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Talleyrand-Périgord

, par

Charles-Maurice de, prince de Bénévent (Paris, 13 février 1754 - id., 17 mai 1838).

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, communément nommé Talleyrand, est un homme politique et diplomate français, né le 2 février 1754 à Paris, mort dans cette même ville le 17 mai 1838.

Héritier d’une grande famille, boiteux, il est privé de son droit d’aînesse et est orienté dans la carrière ecclésiastique, devenant prêtre puis évêque. Il abandonne le clergé pendant la Révolution et mène une vie laïque, allant jusqu’à se marier. Occupant des postes de pouvoir politique durant la majeure partie de sa vie, il est agent général du clergé sous l’Ancien régime, député et ambassadeur pendant la Révolution française, ministre des Relations extérieures sous le Directoire, ministre des Affaires étrangères sous le Consulat, ministre des Affaires étrangères sous le Premier Empire, ambassadeur et Président du Conseil des ministres sous la Restauration et ambassadeur sous la Monarchie de Juillet, assistant à quatre couronnements.

Agissant la plupart du temps comme homme d’influence, diplomate ou conseiller, il est réputé pour son esprit et son intelligence, menant une vie entre l’ancien régime et le XIXe siècle. Ayant été décrit comme le « diable boiteux », un traître, plein de vice et de corruption, ou comme un homme des lumières fidèle à la France, soucieux d’harmonie et de raison, il est admiré ou détesté par ses contemporains, suscitant de nombreux portraits et commentaires par la suite.

Origine et jeunesse

Sa famille affirme descendre de Wilgrim, nommé comte de Périgord au IXe siècle par Charles le Chauve, et d’Adalbert, comte de Périgord, partisan et vassal d’Hugues Capet en 990. Il est donc issu d’une famille de la haute noblesse, ce qui est attesté par lettres patentes royales de 1475, 1613, 1688 et 1735. Ses parents, Charles-Daniel, comte de Talleyrand-Périgord et Alexandrine de Damas d’Autigny, occupent des charges importantes durant le règne de Louis XV. Il est le neveu d’Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord (1736-1821), qui fut archevêque de Reims, cardinal et archevêque de Paris.

Il naît le 2 février 1754 au 4, rue Garancière, à Paris. Baptisé le même jour, son oncle Alexandre est son parrain[4]. Il est immédiatement remis à une nourrice qui le garde quatre ans chez elle dans le faubourg Saint-Jacques, ce qui n’est pas le cas de ses frères. Selon ses mémoires, il aurait été victime d’une chute à l’âge de quatre ans : cette infirmité lui vaut de ne pas pouvoir accéder aux fonctions militaires et d’être destitué de son droit d’aînesse par ses parents qui le destinent alors à une carrière ecclésiastique. Son frère cadet Archambaut prend sa place (l’aîné des fils étant mort en bas âge).

Dans ses mémoires, Talleyrand « évoque ses parents avec une surprenante antipathie », selon Franz Blei :
« Cet accident a influé sur tout le reste de ma vie ; c’est lui qui, ayant persuadé à mes parents que je ne pouvais être militaire, ou du moins l’être sans désavantage, les a portés à me diriger vers une autre profession. Cela leur parut plus favorable à l’avancement de la famille. Car dans les grandes maisons, c’était la famille que l’on aimait, bien plus que les individus, et surtout que les jeunes individus que l’on ne connaissait pas encore. Je n’aime point m’arrêter sur cette idée... je la quitte. »
 Mémoires de Talleyrand

D’autres biographes, comme Jean Orieux, donnent raison à Talleyrand, qui laisse entendre que ses parents ne l’aimaient pas, ne tolérant pas qu’il fut « simultanément pied bot et Talleyrand ». Pour Blei, s’il est exact qu’il « n’a pas eu de maison paternelle pleine de sécurité et d’affection », il est injuste envers sa mère qui n’a fait que suivre les usages d’éducation de l’époque, avant la mode de l’Émile de Jean-Jacques Rousseau ; ses parents avaient aussi des charges très prenantes à la cour.

Sa relégation, au profit de son frère peut expliquer pourquoi, lors d’un hommage en l’honneur de Mirabeau le jour de sa mort, rendu à la tribune de l’Assemblée, Talleyrand choisisse de discourir sur l’égalité de répartition des patrimoines et donc la suppression du droit d’aînesse.

Après avoir séjourné de 1758 à 1761 chez son aïeule dans le Périgord, séjour dont il garde un souvenir ému, il est envoyé au collège d’Harcourt (futur Lycée Saint-Louis) de 1762 à 1769, puis chez son oncle archevêque, où on l’incite à embrasser la carrière ecclésiastique ; il obtempère.

Carrière ecclésiastique
En 1769, âgé de quinze ans, il entre au séminaire Saint-Sulpice, où il fait œuvre de mauvaise humeur et de solitude. Cela ne l’empêche pas de fréquenter ostensiblement une actrice de la Comédie française, Dorothée Dorinville, avec qui il se promène sous les fenêtres du séminaire :
« Ses parents l’avaient fait entrer malgré elle à la comédie ; j’étais malgré moi au séminaire. [...] Grâce à elle, je devins, même pour le séminaire, plus aimable, ou du moins plus supportable. Les supérieurs avaient bien dû avoir quelque soupçon [..] mais l’abbé Couturier leur avait enseigné l’art de fermer les yeux. »
 Mémoires de Talleyrand

Le 28 mai 1774, il reçoit les ordres mineurs. Le 22 septembre 1774, il obtient un baccalauréat en théologie à la Sorbonne, acquis grâce à sa naissance plutôt qu’à son travail : son directeur de thèse de la Sorbonne, M. Mannay, rédige sa thèse[11], au moins en partie ; il obtient une dispense d’âge qui lui permet de la présenter à 20 ans au lieu des 22 requis. À 21 ans, le 1er avril 1775, il reçoit les premiers ordres, en dépit de ses avertissements : « on me force à être ecclésiastique, on s’en repentira », fait-il savoir.

Le 11 juin 1775, il assiste au sacre de Louis XVI, auquel participe son parrain comme coadjuteur de l’évêque consécrateur ; trois mois plus tard, il reçoit la rente de l’abbaye de Saint-Rémy de Reims.

Au printemps 1778, il rend visite à Voltaire qui le bénit devant l’assistance. Le 18 décembre 1779, au matin de son ordination, son ami Auguste de Choiseul-Gouffier le découvre prostré et en pleurs. Ce dernier insiste pour qu’il renonce mais Talleyrand lui répond : « non, il est trop tard, il n’y a plus à reculer. » Aucun membre de sa famille n’est présent pour l’ordination, mais ses parents assistent à sa première messe. Il a 26 ans.

L’année suivante, en 1780, il devient, grâce à son oncle, agent général du clergé de France ; il est chargé de défendre les biens de l’Église face aux besoins d’argent de Louis XVI. Grâce à cette fonction, il prend connaissance de l’étendue exacte de la richesse du clergé. Il fréquente et anime les salons libéraux proches des Orléans et construit de nombreuses relations. Installé rue de Bellechasse, il a pour voisin Mirabeau : les deux hommes se lient politiquement. Il est alors proche de Charles Alexandre de Calonne, ministre impopulaire de Louis XVI ; il participe à la négociation du traité de commerce avec l’Angleterre conclu en 1786.

À cause de sa vie dissolue et libertine (son goût pour le jeu et le luxe, ses nombreuses maîtresses) qui choque le roi, il est déçu dans ses espoirs d’obtenir un évêché alors que croissent ses besoins d’argent. De 1783 à 1792, Talleyrand a, entre autres, pour maîtresse (et vit quasi maritalement avec) la comtesse Adélaïde de Flahaut, qui, au grand jour, lui donne un enfant en 1785, le fameux Charles de Flahaut.

Le 2 novembre 1788, il est nommé évêque d’Autun, grâce à la requête que son père mourant a adressée à Louis XVI : « cela le corrigera », aurait déclaré le roi en signant la nomination. Il est sacré le 14 janvier 1789, par Mgr de Grimaldi, évêque de Noyon. Ernest Renan raconte, parlant d’un des ses professeurs à Saint-Sulpice :
« M. Hugon avait servi d’acolyte au sacre de M. de Talleyrand à la chapelle d’Issy, en 1788. Il paraît que, pendant la cérémonie la tenue de l’abbé de Périgord fut des plus inconvenantes. M. Hugon racontait qu’il s’accusa, le samedi suivant, en confession, “d’avoir formé des jugements téméraires sur la piété d’un saint évêque.” »
 Ernest Renan, Souvenirs d’enfance et de jeunesse

Trois semaines plus tard, élu député du clergé aux États généraux, Talleyrand quitte définitivement la ville d’Autun.

Révolution

Durant les États généraux, il se rallie au tiers état ; le 14 juillet 1789 (renouvelé le 15 septembre), Talleyrand est le premier membre nommé au comité de constitution de l’Assemblée nationale où il joue un rôle très important. Il est d’ailleurs signataire de la constitution présentée au roi et acceptée par celui-ci le 14 septembre 1791 ; il est l’auteur de l’article VI de la déclaration des droits de l’Homme qui lui sert de préambule :
« La loi est l’expression de la volonté générale. [...] Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse [...] »
 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789

Le 10 octobre 1789, il propose à l’Assemblée constituante d’utiliser « les grands moyens » pour renflouer les caisses de l’État : la confiscation des biens de l’Église. Selon lui :
« Le clergé n’est pas propriétaire à l’instar des autres propriétaires puisque les biens dont il jouit et dont il ne peut disposer ont été donnés non pour l’intérêt des personnes mais pour le service des fonctions »

Défendu par Mirabeau, le projet est voté le 2 novembre. Le 4 décembre 1789, il propose d’accorder le statut de citoyen aux juifs. Le 9 février 1790, il est élu président de l’Assemblée avec 373 voix contre 125 à Siéyès.

La fête de la Fédération

Talleyrand propose à l’Assemblée constituante le 7 juin 1790 le principe d’une fête célébrant l’unanimité des Français. Le roi le nomme, et, le 14 juillet 1790, il célèbre la messe qui a lieu sur le Champ de Mars lors de la Fête de la Fédération. N’ayant eu l’occasion de célébrer une messe qu’une poignée de fois (dont sa première en tant que prêtre et sa première en tant qu’évêque), Mirabeau, qui suivait la messe du temps où il était en prison, le guide dans ses répétitions. La messe a lieu devant 300 000 personnes.

Le 12 décembre 1790, il propose l’adoption du système d’unification des mesures.

Le 28 décembre 1790, il prête serment à la constitution civile du clergé puis démissionne de sa charge épiscopale. Il est chargé de sacrer les deux premiers évêques constitutionnels (Expilly, Évêque du Finistère, et Marolles, Évêque de l’Aisne), aussi appelés « talleyrandistes ». Le 10 mars, dans le bref Quod aliquantum du 10 mars 1791, puis Caritas du 13 avril 1791, le pape Pie VI exprime sa douleur devant cet acte schismatique et prend en compte la démission de Talleyrand de sa charge.

Durant l’année 1791, aidé de Pierre-Simon Laplace, Gaspard Monge, Nicolas de Condorcet, Antoine Lavoisier, Félix Vicq d’Azyr, Jean-François de La Harpe etc., il rédige un important rapport sur l’instruction publique, « avec la plus entière gratuité parce qu’elle est nécessaire à tous ». L’une des conséquence de ce rapport est la création de l’Institut de France, à la tête d’un système éducatif destiné à toutes les couches de la société, embryon de l’Éducation nationale.

Au début de l’année 1792, Talleyrand est envoyé en mission diplomatique à Londres. Il y retourne avec François Bernard Chauvelin afin de rassurer la monarchie britannique sur la politique française. En dépit de l’atmosphère hostile, ils obtiennent la neutralité des Britanniques le 25 mai. Il rentre à Paris le 5 juillet, mais, anticipant la Terreur, il repart rapidement pour Londres muni d’un ordre de mission arraché le 7 septembre à Danton (après un mois de demandes), sous le prétexte de travailler à l’extension du système de poids et de mesures, ce qui lui permet de prétendre qu’il n’a pas émigré : « mon véritable but était de sortir de France, où il me paraissait inutile et même dangereux pour moi de rester, mais d’où je ne voulais sortir qu’avec un passeport régulier, de manière à ne m’en pas fermer les portes pour toujours ».

Le 5 décembre, un décret d’accusation est porté contre le « ci-devant évêque d’Autun » après l’ouverture de l’armoire de fer ; se gardant bien de revenir en France, Talleyrand est porté sur la liste des émigrés.

Expulsé de Grande-Bretagne en 1794 (l’alien bill ou « loi sur les étrangers, lui est appliquée en janvier de cette année), où il souffrait à la fois du manque d’argent et de la haine des émigrés, il se réfugie aux États-Unis, où il exerce les métiers de prospecteur immobilier dans les forêts du Massachusetts, puis de courtier en marchandises.

Il rentre en septembre de l’an IV (1796) à la suite de la levée du décret d’accusation de la Convention à son encontre, Benjamin Constant ayant fait un discours en ce sens (avec l’appui de Germaine de Staël avec qui Talleyrand correspond)[réf. nécessaire]. Il est rayé de la liste des émigrés et retrouve la France du tout jeune Directoire.

Directoire

Peu après son arrivée, Talleyrand entre à l’Institut de France (il avait été élu à l’Académie des Sciences morales et politiques avant même son départ des États-Unis, le 14 décembre 1795) et publie deux essais sur la nouvelle situation internationale, fondés sur ses voyages hors de France. Il entre au Cercle constitutionnel, républicain, en dépit de ses amitiés orléanistes et de l’hostilité des conventionnels qui voient en lui un contre-révolutionnaire

Le 17 juillet 1797, Madame de Staël - dont il est l’amant[réf. nécessaire] - intercède en sa faveur auprès du plus influent des cinq directeurs, Barras. Ce dernier, séduit par Talleyrand (il le rencontre alors qu’il est bouleversé par la mort de son aide de camp), lui obtient, en dépit de l’hostilité d’une partie des directeurs le ministère des Relations extérieures, en remplacement de Charles Delacroix nommé ambassadeur auprès de la République batave.

Il y a un doute sur la paternité du peintre Eugène Delacroix : selon ses contemporains et une partie des historiens, il aurait pour père Talleyrand[réf. nécessaire]. Plusieurs raisons justifient cette idée :

* Talleyrand est l’amant de madame Delacroix à cette époque (il prend donc à Charles Delacroix à la fois sa femme et son ministère) ;
* Charles Delacroix souffre, jusque six mois avant la naissance d’Eugène, d’une tumeur aux testicules ;
* Eugène Delacroix a une certaine ressemblance physique, d’après ses contemporains, avec Talleyrand ;
* Talleyrand le protège durant sa carrière.

Talleyrand aurait dit lors de sa nomination : « nous tenons la place, il faut y faire une fortune immense, une immense fortune ». De fait et dès cet instant, il prend l’habitude de recevoir d’importantes sommes d’argent de l’ensemble des États étrangers avec lesquels il traite.
« M. de Talleyrand évaluait lui-même à soixante millions ce qu’il pouvait avoir reçu en tout des puissances grandes ou petites dans sa carrière diplomatique »
 Charles Augustin Sainte-Beuve, Nouveaux lundis

Dès sa nomination, Talleyrand écrit à Napoléon Bonaparte :
« J’ai l’honneur de vous annoncer, général, que le Directoire exécutif m’a nommé ministre des relations extérieures. Justement effrayé des fonctions dont je sens la périlleuse importance, j’ai besoin de me rassurer par le sentiment de ce que votre gloire doit apporter de moyens et de facilité dans les négociations. Le nom seul de Bonaparte est un auxiliaire qui doit tout aplanir. Je m’empresserai de vous faire parvenir toutes les vues que le Directoire me chargera de vous transmettre, et la renommée, qui est votre organe ordinaire, me ravira souvent le bonheur de lui apprendre la manière dont vous les aurez remplies. »
 Lettre de Talleyrand à Napoléon Bonaparte

Séduit par le personnage, Bonaparte écrit au Directoire pour lui signifier que le choix de Talleyrand « fait honneur à son discernement ». Une importante correspondance suit. En réalité, Bonaparte n’en fait qu’à sa tête en Italie : le traité de Campo-Formio est signé le 17 octobre 1797 et Talleyrand le félicite. Les deux hommes se rencontrent alors que Bonaparte revient couvert de gloire de la campagne d’Italie. Le 3 janvier 1798, Talleyrand donne une fête somptueuse en l’honneur de Napoléon Bonaparte en l’hôtel de Galliffet, où est installé le ministère. Il soutient l’expédition d’Égypte, tout en refusant de s’y impliquer activement.

Pour le reste, le Directoire, qui se méfie de Talleyrand, traite lui-même les affaires importantes et l’utilise comme un exécutant. La politique de Talleyrand, qui parfois va à l’encontre même de celle des directeurs, a pour but de rassurer les États européens et d’obtenir l’équilibre et la paix ; il fait part de ses réserves sur la politique de « libération » des pays conquis. Il met en place l’administration des Affaires étrangères (organisation achevée au début du Consulat) qu’il garnit d’hommes travailleurs, discrets et fidèles. Il parfait également son réseau d’influence.

Le 13 juillet 1799, suite à plusieurs scandales, il démissionne du ministère. Il se consacre à la préparation du coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799) en conspirant contre le Directoire avec Napoléon Bonaparte et Emmanuel-Joseph Sieyès.

Période napoléonienne
« La destruction des cannonières françaises » ou « le petit Boney et son ami Talley dans une grande joie », caricature britannique montrant Napoléon, assis sur l’épaule de « Talley », scrutant joyeusement (à travers un grand document roulé en longue-vue nommé « le plan de Talleyrand pour envahir la Grande-Bretagne ») la Manche, où la flotte française se fait détruire par les obus des navires britanniques.
« La destruction des cannonières françaises » ou « le petit Boney et son ami Talley dans une grande joie », caricature britannique montrant Napoléon, assis sur l’épaule de « Talley », scrutant joyeusement (à travers un grand document roulé en longue-vue nommé « le plan de Talleyrand pour envahir la Grande-Bretagne ») la Manche, où la flotte française se fait détruire par les obus des navires britanniques.

Après le coup d’État, il retrouve son rôle de ministre et conclut les importants traités couronnant la politique conquérante de Bonaparte.

Les traités de Mortefontaine et de Lunéville sont conclus quasiment sans son intervention, le jeune Premier Consul ne laissant guère de place à d’autres pour mener la politique extérieure. Talleyrand ne s’en offusque pas et approuve même, dans leur ensemble, ces deux traités. Lors du concordat, après de vifs désaccords, le pape accepte de fermer les yeux sur la situation de Talleyrand, qui se considère comme officiellement rendu à la vie séculière.

En l’an X (1801), suite à l’injonction d’épouser ou de quitter l’une de ses maîtresses, Talleyrand se marie avec Catherine Noël Worlee (ou Verlee), divorcée de Georges-François Grand, qu’il connaît depuis trois ans. C’est une native des Indes danoises, d’origine bretonne. Ses contemporains disent d’elle que « c’était la Belle et la Bête réunies en une seule personne ». Il en a certainement une fille, née en 1799, déclarée de père inconnu, qu’il adopte en 1803 et marie vers 1815 au baron Alexandre-Daniel de Talleyrand, son cousin germain.

La même année, il achète le château de Valençay, encore sur injonction de Bonaparte mais avec son aide financière[réf. nécessaire]. Il y héberge plus tard les infants d’Espagne, prisonniers de l’empereur. Le domaine du château est d’environ 120 km², ce qui en fait l’un des plus grands domaines privés de l’époque. Talleyrand y séjourne régulièrement, en particulier avant et après ses cures thermales à Bourbon-l’Archambault.

En 1804, face à l’augmentation du nombre d’attentats perpétrés par des royalistes contre Bonaparte, Talleyrand joue un rôle (l’importance de l’implication des uns et des autres restant obscure) dans l’exécution du duc d’Enghien[réf. nécessaire]. Il est nommé grand chambellan le 11 juillet 1804 et assiste le 2 décembre 1804 au sacre de Napoléon.

En 1805, après la brillante campagne d’Autriche et l’écrasante défaite de Trafalgar, Talleyrand signe à contrecœur le traité de Presbourg, qu’il n’a pas rédigé.

En 1806, il est nommé « prince de Bénévent », petite principauté confisquée au pape. Le 12 juillet de la même année, il signe le traité créant la confédération du Rhin, toujours sur ordre de Napoléon, auprès duquel il est toujours aussi influent, mais qui se soucie peu des projets d’harmonie européenne de Talleyrand. Amorçant la critique de la politique guerrière de Napoléon sans oser le défier, il commence à communiquer des informations au tsar Alexandre Ier via son ami Dalberg. En 1807 il négocie et signe le traité de Tilsit et prend certainement à cette occasion la décision de démissionner de son poste de ministre à son retour de Varsovie, démission rendue effective le 10 août 1807.

Talleyrand se détache peu à peu de l’empereur : en septembre 1808, à Erfurt où celui-ci l’envoie préparer le terrain pour une alliance avec la Russie, il va jusqu’à déconseiller au tsar de s’allier avec Napoléon, lui affirmant que « le peuple français est civilisé, son souverain ne l’est pas ; le souverain de la Russie est civilisé, son peuple ne l’est pas ». C’est la « trahison d’Erfurt » qui lui vaut l’inimitié future des bonapartistes ; sur le moment Napoléon ne la comprend pas mais est surpris de l’échec de son initiative auprès du tsar.

Alors que l’on n’a pas de nouvelles de l’empereur depuis l’Espagne où la guérilla fait rage et que la rumeur de sa mort se répand, Talleyrand, qui est l’hôte à Valencay des princes d’Espagne, toujours prisonniers de l’empereur, intrigue au grand jour avec Joseph Fouché pour offrir la régence à l’impératrice, en cherchant le soutien de Joachim Murat. D’Espagne, Napoléon apprend la conjuration et accourt à Paris. Le 28 janvier 1809, il injurie Talleyrand devant un conseil restreint de circonstance (« vous êtes de la merde dans un bas de soie »[33]), l’accuse de trahison et lui retire son poste de Grand Chambellan. Il ne dissimule pas son opposition :
« Napoléon avait eu la maladresse (et on en verra plus tard la conséquence) d’abreuver de dégoût ce personnage si délié, d’un esprit si brillant, d’un goût si exercé et si délicat, qui, d’ailleurs, en politique lui avait rendu autant de services pour le moins que j’avais pu lui en rendre moi-même dans les hautes affaires de l’état qui intéressaient la sûreté de sa personne. Mais Napoléon ne pouvait pardonner à Talleyrand d’avoir toujours parlé de la guerre d’Espagne avec une liberté désapprobatrice. Bientôt, les salons et les boudoirs de Paris devinrent le théâtre d’une guerre sourde entre les adhérents de Napoléon d’une part, Talleyrand et ses amis de l’autre, guerre dont l’épigramme et les bons mots étaient l’artillerie, et dans laquelle le dominateur de l’Europe était presque toujours battu »
 Mémoires de Joseph Fouché

Menacé dans sa vie ou d’exil avec son comparse, il n’est finalement pas inquiété, conserve ses autres postes et l’empereur le consulte toujours. Pour Jean Orieux, il est pour Napoléon « insupportable, indispensable et irremplaçable »[réf. nécessaire]. En 1813, il refuse le poste de ministre des relations extérieures que lui propose à nouveau l’Empereur.

En 1814, profitant de la chute de l’Empire, il manœuvre habilement pour livrer Paris aux alliés et à Louis XVIII.

Première Restauration

En mars, les alliés entrent à Paris. Le 1er avril 1814, il est élu par le Sénat « président du gouvernement provisoire ». Il signe la convention d’armistice avec les alliés et installe Louis XVIII sur le trône, lequel le nomme au ministère des Affaires Étrangères ; la principauté de Bénévent est rendue au Pape mais il conserve le titre. En dépit de la contre-réaction en vogue, Louis XVIII, avec qui il s’entend bien, le charge de représenter la France au congrès de Vienne.

Le 16 septembre 1814 débute le congrès de Vienne, et, bien que la France ne soit pas admise à la table des négociations, Talleyrand réussit à y participer. Il réussit, en faisant jouer les nombreuses divisions alliées, à limiter les sanctions à l’encontre de la France et même à fortement influencer des décisions[réf. nécessaire] ayant plus trait à l’équilibre européen qu’à la France. Allié à l’Autriche et au Royaume-Uni, il s’oppose à la Prusse et la Russie : la première n’obtient pas la Saxe et les vues de la seconde sur la Pologne sont contrecarrées. En revanche, Talleyrand ne peut éviter que la Prusse n’obtienne une frontière avec la France (ce que des biographes voient comme la cause des guerres franco-allemandes futures). Il signe l’acte final du congrès le 9 juin 1815.

Suite au congrès, la France conserve ses conquêtes de 1792, mais Napoléon revient de l’île d’Elbe et est porté triomphalement par les Français, ce qui ruine l’opinion qu’ont d’eux les alliés. Talleyrand suit Louis XVIII en exil durant les Cent-Jours, déclarant : « c’est une question de semaines, il [Napoléon] sera vite usé ». Vient la bataille de Waterloo et Louis XVIII retrouve son trône. Talleyrand conserve son poste, et, le 9 juillet 1815, il est nommé Président du conseil des ministres.
« Ensuite, je me rendis chez Sa Majesté : introduit dans une des chambres qui précédaient celle du roi, je ne trouvai personne ; je m’assis dans un coin et j’attendis. Tout à coup une porte s’ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mît les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l’évêque apostat fut caution du serment. »
 François-René de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-tombe

Poussé par les Ultras, Louis XVIII force Talleyrand à démissionner et le nomme grand chambellan de France le 24 septembre 1815. Pour la première fois depuis son retour des États-Unis, il n’est pas au pouvoir. Il est officiellement en disgrâce et se sépare de sa femme.

Son activité politique se borne à quelques discours à la chambre (dont l’opposition à l’expédition d’Espagne, contre François-René de Chateaubriand), à des mémoires, des discours et à des contacts avec les libéraux et orléanistes. C’est à cette époque qu’Adolphe Thiers s’introduit auprès de lui en faisant l’éloge du jeune Eugène Delacroix. Talleyrand passe une grande partie de son temps à Valencay avec Dorothée de Courlande, mariée par lui à son neveu Édmond, qui est vraisemblablement sa maîtresse et dont la fille Pauline est sans doute de Talleyrand

Monarchie de Juillet
En juillet 1830, Louis-Philippe devient roi après les Trois glorieuses qui chassent Charles X. Il nomme alors Talleyrand ambassadeur à Londres, afin de garantir la neutralité de l’Angleterre vis-à-vis du nouveau régime[35]. À peine arrivé dans la capitale anglaise, Talleyrand rencontre Wellington, qui évoque « la malheureuse révolution de juillet ». Aussitôt, l’ambassadeur relève la formule et déclare au Premier ministre que cette révolution n’est un malheur ni pour la France, ni pour les autres États avec lesquels le nouveau régime veut avoir les meilleures relations. Un peu plus tard, il remet en place la princesse de Lieven, femme de l’ambassadeur de Russie, qui s’indigne d’une « flagrante usurpation » : « Vous avez bien raison, Madame. Seulement, ce qui est à regretter, c’est qu’elle n’ait pas eu lieu quinze ans plus tôt, comme le désirait et le voulait l’empereur Alexandre votre maître ! »

Talleyrand contribue à l’indépendance de la Belgique et travaille sur le projet qui lui tient à cœur depuis longtemps : le rapprochement du Royaume-Uni et de la France. Son raffinement et son habilité deviennent fameux à Londres même si sa réputation est au plus bas en France :
« le prince a évité à la France le démembrement, on lui doit des couronnes, on lui jette de la boue »

C’est en effet à cette époque que débute la haine généralisée des partis à son encontre. Il devient « le diable boîteux », celui qui a trahi tout le monde. Il reçoit régulièrement Alphonse de Lamartine et entretient de bons rapports avec son ami Wellington et l’ensemble du cabinet.

Talleyrand reste en poste jusqu’en août 1834 date à laquelle il quitte la scène publique et se retire dans son château de Valençay. Il reçoit Honoré de Balzac et met la dernière main à ses mémoires.

En 1837, il quitte Valençay, retournant s’installer dans son hôtel de Saint-Florentin à Paris.

À l’approche de la mort, il effectue un retour à la religion et ses proches confient à l’abbé Dupanloup le soin de le convaincre de signer sa rétractation, qu’il ne signe que quatre heures avant sa mort, lui permettant de recevoir extrême-onction et viatique. Au moment où le prêtre doit, conformément au rite, oindre ses mains avec le saint-chrême, il déclare : « N’oubliez pas que je suis évêque »[réf. nécessaire] (car on devait en pareil cas l’oindre sur le revers des mains et non sur les paumes), reconnaissant ainsi sa réintégration dans l’Église. L’événement, suivi par le tout-Paris, fait dire à Ernest Renan qu’il réussit « à tromper le monde et le Ciel »

Apprenant que Talleyrand est mourant, le roi Louis-Philippe décide, contrairement à l’étiquette, de lui rendre visite. « Sire, murmure le mourant, c’est un grand honneur que le roi fait à ma maison. » Il meurt le 17 mai 1838, à 15h50[

Des funérailles officielles et religieuses sont célébrées le 22 mai. Il est enterré dans une chapelle proche du château de Valençay, où son corps est ramené le 5 septembre, puis enterré dans la crypte familiale de la chapelle. La plaque de marbre qui recouvre le cercueil porte l’inscription suivante : « Ici repose le corps de Charles-Maurice de Talleyrand Périgord, prince duc de Talleyrand, duc de Dino, né à Paris le 2 février 1754, mort dans la même ville le 17 mai 1838. »

Regards contemporains et postérité

* Gustave Flaubert : « Talleyrand (Prince de) : s’indigner contre » (Dictionnaire des idées reçues) ;
* Honoré de Balzac : « Certain prince qui n’est manchot que du pied, que je regarde comme un politique de génie et dont le nom grandira dans l’histoire »[réf. nécessaire] ;
* Alphonse de Lamartine : « L’opulence, pour M. de Talleyrand était autant une politique qu’une élégance de sa vie »[réf. nécessaire] ;
* George Sand : « Une exception de la nature, une monstruosité si rare que le genre humain, tout en le méprisant, l’a contemplé avec une imbécile admiration. » ;
* Napoléon : « De la merde dans un bas de soie ». (Après la rupture suite au complot) auquel Talleyrand dira « dommage qu’un si grand homme soit si mal élevé »

* Charles Augustin Sainte-Beuve : « Le problème moral que soulève le personnage de Talleyrand, en ce qu’il a d’extraordinaire et d’original, consiste tout entier dans l’assemblage, assurément singulier et unique à ce degré, d’un esprit supérieur, d’un bon sens net, d’un goût exquis et d’une corruption consommée, recouverte de dédain, de laisser-aller et de nonchalance. »

Talleyrand était surnommé « le diable boiteux » en raison de son infirmité et par la haine que lui vouaient certains de ses ennemis, en particulier au sein des factions : « ultras » (pour qui il était un révolutionnaire), Église catholique (qui se souvenait de la confiscation des biens de l’Église), jacobins (pour qui il était un traître à la Révolution), bonapartistes (qui lui reprochaient la « trahison d’Erfurt »), etc. Plusieurs mémorialistes, comme François-René de Chateaubriand[40], expriment dans leurs ouvrages tout le mal qu’ils pensent de lui.

Le XXe siècle a vu, dans l’ensemble, une « réhabilitation » de Talleyrand, en particulier par ses nombreux biographes, qui, en général, ont vu une continuité dans la vie du personnage, en tant que serviteur de « la France ».


wikipedia

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