jeudi 9 juillet 2015, par
Par tempérament, le Français est assimilateur. Ce qui lui convient, ce dont il s’accommode volontiers, lui paraît bon pour les autres. Mais s’il assimile facilement et de très bon coeur — des individus, voire de petits groupes sociaux ou ethniques, il hésite devant les conséquences difficilement mesurables d’une assimilation aussi massive que celle de 60 millions de gens de couleur à 42 millions seulement de Français. On ne saurait le lui reprocher. Alors, il faudrait logiquement s’engager avec résolution dans la voie de l’association.
Or nous voyons, dans la pratique, les Français responsables faire de plus en plus
de l’administration directe dans les pays même de protectorat, ce qui est diamétralement opposé à l’esprit comme à la lettre des traités et de la politique d’association en découlant. Le résultat est que ces pays paient désormais deux administrations, l’une, française, envahissante, prépondérante et omnipotente, l’autre, indigène, réduite au rôle médiocrement figuratif de parente pauvre. Cela est patent au Maroc, en Tunisie, en Annam, au Cambodge, au Laos. On imagine facilement le mécontentement suscité par ces procédés, non seulement parmi les souverains ainsi lésés, mais aussi dans les élites locales, froissées dans leur amour-propre national, privées au surplus de débouchés administratifs et laissées ainsi oisives, à l’écart de la conduite des affaires, ce qui leur donne tout loisir pour remâcher leur amertume et critiquer nos actes.
On constate également que nos tendances administratives et juridiques restent assimilatrices malgré tout, sans même que nous nous en rendions bien compte.
Nous favorisons l’individu au détriment de la collectivité à laquelle il appartient et qui était auparavant toute-puissante. Les écoles se multiplient. Les plus doués des élèves poursuivent des études secondaires et les meilleurs suivent les cours de l’Université. L’instruction, la sécurité, les facilités de transport, de communications, la presse, le livre, la radiodiffusion, tout concourt à répandre les idées nouvelles, d’où qu’elles viennent, alors que la faculté de raisonner et d’exercer une discrimination critique est encore faible.
Le cadre tribal éclate, l’autorité des chefs s’effrite, celle même du père de famille est souvent fortement amoindrie. Et en Afrique noire comme en Indochine, l’action des Missions religieuses chrétiennes ébranle du seul fait de leur présence les coutumes’, religieuses traditionnelles. Bref, il y a un bouleversement général des esprits et de la société ancestrale. Tout est remis en cause et au même moment.
« D’une société communautaire à base mystique, on passe à une société capitaliste à cadre étatique. »
Tout conduit ainsi à l’éveil ou au réveil des nationalismes locaux. On rend responsable le Français, le Blanc, des difficultés du présent, on rêve avec nostalgie au bon vieux temps, à l’âge d’or du passé, qui paraît d’autant plus admirable qu’on ignore généralement ce qu’il comportait de profonde misère, d’arbitraire et de sanglante anarchie. Les évolués sont parmi les plus déçus. Ils se ralliaient d’enthousiasme à l’assimilation, or ils ne sont pas des citoyens à part entière, mais seulement des sujets français. Ils sentent bien que si on leur fait partout bon accueil, avec beaucoup de spontanéité et même de gentillesse, ils ne sont pas pour autant admis de plain-pied dans la société française. Ils restent en dehors.
On ne les met nulle part aux leviers de commande. Ainsi, le fossé se creuse peu à peu entre la France et les nouvelles élites locales.
Général Georges Spillmann Historia 20e siecle 1970
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