jeudi 5 avril 2007, par
Après avoir vu périr de façon affreuse beaucoup d’hommes et de mulets, Hannibal, enfin sorti des marais, campe sur le premier terrain sec qui s’y prête, et apprend de façon certaine, par les éclaireurs envoyés en avant, que l’armée romaine est sous les murs d’Arretium. Ensuite, les projets et l’état d’esprit du consul, la nature du pays et ses routes, les ressources pour s’approvisionner facilement, et tous autres renseignements utiles, furent, pour lui, l’objet de l’enquête la plus soigneuse. Le pays était un des plus fertiles de l’Italie ; c’étaient les plaines étrusques qui s’étendent entre Faesulae et Arretium, riches en blé, en bétail, en productions de toute sorte. Le consul était fier de son premier consulat, et non seulement ne craignait ni la majesté des lois, ni celle du sénat, mais même pas celle des dieux. Cette légèreté innée, la fortune, en donnant à Flaminius des succès à l’intérieur et dans la guerre, l’avait alimentée. Aussi voyait-on bien que, sans consulter ni dieux ni hommes, il agirait toujours avec fierté et précipitation. Pour le porter davantage à ces défauts, le Carthaginois s’apprête à le harceler et à l’exciter : laissant l’ennemi sur sa gauche, et partant de Faesulae pour le centre du territoire étrusque, afin de le piller, il y fait tous les ravages possibles par le meurtre et les incendies qu’il montre de loin au consul. Flaminius, qui, même devant un ennemi tranquille, n’était pas disposé à le rester, quand il voit alors, presque sous ses yeux, emporter ou emmener les biens de ses alliés, considérant comme un déshonneur personnel que le Carthaginois, désormais, se promène au milieu de l’Italie, et, sans que nul s’y oppose, aille attaquer les murs mêmes de Rome ; malgré les avis, plus salutaires que brillants, de tous les membres de son conseil, soutenant qu’il doit attendre son collègue pour mener avec lui, et leurs armées réunies, cette affaire, avec le même coeur et le même plan, et qu’en attendant il faut seulement, avec la cavalerie et les auxiliaires légèrement armés, contenir la liberté de pillage effrénée de l’ennemi ; Flaminius, dis-je, se jette irrité hors du conseil, et, ayant donné à la fois le signal de la marche et du combat, s’écrie : "Restons plutôt tranquilles sous les murs d’Arretium ! Ici sont évidemment notre patrie et nos pénates ! Qu’Hannibal, échappant à nos mains, ravage l’Italie entière : qu’en dévastant et brûlant tout il arrive devant les murs de Rome : nous, ne bougeons pas d’ici avant que les sénateurs aient fait venir, comme autrefois Camille de Véies, Caius Flaminius d’Arretium !"
Comme, tout en grondant ainsi, il ordonnait de lever promptement les enseignes, et avait lui-même sauté à cheval, sa monture s’abattit soudain, faisant glisser par-dessus sa tête et tomber son cavalier. Tout l’entourage du consul s’en effrayait, comme d’un mauvais présage pour commencer une action, quand on vient annoncer de surcroît que le porte-drapeau, quoiqu’il s’y emploie de toutes ses forces, ne peut arracher de terre l’enseigne. Alors le consul, se tournant vers le messager : "M’apportes-tu aussi une lettre du sénat, pour m’empêcher d’agir ? Va, dis-leur de prendre une pioche, si, pour arracher l’enseigne, la peur paralyse leurs mains." Alors l’armée se mit en marche, les officiers, outre qu’ils avaient désapprouvé ce dessein, s’effrayant du double prodige, le soldat, en général, heureux de la hardiesse de son chef, et considérant plutôt son espoir que les raisons sur quoi fonder cet espoir.
Eugène Lasserre, Tite-Live, Histoire romaine, t. IV, Paris, Garnier, 1937 ;
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