvons-nous imaginer qu’elle dut observer les événements du règne chaotique de son père avec une grande acuité. La désaffection entre la population égyptienne et la dynastie lagide est patente sous le règne de Ptolémée XII (Alexandrie n’est pas dite en Égypte mais près de l’Égypte). Les causes sont nombreuses : dégénérescences physique et morale des souverains, centralisation outrancière, corruption et cupidité des administrateurs. La multiplication des révoltes indigènes, la perte de Chypre et de la Cyrénaïque font de ce règne l’un des plus calamiteux de la dynastie.

La puissance de Rome, qui intervient militairement pour rétablir Ptolémée XII en -55 renversé par sa fille aînée Bérénice IV trois ans plus tôt, est certainement un élément compris et assimilé par la jeune Cléopâtre. Rétabli par Gabinius[5], le gouverneur de Syrie, Ptolémée XII se lance dans une série de massacres, de proscriptions et d’assassinats (dont sa propre fille Bérénice, la demi-sœur de Cléopâtre) qui ne rendent pas son autorité à un roi fantoche qui ne se maintient que par la présence romaine laquelle de plus grève les finances du pays. Les tribulations du règne précédent apprennent ainsi à la future reine à utiliser tous les moyens pour se débarrasser de ses adversaires ou de ceux qui gênent ses projets comme son jeune frère Ptolémée XIV en -44.

La femme

Il est difficile de cerner la véritable personnalité de Cléopâtre, qu’un certain romantisme a contribué à déformer, mais elle avait à l’évidence beaucoup de courage et fut suffisamment puissante pour inquiéter les Romains.

Aucune source sûre ne vient nous éclairer sur son aspect physique qui échappe à un classement esthétique banal. Le buste de Cherchell (ci-contre), réalisé bien après sa mort, à l’occasion du mariage de sa fille, Cléopâtre Séléné, avec le roi Juba II de Maurétanie, est idéalisé. Certains auteurs antiques insistent sur sa beauté[6]. Mais les quelques pièces de monnaies en notre possession donnent l’image d’une femme aux traits lourds et au nez assez proéminent. En revanche, on sait qu’elle avait une présence forte et du charme, qu’elle dégageait une puissante séduction et que tout cela était complété par une voix ensorcelante ainsi qu’un esprit brillant et cultivé.

En effet alors que l’éducation des filles, même de familles royales, est négligée dans le monde grec ou hellénistique, Cléopâtre bénéficie apparemment de l’enseignement de pédagogues cultivés. Plutarque insiste sur ses qualités intellectuelles. C’est ainsi que Cléopâtre est une véritable polyglotte et parle, outre le grec, l’égyptien (première et dernière de sa dynastie à faire cet effort encore qu’il y ait un doute pour Ptolémée VIII dit Physcon !), l’araméen, l’éthiopien, le mède, l’arabe, sans doute aussi l’hébreu ainsi que la langue des Troglodytes, un peuple vivant au Sud de la Libye. De tels dons ne durent pas la laisser non plus longtemps démunie face au latin encore que des Romains aussi cultivés que César parlent un grec parfait.

L’accès au trône

Le testament du roi Ptolémée XII, mort en mars -51, désigne comme ses successeurs Cléopâtre et un frère cadet de celle-ci, Ptolémée XIII, d’une quinzaine d’années environ, à qui elle est nominalement mariée car selon la coutume ptolémaïque, elle ne peut régner seule. Rien ne prouve que Cléopâtre ait voulu exercer la totalité du pouvoir à l’époque, en tout cas les titulatures de cette période lui accordent toujours la seconde place. Ces trois premières années de règne sont difficiles du fait des difficultés économiques : disette des années -50/-48, crues insuffisantes du Nil et lutte politique entre l’eunuque Potheinos et le général Achillas qui cherchent à opposer le frère et la sœur.

À l’automne -49 les relations se dégradent totalement entre les deux souverains. Les causes de cette rupture sont ignorées. Toujours est-il qu’à partir de cette date le nom de la reine figure dans les textes officiels avant celui de Ptolémée XIII. En fait c’est une véritable guerre qui éclate entre les deux monarques puisqu’à l’été -48 ils se font face à Péluse. Il semble que Cléopâtre se trouve en difficulté car elle doit fuir en Syrie puis à Ascalon, où elle trouve de l’aide.

César et Cléopâtre

L’assassinat de Pompée

C’est alors qu’intervient la puissance romaine. En effet Pompée, vaincu par Jules César à Pharsale au début du mois de juin -48, tente de trouver refuge en Égypte. Le jeune roi Ptolémée XIII et ses conseillers jugent sa cause perdue et pensent s’attirer les bonnes grâces du vainqueur en le faisant assassiner, dès qu’il pose le pied sur le sol égyptien le 30 juillet -48, sous les yeux de son entourage. César, qui débarque deux jours plus tard, est semble-t-il furieux de ce lâche forfait (il fait enterrer la tête de Pompée dans le bosquet de Némésis en bordure du mur Est de l’enceinte d’Alexandrie) et n’éprouve pour le pharaon que mépris.

La rencontre avec César

Quelles étaient les intentions de César en débarquant en Égypte ? Il est difficile de se prononcer clairement. Il y a des raisons politiques, César ayant certainement l’intention d’annexer l’Égypte, mais aussi des raisons plus privées, bien qu’il évoque les vents contraires pour différer son retour. En effet, il tente d’obtenir le remboursement de dettes que Ptolémée XII avait contractées auprès d’un banquier romain et qu’il a reprise à son compte. Il juge pour cela indispensable de réconcilier le couple royal et tente à s’y employer à la fin de l’année -48. Les deux souverains sont convoqués au palais royal d’Alexandrie. Ptolémée XIII s’y rend après diverses tergiversations ainsi que Cléopâtre. C’est à ce moment que se déroule, s’il est authentique, l’épisode du tapis dans lequel la reine se serait fait enrouler afin de parvenir auprès de César[13]. Celui-ci tente d’imposer le « statu quo ante », c’est-à-dire le retour au testament de Ptolémée XII, ce qu’accepte semble t-il Cléopâtre mais pas son frère, guère impressionné par les faibles effectifs de César (environ 7 000 hommes). Celui-ci se retrouve même prisonnier à Alexandrie à la fin de -48, sans renforts. Seule la noyade de Ptolémée XIII dans le Nil le 15 janvier -47 met fin au conflit. César renonce semble-t-il à son projet d’annexion à ce moment. Est-ce la romance avec la reine de trente ans plus jeune devenue son alliée[14], les difficultés militaires rencontrées lors de l’hiver -48/-47 ou son voyage sur le Nil qui lui firent renoncer à l’annexion pour lui préférer une alliance ? Difficile d’être affirmatif, mais il est un motif qui peut expliquer ce changement. En cette période troublée (César n’a pas encore réduit les derniers partisans de Pompée) un gouverneur d’Égypte ambitieux pouvait affamer Rome en la privant du blé égyptien et s’en faire un tremplin pour ses ambitions politiques. Auguste plus tard interdit aux sénateurs l’accès de l’Égypte afin d’éviter d’inutiles tentations. Maintenir une dynastie discréditée tout en gardant le contrôle militaire du pays (trois légions romaines restent après le départ de César) est par conséquent la solution, peut-être provisoire dans l’esprit du conquérant, la plus commode.

Le séjour à Rome

Cléopâtre épouse alors un autre de ses frères cadets, Ptolémée XIV, sur l’injonction de César. Cependant elle est la seule à détenir réellement le pouvoir (sous protectorat romain) et le protocole enregistre cette prépondérance en plaçant le nom de la reine en tête des actes officiels. Sa liaison avec César n’est un mystère pour personne. Ce dernier cependant doit bientôt quitter Alexandrie pour combattre le roi du Pont, Pharnace, puis les derniers partisans de Pompée en Afrique. De retour à Rome il convoque les souverains lagides en -46 Les raisons de cette convocation sont imprécises. César, lui-même marié, souhaite-t-il retrouver sa maîtresse, qu’il loge dans sa propriété de la rive droite du Tibre ? Veut-il impressionner par l’éclat des quatre triomphes qu’il célèbre durant l’été -46 ? A-t-il comme objectif de montrer ce qu’il en coûte de se révolter contre Rome en faisant figurer dans son triomphe la sœur de Cléopâtre et de Ptolémée XIV, Arsinoé, qui s’était fait reconnaître reine par les troupes de Ptolémée XIII ? Souhaite t-il garder en otage les deux souverains d’un État dont les ressources en blé sont vitales à Rome ? Difficile de trancher pour une hypothèse plutôt qu’une autre. Toujours est-il que l’Égypte est administrée pendant ce temps par les officiers de ses troupes restés à Alexandrie.

On connaît peu de choses sur ce séjour de deux ans à Rome. Le seul geste officiel de César en sa faveur est de faire placer une statue dorée de la reine dans le sanctuaire de Vénus Genetrix, ancêtre mythique de la gens Iulia dont il est issu.

Cléopâtre seule souveraine

Imaginer que la présence de Cléopâtre à Rome s’explique par le rôle actif qu’elle y aurait joué et prêter à César l’intention de transporter à Alexandrie sa capitale (selon Suétone) est très excessif. Il parait difficile d’imaginer César gouvernant l’Italie depuis l’Égypte alors que la situation politique demeure trouble. Dans son testament il ne fait aucune allusion à Césarion (dont la date précise de naissance reste sujette à caution, sans doute est-il né après la mort de César), né de Cléopâtre, mais fait d’Octave son héritier. Il est donc certain que César vivant est plus un obstacle au projet de restauration de la puissance Lagide que nourrit Cléopâtre. Aussi sa mort est-elle une surprise mais aussi une chance que la reine va exploiter.

Au début de l’année -44 César est assassiné. Profitant de la situation confuse qui s’ensuit, Cléopâtre quitte alors Rome à la mi-avril, fait escale en Grèce, puis fait voile vers Alexandrie où elle arrive en juillet -44. Elle se met à rétablir l’autorité de l’Égypte sur Chypre, qui avait été cédé à Rome par Ptolémée XII en -59.

À peine de retour dans son pays elle fait assassiner Ptolémée XIV, à la fois monarque inutile et rival potentiel. La naissance de son fils lui assure un successeur éventuel et elle prend donc seule le titre de reine.

Marc Antoine

Des années difficiles

Cléopâtre, enfin seule souveraine d’Égypte, même si c’est au nom de son fils, est confrontée à des années difficiles. En -43 une famine s’abat sur son pays, puis la crue du Nil fait défaut deux années consécutives (-41/-42). Il semble que la reine se soit préoccupée essentiellement de l’approvisionnement de sa capitale, qui est le vrai centre de son pouvoir et prompt à se rebeller. De plus, il lui faut compter avec les trois légions romaines installées par son défunt amant, qui se livrent à des exactions jusqu’à leur départ en -43.

La guerre que se livrent les assassins de César, Cassius et Brutus et ses héritiers, Octave et Marc Antoine, oblige la reine à des contorsions diplomatiques. En effet Brutus tient la Grèce ainsi que l’Asie mineure tandis que Cassius s’installe en Syrie. Le gouverneur de Cléopâtre à Chypre, Sérapion, aide donc Cassius avec sans aucun doute l’assentiment de la reine quels que soient les sentiments que lui inspire l’un des assassins de César. Sérapion est officiellement désavoué plus tard.

Dans le même temps Cléopâtre envoie une flotte aux partisans de César, qui reconnaissent Césarion pour roi. Cette flotte est victime d’une tempête au large de la Libye mais le geste place la reine dans le camp des vainqueurs quand en -42 les républicains sont écrasés à Philippes. De plus elle renvoie les légions (vers -43) qui stationnent en Égypte contre Cassius. elle espère que celles-ci vont s’opposer à ce dernier mais en fait elles se rallient à sa cause. Cassius semble t-il envisage de s’emparer d’Alexandrie quand le débarquement en Grèce d’Antoine et d’Octave l’oblige à renoncer à ses projets[18].

La rencontre avec Marc Antoine

Nous ignorons depuis quand Cléopâtre, âgée de 29 ans en -41, et le général romain, qui a une petite quarantaine d’années, se connaissent. Nous savons que Marc Antoine était l’un des officiers qui avaient participé au rétablissement de Ptolémée XII en -55 mais il est peu probable qu’ils se soient fréquentés, Cléopâtre n’ayant à l’époque qu’une quinzaine d’années, même si Appien indique qu’Antoine avait remarqué la future reine. Il est plus vraisemblable qu’ils se soient fréquentés lors du séjour à Rome de Cléopâtre. Pourtant lors de leur rencontre en -41 ils semblent assez mal se connaître.

Dans le partage du monde romain intervenu après l’écrasement des républicains, l’orient est dévolu à Antoine. Il reprend alors le projet de César avant sa mort, c’est-à-dire une grande expédition contre les Parthes. Pour cela il convoque les souverains des royaumes clients à Tarse, en Cilicie, y compris la reine d’Égypte. Celle-ci connaît au moins un des défauts de l’officier, sa vanité et son amour du faste, aussi arrive-t-elle dans un navire à la poupe dorée et aux voiles pourpres, siégeant sous un dais d’or entourée d’un équipage déguisé en Nymphes, Néréides et Amours. Puis elle invite Marc Antoine à son bord pour un somptueux banquet. Commence alors une liaison de dix ans, sans doute l’une des plus célèbres de l’Histoire même s’il est difficile de savoir quelle est la part de calcul dans l’attitude d’Antoine, lequel a besoin de l’Égypte pour ses projets.

La reconstitution d’un grand royaume lagide

Dans un premier temps Marc Antoine suit Cléopâtre à Alexandrie, où il passe l’hiver -41/-40, laissant son armée[21]. C’est à ce moment qu’une vaste offensive des Parthes leur permet de s’emparer de la Syrie, du sud de l’Asie Mineure, et de la Cilicie. Antigone Mattathias, un prince de la famille des Hasmonéens, hostile aux Romains, est installé sur le trône de Jérusalem. Marc Antoine mène une courte contre-offensive depuis Tyr puis est obligé de rentrer à Rome (été -40) où s’affrontent ses partisans et ceux d’Octave[22]. Il conclut avec ce dernier la paix de Brindes en octobre -40 et épouse sa sœur, Octavie[23]. Pendant ce temps à Alexandrie Cléopâtre accouche de jumeaux : un garçon Alexandre Hélios, et une fille Cléopâtre Séléné.

La séparation dure trois ans, du printemps -40 à l’automne -37, et nous ne savons rien ou presque de l’action de la reine durant cette période. Au retour d’Antoine, les deux amants se retrouvent à Antioche à l’automne -37 ; celui-ci entame une politique nouvelle. Alors que ses officiers et ses alliés ont chassé les Parthes, il substitue là ou c’est possible des États clients, qui lui sont fidèles, à une administration directe de Rome. C’est ainsi qu’Hérode devient roi de Judée avec l’appui direct d’Antoine. C’est un phénomène identique qui se déroule en Galatie, dans le Pont et en Cappadoce. Cléopâtre en tire un bénéfice immédiat puisqu’elle se voit confirmer la possession de Chypre, qui est en fait effective depuis -44, mais aussi de villes de la côte syrienne, du royaume de Chalcis, au Liban actuel, et de la côte cilicienne. Elle reconstitue ainsi une partie de la thalassocratie des premiers rois lagides.

La guerre contre les Parthes

En -37/-36 Marc Antoine entame une campagne contre les Parthes qui tourne au désastre, en grande partie causé par un hiver rigoureux dans les montagnes d’Arménie et du nord-ouest de l’Iran actuel. Antoine lui-même en réchappe de peu. Cléopâtre est restée à Alexandrie pour accoucher d’un troisième enfant du couple, Ptolémée Philadelphe[24]. Après -37, on commence à voir à Rome dans l’alliance entre Antoine et Cléopâtre une menace contre l’Empire et contre Octave. Celui-ci envoie sa sœur Octavie, la femme légitime d’Antoine et la mère de ses deux filles, Antonia Major l’Aînée (la future grand-mère de Néron), et Antonia Minor la jeune (future mère de Germanicus et de Claude) au début du printemps -35 rejoindre son mari. Antoine ordonne à sa femme, lorsque celle-ci parvient à Athènes, de rebrousser chemin. Octavie, sans montrer extérieurement le moindre signe de contrariété, ordonne aux troupes qui l’accompagnent, des renforts de son frère pour son époux, de poursuivre leur chemin vers Alexandrie.

Antoine projette en effet de faire oublier son échec militaire de -36 et lance en -35 une seconde expédition plus chanceuse. L’Arménie et la Médie font acte d’allégeance et Antoine célèbre un triomphe, non à Rome, mais à Alexandrie où Cléopâtre et ses enfants sont associés. Un peu plus tard Césarion est proclamé roi des rois, Alexandre Hélios reçoit en partage l’Arménie et les terres au delà de l’Euphrate, Ptolémée quant à lui se voit confier, nominativement bien sûr car il a environ deux ans, la Syrie et l’Asie Mineure. Enfin Cléopâtre Séléné se retrouve à la tête de la Cyrénaïque. Il semble que le caractère hasardeux et chimérique de ces projets grandioses et irréalistes, une partie non négligeable de ces royaumes ne sont pas réellement sous le contrôle de Marc Antoine, n’échappe pas à Cléopâtre qui se contente plus prosaïquement de réclamer à son amant, en vain, la Judée.

L’échec final

Actium

Les relations avec Octave s’enveniment de nouveau en -32 et les poussent à l’affrontement. Nul doute qu’Octave craint Marc Antoine et sa popularité, encore forte au Sénat, mais le triomphe d’Antoine en -35[25] et la désignation de Ptolémée XV/Césarion comme roi des rois lui font envisager un danger plus vaste encore. Après tout, ce jeune homme est le seul fils de César, et il pourrait un jour lui venir l’idée, si les circonstances s’y prêtent, de venir réclamer son héritage paternel. Aussi Octave va s’employer à dénigrer Marc Antoine par tous les moyens et surtout Cléopâtre, l’Égyptienne, celle qui le tient sous ses charmes et qui l’oblige à des abandons qu’Octave estime désastreux pour Rome. La plupart de ces accusations sont de mauvaise foi et de la propagande auprès de l’opinion publique romaine mais sont aussi pour beaucoup à l’origine de la « légende noire » de Cléopâtre chez nombre d’auteurs antiques.

La guerre voit l’Égypte fournir une part importante de l’effort de guerre, plus de 200 trières, ainsi que les royaumes alliés, à l’exception notable de l’habile Hérode qui visiblement fait le pari d’une victoire d’Octave. Il est vrai que c’est son intérêt car il sait que la reine d’Égypte lorgne sur son royaume depuis fort longtemps. Mais Marc Antoine, alors qu’il dispose des troupes les plus aguerries et de la supériorité numérique[26] mène la guerre en dépit du bon sens, sans énergie et alors qu’Octave peine à constituer son armée il lui laisse le temps de s’organiser. Octave n’est guère un grand chef de guerre mais il compte avec Agrippa, un officier compétent qui lui donne rapidement l’avantage. Lorsqu’éclate la bataille navale d’Actium (septembre -31), Cléopâtre comprend rapidement l’issue finale de la guerre et rompt le combat avec sa flotte. Cette fuite, seul moyen de sauver ce qui peut l’être, est évidemment exploitée par Octave auprès des officiers et des hommes d’Antoine dont beaucoup changent d’allégeance.

La fin

Les derniers mois sont assez mal connus. Antoine retourne en Égypte et ne prend pratiquement aucune mesure pour lutter contre l’avancée de plus en plus triomphale d’Octave. Il consume ses forces en banquets, beuveries et fêtes somptueuses sans se soucier de la situation. Que fait Cléopâtre ? Les sources manquent. Certaines affirment qu’elle cherche à séduire Octave. L’anecdote est-elle crédible ? Difficile à dire. Il est probable que les charmes de la reine approchant de la quarantaine et après au moins quatre maternités avaient faibli. Il semble qu’elle ait surtout cherché à mettre Césarion à l’abri en l’expédiant à Méroé, au Soudan.

Vers août -30 Octave arrive à Alexandrie. À la fausse annonce du suicide de Cléopâtre, Marc Antoine met fin à ses jours en se jetant sur son épée. Mourant, il est transporté par Cléopâtre dans son propre tombeau. Celle-ci est conduite devant Octave, qui la laisse se retirer avec ses servantes. Cette attitude est curieuse de la part du futur Auguste car il semble ne prendre aucune précaution pour prévenir un suicide de la reine, dont il a pourtant besoin pour figurer à son triomphe. Craint-il qu’à l’instar de sa sœur Arsinoé, figurant au triomphe de Jules César en -46, elle n’inspire aux Romains que compassion plutôt que haine ? Il n’est pas impossible qu’Octave ait espéré le suicide de Cléopâtre, qui pouvait passer pour une lâcheté supplémentaire, accréditant la thèse défendue par sa propre propagande. Cela dit il est difficile de connaître la vérité. Suétone en effet affirme qu’Octave au contraire souhaite maintenir la reine en vie et qu’il tente de la faire sauver.

Plutarque dresse un récit saisissant et mélodramatique[29] du suicide de la reine[30]. Avec ses deux plus fidèles servantes, Iras et Charmiane, Cléopâtre se donne la mort, le 12 août -30[31], en se faisant porter un panier de figues contenant deux aspics venimeux. Cette version est la plus courante. Pour E. Will, ce serait peut-être une nouvelle preuve de l’attachement de la reine aux traditions égyptiennes car la morsure de l’uræus passait pour conférer l’immortalité. D’autres historiens, comme M. Le Glay, ont souligné les invraisemblances de ce récit, qui serait un nouvel avatar de la propagande octavienne. En effet, il néglige l’âge de Cléopâtre (39 ans) et le fait qu’elle avait alors quatre enfants. Si Césarion est exécuté sur ordre d’Octave, les trois autres enfants d’Antoine et Cléopâtre sont emmenés à Rome et élevés par Octavie, restée fidèle à la mémoire de son mari. Cléopâtre Séléné épousera le roi et savant berbère Juba II de Maurétanie, comme elle orphelin de guerre élevé à Rome, ce à quoi nous devons le beau buste de Cherchell qui représente sa mère. On ne sait pas ce que devint Alexandre Hélios, qui survécut peut-être dans l’obscurité.

Son œuvre

Son principal mérite est de s’être rendue compte que l’Égypte ne pouvait plus se suffire à elle-même malgré son passé glorieux et ses traditions séculaires. C’est ainsi qu’il faut comprendre son implication dans les aléas de la politique de Rome, dont elle cherche à utiliser la puissance pour affermir son pouvoir et sortir son pays de la décadence, tout en maintenant son indépendance. Elle connaît les pesanteurs qui paralysent son royaume, l’instabilité qui le caractérise mais estime que, de sa précarité, l’Égypte, dont Rome a besoin, peut faire une force et tente de persuader César (sans grand succès semble-t-il) puis Antoine (avec plus de réussite au départ) qu’une alliance est préférable à une colonisation. Jamais Cléopâtre ne perd de vue qu’elle représente l’Égypte et son peuple. Elle est d’ailleurs la seule qui tente véritablement de rallier les gens de la chôra (la province par opposition à Alexandrie). Elle protège la population juive[32] pour qui le règne de Cléopâtre est une période particulièrement heureuse[33]. Elle assume aussi des rituels pharaoniques que ses prédécesseurs ont négligés et elle adopte le rituel traditionnel pour la naissance de Ptolémée-Césarion-Horus, fils de César-Amon et de Cléopâtre-Isis. Le trône pour elle est moins un patrimoine que l’on dilapide qu’une patrie que l’on dirige, ce simple fait la distingue des derniers souverains de la dynastie.


sources wikipedia

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