mardi 11 décembre 2007, par
Quelle drôle de destinée que de se trouver intimement liés à ces gens-là, que de penser que tout leur argent d’avares va servir à boire, à préparer, de la mer de Chine à l’Adriatique, la grande expansion moscovite !
Oui, l’argent de ces propriétaires si prudents, si rangés et si travailleurs va servir à détruire une Allemagne qui leur ressemble tellement-comme eux courageuse, probe, dure au travail - au bénéfice de quelque chose de beaucoup plus terrible que l’Allemagne, l’Antéchrist, le Slave...
On a déjà vu de drôles d’alliances politiques : celle des rois très chrétiens avec le Turc, celle de Louis XV avec les Peaux-Rouges, mais jamais rien de plus comique que celle du petit père Loubet avec le tsar de toutes les Russies. Si l’ours et la fourmi font des petits, gardez-m’en un !
Le prince se penche sur le président et il lui remet les insignes de Saint-André et de tous les ordres de Russie avec une belle lettre autographe de Nicolas II. Caviar. valets de pied de l’ambassade en culottes courtes et bas roses. Les marins russes sont au port d’armes au pavillon de la guerre et on emmène M. Loubet pour lui faire admirer le cadeau du tsar ; ce cadeau est une carte de France en pierres précieuses, qui sort de la taillerie d’Ekaterinenburg.
Cette carte a coûté quatre millions. Paris est représenté par un rubis, Marseille par une émeraude, Lyon par un diamant, les fleuves par un fil de platine. La carte est posée sur un grand manteau d’hermine. Qui osera dire que la France ne revoit pas son argent ?
Les Français ignorent la géographie. La géographie vient à eux. L’Exposition est une confusion sans nom du temps et de l’espace. Les carillons flamands se mêlent aux cloches moyenâgeuses, les chants du muezzin aux clochettes suisses ; Nuremberg, Louvain, les logis hongrois, les monastères de Roumanie, les palais de Java, les paillotes du Sénégal, les châteaux des Carpates font une étonnante mixture internationale sous le ciel gris du carême. Les derviches circulent à côté des Morbihannaises en coiffe.
Avenue de La Bourdonnais, on peut encore se retrouver dans la section française, mais, dans l’avenue de Suffren, les trains électriques, la Grande Roue avec ses wagons suspendus et surtout le trottoir roulant (le chemin qui marche de Pascal, disent nos profs, enfin réalisé) et ses trois vitesses vous entraînent vers les Invalides, dans les sections étrangères, aux palais de la Mécanique, du Génie civil, des Mines, des Arts libéraux, de la Métallurgie et bien au-delà, dans le futur, dans l’inconnu, dans l’éther...
Les plus étranges découvertes scientifiques sortent du sol ; Paris n’est plus qu’un immense Palais des Illusions. Au pavillon de l’optique, on peut voir - horreur ! -une goutte d’eau de Seine, grossie dix mille fois ; plus loin, c’est la lune à un mètre. On assiste à des essais de télégraphie sans fil.
Le docteur Doyen, ce chirurgien avide de réclame, profite même d’une découverte récente, le cinématographe, pour s’exhiber en train d’opérer ; ses confrères le jugent sévèrement. Ailleurs, on synchronise les bruits d’un phonographe et les images mouvantes. Les journaux publient la photographie de la famille Rostand intime, écoutant L’Aiglon dans le premier théâtrophone.
Le Journal de la France Tallendier 1970 article de Paul Morand de L’academie Française
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
Derniers commentaires
par ZIELINSKI Richard
par Kiyo
par Marc
par Marc
par Marc
par Marc
par vikings76
par Marie
par philou412
par Gueherec