samedi 7 avril 2007, par
Dans la même nuit et le lendemain, les assiégés réparent leur mur et y dressent des tours de place en place. Mais Scipion, en face des tours, élève des tertres d’où ses soldats jettent des vases remplis de soufre, de poix et de morceaux de bois enflammés. Les Carthaginois doivent évacuer ce premier mur et les Romains sont maîtres du débarcadère. Ils construisent alors près du grand mur d’enceinte, un autre mur en brique de la même hauteur d’où ils lancent des traits qui cette fois-ci atteignent l’intérieur de la ville. Hasdrubal voudrait négocier L’étau se resserre de plus en plus autour des assiégés, et c’est à la fin de cette année - 147 qu’Hasdrubal, désirant obtenir la paix, demande une entrevue à Gulussa. Polybe qui raconte la scène ridiculise le Carthaginois. Il le dépeint comme un homme gros et gras qui n’a guère donné l’exemple des privations ; vêtu d’un manteau d’apparat, il s’avance vers le général numide et le prie de demander à Scipion d’épargner la ville. « Quelle naïveté ! répond ce dernier. Les Romains te tiennent assiégé par terre et par mer et tu t’imagines que tu obtiendras d’eux ce qu’ils ont refusé lorsque vos forces restaient intactes ? » Hasdrubal invoque alors le secours des dieux et le fait qu’une armée punique tient toujours la région de Néphéris.
Cependant, Gulussa presse Scipion de mettre fin à une guerre dont on ne peut prévoir les rebondissements. « Quoi, répond le chef romain, voilà ce que réclame l’homme qui a infligé à nos prisonniers un traitement si indigne. Et, après ce crime, il espère que les dieux l’assisteront ? » Malgré tout, il lui fait dire que si la ville se rend, il aura la vie sauve ainsi que sa femme, ses enfants et dix familles de ses parents. Il pourra emmener cent esclaves et sine partie de ses richesses ; Hasdrubal répond hautainement que « jamais le jour ne viendra où il verra à la fois la lumière du soleil et l’incendie de Carthage ».
Scipion décide alors de neutraliser une fois pour toutes ces troupes puniques qui tiennent encore la campagne. Pendant l’hiver - 147-146 il envoie de nombreux détachements les combattre et décide d’assiéger Néphéris, point central de cette résistance. Après la victoire de son allié Gulussa qui fait un grand carnage de l’armée ennemie, Scipion devient maître de la ville. Le siège de 22 jours a été rendu très pénible par un froid assez vif.
Le succès de cette expédition décourage les derniers alliés de Carthage. La ville ne reçoit plus aucun convoi de vivres ; personne ne peut plus l’aider et de nombreux habitants meurent de faim ou vont se livrer à l’ennemi.
Théoriquement, le nouveau consul élu à Rome en novembre - 147 aurait dû venir remplacer Scipion à la tète de l’armée d’Afrique. Mais il a compris, comme le sénat, qu’il fallait laisser Scipion achever sa tàche en Afrique. Le général romain attend en cette année - 146 le retour des beaux jours et, au printemps, il décide d’en finir.
Avant de commencer le combat, devant toute l’armée réunie, il s’adresse selon la coutume aux divinités de l’ennemi : « S’il est un dieu, s’il est une déesse qui ait sous sa tutelle le peuple et la cité de Carthage, je vous prie et vous conjure et vous demande en grâce de déserter la ville, les temples et les lieux sacrés et de vous éloigner d’eux ; et en les quittant de venir à Rome chez moi et les miens. » Pendant qu’il parle on a égorgé des victimes et consulté leurs entrailles. Les aruspices n’y trouvent aucun,> signe funeste. Alors Scipion s’adresse aux dieux infernaux de sa patrie : « Vous tous, répandez la fuite, l’effroi, la terreur, la peste dans cette ville de Carthage et dans cette armée dont je veux parler... Que ces hommes, ces ennemis et leurs villes et leurs champs soient mis par vous en déroute et privés de la lumière du ciel... »
Les cités ennemies faisant l’objet avant l’attaque d’une’ telle devotio devenaient obligatoirement vouées à la ' destruction totale. Scipion laisse entendre ainsi à ses
; légionnaires que le pillage sera autorisé, ce qui est certainement pour eux le meilleur des stimulants. L’assaut final est lancé en partant du débarcadère emporté l’année précédente. Les ports, mal défendus par Hasdrubal et par des combattants minés par la faim, sont pris assez facilement, ce qui ouvre aux Romains l’accès de la ville ; ils pénètrent sur une grande place, celle du. marché... déserte. La nuit étant venue, Scipion préfère" remettre au lendemain la marche en avant. Tout près se trouve le « Tophet » de Salammbô, qui est le cimetière où sont rangées les urnes contenant les cendres des premiersnés royaux immolés à Bâ al, principal dieu de la ville, ! selon la coutume carthaginoise héritée des Cananéens. Près de cette place se trouvent de nombreux sanctuaires puniques ; un temple, dédié à Apollon et dont les murs sont recouverts de plaquettes d’or, est entièrement pillé par les légionnaires qui ignorent profaner le sanctuaire d’un dieu qu’ils honorent eux aussi.
Du bas de la ville partent trois rues principales étroites, bordées de maisons à plusieurs étages et qui montent en pente raide jusqu’à la citadelle de Byrsa, coeur de la ville. Alors commence un combat horrible, maison par maison, longuement décrit -par Appien. De toutes les fenêtres et des toits tombent sur les Romains une nuée de projectiles, des seaux d’eau bouillante et ils ne progressent que très lentement. Ils sont obligés de prendre chaque maison, pièce par pièce. Arrivés au sommet d’un immeuble, ils lancent au-dessus de la rue des poutres qui leur permettent d’atteindre celui d’en face où l’on se bat de la cave au grenier. Les corps basculent dans le vide et sont empalés sur les piques et les épées dressées vers le ciel.
Les légionnaires arrivent péniblement jusqu’à la citadelle et Scipion donne l’ordre d’incendier les trois rues, et de niveler les ruines pour faciliter le passage des troupes. On renverse donc les murs qui tiennent encore debout. De nombreux cadavres tombent en même temps que les pierres, mais aussi les corps de pauvres malheureux, blessés et à demi brùlés, vieillards, femmes et enfants, dont les gémissements sont horribles à entendre.
Henriette Ozanne, Denise R. Olson, Jean Watelet - L’Histoire tragique des villes assiégées - Famot (1979)
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