mardi 18 septembre 2007, par
Le 30 mai 1431, à Rouen, sur la place du Vieux-Marché, une jeune bergère devenue guerrière monte au bûcher : Jeanne Darc - ou d’Arc - a 19 ans.
Sa condamnation et son supplice, elle les doit pour une large part à la haine que lui vouent les Anglais. Depuis qu’elle les a obligés, en mai 1429, à lever le siège d’Orléans, les Anglais ne sont plus constamment victorieux face aux derniers défenseurs du roi français Charles VII, et ils attribuent ce retournement à quelque influence maléfique, proclamant que Jeanne est une sorcière et non, comme elle le prétend, une envoyée de Dieu.
L’action de Jeanne, chevauchant à la tête des soldats, vêtue en homme, obéissant, selon ses dires, à des voix de saints et de saintes, a de quoi, en effet, paraître suspecte.
Jeanne est une petite paysanne sans instruction (elle ne sait pas lire), qui a gardé le troupeau de son père dans son village lorrain de Domrémy, jusqu’au jour de sa quatorzième année où elle s’est entendue investir de la mission de libérer la France de la tutelle des Anglais. Partie à la petite ville voisine de Vaucouleurs, elle réussit à convaincre le capitaine de la place, le sire de Baudricourt, de la faire conduire auprès du roi. En 1429, Jeanne est ainsi à Chinon ; elle reconnaît leroi, déguisé en courtisan, et obtient, après bien des tergiversations, que lui soit confiée une armée pour délivrer Orléans, qu’assiègent alors les, Anglais. L’expédition réussit au-delà de toute espérance : en avril, la jeune fille - la Pucelle, selon le terme du temps - pénètre dans la ville malgré les assiégeants ; le 8 mai, elle donne l’ordre de l’offensive, lançant la garnison à l’assaut des redoutes que les Anglais ont construites devant les murs, et forçant ceux-ci à lever le siège.
La délivrance d’Orléans est suivie par le sacre de Charles VII. Le 17 juillet 1429, une chevauchée, au cours de laquelle les Anglais sont encore bousculés, conduit le roi jusqu’à Reims. Là, il reçoit l’onction dans la cathédrale : la cérémonie le dote du charisme qui lui manquait, dans ces circonstances difficiles. Mais Jeanne, dans l’entourage du roi, est jalousée, dénigrée, plutôt qu’appréciée. En septembre, elle tente vainement, avec peu de soutien, une attaque pour délivrer Paris. En mai 1430, elle est à Compiègne, avec un nombre plus dérisoire encore d’hommes ; et là, elle est arrêtée, par un seigneur bourguignon qui la vend aux Anglais quelques mois plus tard.Jeanne est emprisonnée par les Anglais à Rouen. Leur but est de la faire juger et condamner : la prétendue missionnaire sera convaincue de mensonge, son prestige s’effondrera et celui de Charles VII avec le sien. L’Église, en la personne de Pierre Cauchon, évêque de Beauvais, de la compétence duquel ressortit le cas, se prête au jeu. Jeanne a cependant droit à un procès conforme à la légalité : il sera très difficile, en 1456, de trouver des motifs d’annulation de la sentence. Les Anglais ont fait savoir qu’ils veulent la mort de la jeune fille : Cauchon, de son côté, est prévenu contre elle, par conviction et par intérêt personnel. Mais il ne va pas contre sa conscience et, dans un premier temps, il n’ordonne pas la mort.
Le procès proprement dit dure quatre mois, de janvier à mai 1431. Durant cette époque, les juges maintiennent sur Jeanne une pression psychologique constante, la menaçant de la torture, lui montrant les intruments. Jeanne, qui a l’habitude de communier fréquemment, souffre aussi d’être tenue à l’écart de la messe et éloignée des sacrements. Le tribunal joue enfin, pour la perdre, de ce qui est le plus émouvant en elle : sa simplicité, la façon avec laquelle elle exprime une foi particulièrement forte, mais qu’aucune connaissance n’étaie. Son instruction religieuse se limite, en effet, à ce que son curé de paroisse a pu lui apprendre : quelques prières. Elle est un vivant défi à la science des doctes qui la jugent, et auxquels ne peut que déplaire une religiosité fondée sur un rapport direct, personnel et répété, avec Dieu, au moment où l’Église tâche de prendre en mains les fidèles en exigeant d’eux qu’ils se soumettent au dogme exprimé par les pasteurs.
En fait, il est impossibleà la jeune fille de résister. L’interrogatoire, mené par des juges partiaux, ne peut qu’entraîner sa condamnation, chacune de ses déclarations se retournant contre elle.
Jeanne, épuisée, doutant peut-être un moment, croyant en la bonne foi des juges, accepte, le 24 mai 1431, la sentence qui la frappe : elle est reconnue hérétique et schismatique, doit faire amende honorable, et sera enfermée toute sa vie dans une prison. Elle se reprend aussitôt. Trois jours après cette abjuration, obtenue au cimetière SaintOuen par un simulacre d’exécution, elle reprend ses habits d’homme, ce qui signifie qu’elle refuse de se soumettre. Encore trois jours, et elle monte au bûcher.
Dictionnaire d’histoire de France Perrin - France Loisirs - 1988
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