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Un habitant dans une cave

, par

En attendant de recevoir satisfaction sur ce point, Bouvet « lance » ses cadres et sa troupe dans un intense entraînement, les 14, 15 et 16 novembre. Le thème choisi correspond à une situation analogue à celle de l’opération. L’entraînement se poursuit sans arrêt, dans la nuit et dans la neige. L’objectif d’exercice est le fort Saint-André qui domine Salins et qui impose aux exécutants une marche d’approche et d’infiltration très longue de 10 kilomètres dans une neige épaisse.
On construit chez le menuisier local, dans le plus grand secret, des échelles destinées au franchissement des fossés du fort en prenant comme prétexte la construction de traîneaux pour matériel lourd. L’instruction intensive du tir, de l’emploi des explosifs, du close combat, est poussée intensément et on se trouve de nouveau dans l’ambiance fiévreuse des préparations d’opérations, sans connaître le véritable objectif.
Le 19 novembre au soir, de son P.C., le lt-colonel Bouvet donne à ses chefs de bataillon l’ordre d’attaquer le Salbert. Le groupement se ralliera à l’entrée ouest de Châlonvillars. Le commandant Mollat, un cavalier, part avec trois observateurs et un aspirant originaire de Belfort en reconnaissance sur la partie sud du Salbert pour vérifier la surveillance du canal, l’occupation du village de la Forêt et les facilités d’accès au Petit-Salbert. Rien n’est laissé au hasard.
Le It-colonel Bouvet demande des tirs de harcèlement « psychologiques » sur le Salbert lui-même et les sorties ouest de Cravanche. Ces tirs devront cesser vers 1 h 30, heure à partir de laquelle il compte franchir le canal, pensant ainsi que l’ennemi se sera endormi, fatigué par la tension nerveuse occasionnée par les harcèlements d’artillerie.
Le groupement chemine en direction de Châlonvillars où il parvient vers minuit mais, sans liaison d’artillerie d’appui, celle-ci ayant perdu son antenne radio. Il ne faudra compter que sur les mortiers. Mollat, qui a rejoint à 23 heures, rend compte que la vallée est occupée. Les Allemands ont un poste de surveillance à la sortie est de Châlonvillars sur le canal, mais on peut franchir ce canal par un ponceau à demi écroulé et mal surveillé.
Sur ces renseignements, les commandos franchissent le canal à 1 h 30. A travers les obstacles et les tranchées, ils grimpent par le Petit-Salbert et se retrouvent sous le fort lui-même au moins une heure avant l’assaut qui sera donné trente minutes avant le lever du jour.
La mission du groupement est d’enlever le fort du Salbert et le village de Valdoie. Dans ce dessein, le groupe Ducourneau, qui avait été soumis à l’entraînement spécial à Salins, enlèvera le Salbert, le groupe F.F.I. de Courson enlèvera Valdoie en exploitant le succès de Ducourneau.
Le dispositif est ainsi articulé :
1) Une section de reconnaissance et éclairage chargée de « liquider » les sentinelles du canal et de couvrir la marche ;
2) Ducourneau avec son équipe d’escalade transportant échelles et cordes ;
3) Le It-colonel Bouvet avec le gros du groupe de commandos d’Afrique et le groupe Courson.
La nuit tombe. Dès que la section de reconnaissance et d’éclairage a rempli sa mission, le dispositif s’articule à hauteur du pont. Un habitant du pays, trouvé dans une cave de Châlonvillars et qui a travaillé à l’organisation allemande du Petit-Salbert, connaît admirablement les réseaux, les abattis, les points du passage des patrouilles.. Il servira de guide.
Le long serpent s’étire. Il passe au milieu des tirs de protection de l’attaque de nuit que Gambiez et Renaudeau d’Arc déclenchent contre Essert. La troupe arrive à la pointe du jour au pied même du Salbert croisant sans bruit des patrouilles allemandes... qui ne les voient pas. Quand le jour se lève les commandos pénètrent dans l’ouvrage où Ducourneau rassemble les prisonniers. De là, Métivier et une section marocaine dégringolent sur Belfort tandis que Courson descend sur Valdoie.
Pas un blessé, pas un mort. I 200 hommes ont réussi à s’infiltrer de nuit dans la défense allemande complètement surprise et ébranlée. C’est le résultat de l’instruction, de la discipline, de l’entraînement adapté à la mission. C’est aussi la chance d’avoir, au dernier moment, rencontré un guide valable et courageux.

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