jeudi 5 avril 2007, par
Telle fut la fameuse bataille de Trasimène, et l’une des rares défaites mémorables du peuple romain. Quinze mille Romains furent tués dans le combat ; dix mille, dispersés par la fuite à travers toute l’Étrurie, gagnèrent Rome par les chemins les plus divers ; deux mille cinq cents ennemis périrent dans la bataille, beaucoup, par la suite, de leurs blessures. Il y eut un grand carnage de part et d’autre, à ce que rapportent certains ; pour moi, outre mon désir de ne rien grossir sans raison, défaut auquel n’inclinent que trop, en général, les historiens, j’ai considéré que c’était à Fabius, contemporain de cette guerre, que je devais me fier de préférence. Hannibal, après avoir renvoyé sans rançon les prisonniers de nom latin, et fait enchaîner les Romains, ayant ordonné de séparer, des tas de cadavres ennemis amoncelés, les corps des siens, et de les ensevelir, fit rechercher aussi avec le plus grand soin, pour l’honorer de funérailles, le corps de Flaminius, mais sans le trouver.
À Rome, à la première nouvelle de ce désastre, avec une terreur et un tumulte énormes le peuple accourut au forum. Les matrones, errant par les rues, demandent à ceux qu’elles rencontrent quelle est cette défaite soudaine, et le sort de l’armée. Comme une foule semblable à celle d’une réunion publique nombreuse, tournée vers le comitium et la curie, réclamait les magistrats, enfin, peu de temps avant le coucher du soleil, le préteur Marcus Pomponius déclara : "Dans une grande bataille, nous avons été vaincus." Sans lui avoir rien entendu dire de plus précis, les gens, se comblant l’un l’autre des bruits qui courent, rapportent chez eux que le consul et une grande partie de ses troupes ont été tués, et qu’il y a peu de survivants, ou dispersés par la fuite, çà et là, en Étrurie, ou prisonniers de l’ennemi. Tous les malheurs qui avaient pu frapper une armée vaincue étaient autant de sujets d’inquiétude écartelant l’âme des gens dont les parents servaient sous les ordres du consul Caius Flaminius, et qui ignoraient le sort de chacun des leurs ; aucun ne sait exactement ce qu’il a à espérer ou à craindre.
Le lendemain, et pendant les quelques jours suivants, aux portes de Rome, une foule, où il y avait presque plus de femmes que d’hommes, resta à attendre ou quelqu’un des siens, ou des nouvelles à leur sujet ; elle entourait les arrivants pour les interroger, et ne pouvait s’en détacher, surtout si c’étaient des personnages connus, sans s’être informée de tous les détails, dans l’ordre. On pouvait remarquer ensuite les visages divers des personnes qui quittaient les messagers, selon que chacune avait reçu de bonnes ou de mauvaises nouvelles, et les félicitations, ou les consolations des gens qui les entouraient, tandis qu’elles retournaient chez elles. Les femmes surtout laissaient éclater leur joie ou leur douleur. L’une d’elles, à la porte même, se trouvant soudain en face de son fils sauvé, mourut, dit-on, dans ses bras ; une autre, à qui l’on avait annoncé par erreur la mort de son fils, et qui était tristement assise chez elle, dans sa première émotion, en voyant son fils de retour, expira d’un excès de bonheur. Quant au sénat, les préteurs, pendant quelques jours, le retinrent à la Curie du lever au coucher du soleil, à délibérer sur le général ou les troupes qui permettraient de résister aux Carthaginois victorieux.
Eugène Lasserre, Tite-Live, Histoire romaine, t. IV, Paris, Garnier, 1937 ;
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