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1869 — Lesseps a gagné la partie. Le canal est pratiquement achevé ; il ne reste plus à déblayer que quelques millions de mètres cubes, quantité insignifiante par rapport à ce qui a déjà été enlevé. Une commission de savants et de praticiens est instituée pour examiner les conditions de l’exploitation du canal, et Lesseps lui écrit : Nous n’attendons que l’expression de votre opinion pour faire connaître à la marine universelle les conditions dans lesquelles le canal maritime de Suez sera définitivement livré à la navigation.
Cette phrase eut dans le monde à peu près autant de retentissement qu’en avait eu dix ans plus tôt le premier coup de pioche ordonné par Lesseps. Ce fut comme le signal d’un grand revirement d’opinion chez tous ceux qui n’avaient cessé de douter de la possibilité de l’oeuvre, puis de contrarier, de combattre et de saper sa réalisation, et qui, aujourd’hui, se hâtaient de se pousser au premier rang des thuriféraires.
Le 14 mars, les eaux de la Méditerranée furent amenées jusqu’aux lacs Amers. Ismaïl pacha en personne y assistait. Là où il n’y avait que sable aride et désolation palpitait désormais la vie. Une nouvelle province s’ajoutait presque miraculeusement à son royaume. Son nom méritait d’être -cité après ceux de Nikos, de Darius et de Trajan.
Le souverain passa trois jours entiers à visiter en bateau tous les chantiers, depuis Port-Saïd jusqu’à la ville qui portait son nom. Une flottille l’escortait, chargée des dignitaires de l’État. Une foule immense d’Européens et d’indigènes était accourue de toutes parts pour acclamer le khédive, et partout ce ne furent que réceptions enthousiastes et vivats.