lundi 8 octobre 2007, par
L’interrogatoire d’identité et l’appel des témoins achevés, le général duc d’Aumale donna la parole au capitaine Castres, greffier, pour la lecture des états de service de l’accusé. Né à Versailles en 1811, Bazaine, à vingt ans, s’était engagé. Deux ans plus tard, il était sous-lieutenant et, en 1855, il recevait les étoiles et les feuilles de chêne.
D’une bravoure tranquille, blessé six fois, le jeune général, qui avait conquis tous ses grades sur les champs de bataille d’Espagne, d’Afrique - où il avait notamment commandé la légion étrangère - et de Crimée, avait reçu, en 1864, le bâton de maréchal. Commandant en chef l’armée chargée d’assurer sur le front de Maximilien d’Autriche la couronne d’empereur du Mexique que la volonté de Napoléon III y avait imprudemment posée, il avait d’une gloire militaire nouvelle alourdi les plis de ses drapeaux... Et puis la guerre contre l’Allemagne avait éclaté.
Ce qu’avait alors été le rôle de Bazaine, le rapport du général Séré de Rivière l’éta
blissait avec une rigueur qui ne laissait plat à aucune équivoque. Commandant en ch l’armée du Rhin, il avait, à ce poste, ft preuve d’une incertitude dans ses décisior d’une lenteur dans ses mouvements do avaient été péniblement surpris tous cet qui, ayant eu précédemment affaire à lui connaissaient son énergie, sa vigueur son entêtement à mener jusqu’à leur tern toutes les opérations qu’il entreprenait.
Plus rien de semblable en Lorraine. La : sant écraser à Spicheren le corps de Fr( sard alors qu’il avait sous la main quat divisions qui, jetées dans la bataille, auraient renversé le cours, décidant reformer l’armée que ses premiers éche avaient entamée et la ramenant pour ce sous Metz mais ne l’y laissant pas et, avant même d’avoir reçu les renforts qui lui étaient envoyés, partant pour Verdun, laissant accrocher son arrière-garde à Borny et, bien qu’il fût maître du champ de bataille, perdant deux jours dans sa retraite, ce qui avait permis au prince Frédéric-Charles de jeter contre lui, tant à Rezonville qu’à Saint-Privat, des forces considérables, faisant tête-à-queue sous l’action de ces masses, sans se rendre compte de la situation exacte et venant de nouveau se réfugier sous les murs de Metz...
Autant de gestes, autant de fautes. Et ce n’est pas fini : adossé à Metz, il se laisse investir sans rien faire pour essayer de rompre l’encerclement dont il est menacé, puis, le cercle refermé, il s’enfonce dans une inaction démoralisante pour tous sauf pour lui...
Mac-Mahon est écrasé à Sedan : il ne bouge pas... L’empereur est prisonnier : il ne bouge pas... Espère-t-il que les événements tourneront en sa faveur sans qu’il fasse rien pour les aider... pour les forcer s’il le faut ? Le rôle d’un soldat n’est-il pas de se servir des armes que son pays lui a mises dans les mains ?...
A quoi pense-t-il ? A Paris, un gouvernement de la Défense nationale s’est constitué dès l’effondrement de l’Empire : il n’essaie pas de se mettre en rapport avec lui. C’est au contraire avec le commandement et le gouvernement prussiens qu’il engage des pourparlers et ces pourparlers aboutissent, le 27 octobre 1870, à la reddition de la ville et de sa garnison...
Tout cela, le rapport du général Séré de Rivière l’établit avec une précision de réquisitoire : la culpabilité de Bazaine y apparaît accablante.
La lecture de ce rapport occupa cinq audiences. Impassible derrière sa table, les bras croisés ou les mains jointes, ses lourdes paupières mi-closes ne laissant filtrer qu’un regard indifférent, Bazaine écoutait, véritable roc contre lequel venaient se briser les flots de cette éloquence froidement accusatrice. De temps à autre pourtant, il se penchait sur l’épaule de son avocat et lui glissait à l’oreille quelques mots. Puis il retombait dans son impassibilité. Une impassibilité qui n’eût pas été plus absolue s’il avait été sourd.
Mais ce n’était là qu’une attitude, on s’en aperçut lorsque, l’interrogatoire ayant commencé, Bazaine ne laissa pas passer une question sans y fournir les réponses les plus précises, les mieux faites pour prouver qu’il n’avait pas perdu une syllabe de tout ce que, pendant près d’une semaine, il avait donné l’impression de ne pas entendre, discutant pied à pied chacune des charges qu’il devinait sous les paroles du général-président et laissant voir dans cette discussion toutes les finauderies d’un paysan retors et madré, toutes les habiletés d’un courtisan, toutes les subtilités d’un plaideur qui s’est longuement penché sur le Code. Et tout cela sans jamais perdre de son sang-froid...
sources"Le journal de la France" hebdomadaire ed Tallandier 1970 article Rene Jeanne
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