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Comment la Russie est devenue chrétienne

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L’origine du christianisme en Russie est racontée par La Chronique des temps passés, datée du XIIe siècle. Avant le Xe siècle, tous les Slaves ainsi que les Varègues étaient païens. Il existait alors à Kiev une mythologie slave, et « un culte de la nature et celui des défunts ou des ancêtres. [1] » Les premiers Russes convertis au christianisme au IXe siècle dont on a retrouvé la trace étaient en fait d’origine scandinaves. Sous Oleg, prince varègue au début du Xe siècle, Kiev s’étend à l’est et s’approche de l’Empire byzantin : il mènera d’ailleurs des expéditions contre Constantinople. Les Russes découvrent alors d’autres religions, notamment le judaïsme et l’islam. Mais c’est le christianisme qui séduit le plus les guerriers et les marchands qui l’observent de plus près. La Chronique dit qu’en 911, l’empereur Léon VI a cherché à charmer les ambassadeurs russes en s’extasiant devant l’art religieux de Byzance. Dépourvu d’institution, le paganisme se montre tolérant vis-à-vis des diverses religions. Le voyage d’Olga et son baptême à Constantinople en 946 sont un premier pas vers le christianisme. De plus, le contact avec l’Europe chrétienne renforce cette religion pour la Rous qui, sans organisation lorsqu’elle était païenne, se construit sur le modèle idéologique de Byzance.
Le mythe et la réalité s’emmêlent concernant la conversion de Kiev : renseigné par des missionnaires, Vladimir est séduit par le christianisme grec parmi les religions monothéistes, bien qu’il s’agisse d’un choix politique. En effet, dans un Etat multiethnique, il est nécessaire de créer une cohésion. A cette époque, le christianisme latin n’est présent qu’en Pologne, fraîchement convertie. S’ensuit le baptême du prince, ainsi que celui, collectif, des Kiéviens. En réalité, ce ne sont pas les missions qui rendirent Kiev chrétienne, mais bien la volonté du prince. Le christianisme devient la religion officielle en 988. Durant les premières années, la Russie chrétienne se soumet au siège patriarcal de Constantinople. Après avoir étudié l’évangile, Vladimir souhaite l’enseigner également au peuple : il impose ainsi l’instruction de la culture byzantine aux Kiéviens. Il est alors comparé dans La Chronique à un laboureur qui a su fertiliser sa terre. En tant que prince, Vladimir remplit sa fonction héréditaire : il se doit d’intervenir dans la vie de l’Eglise, là où il existe aussi une hiérarchie. En outre, le christianisme répond parfaitement aux « intérêts sociaux et politiques de la dynastie princière. [2] » Raison de plus pour promouvoir cette nouvelle religion. De cette entente viendra le système d’amendes, alternative aux châtiments corporels demandés par le clergé.
La première cathédrale, à savoir Sainte-Sophie, est construite à Kiev en 1017 par Iaroslav ; elle devient le siège métropolitain de Russie. Vient ensuite la fameuse église Notre-Dame de la Dîme. Ces édifications marquent le début de l’art chrétien, bien que l’effusion de Vladimir s’affaiblisse ensuite. La décoration des églises, pas entièrement chrétienne, se rapproche de l’art roman ; les icônes, elles, sont très nombreuses. Durant ce même siècle, et selon le droit canon byzantin, naît le premier métropolite de Russie. C’est durant le règne d’Iaroslav le sage que le christianisme connaît un formidable essor. Si Vladimir est le laboureur, Iaroslav représente celui qui a planté et fait germer les graines dans la terre, analogie du peuple. Vers 1051-1054, des couvents apparaissent dans la capitale, ainsi que deux monastères, à savoir : Saint-George et Sainte-Irène. Les princes fondent à leurs tours plusieurs monastères et couvents. Cependant, le mont Athos reste le lieu de référence à l’étranger depuis le règne de Vladimir. A cette époque, le métropolite Hilarion se distingue en tant que prédicateur. Mais l’Eglise russe est encore trop jeune pour se détacher du patriarcat de Constantinople. Par conséquent, l’Église mère reste encore très influente sur Kiev de par son ancienneté. Des évêchés se créent jusqu’au XIIIe siècle parmi les principautés sur ordre des princes. Si l’Église dépend autant d’eux, c’est pour une raison économique : en effet, comptant peu de fidèles fortunés, elle doit s’en remettre aux princes.

Bien que le christianisme soit la religion officielle, la Russie n’est pas complètement évangélisée. Malgré une conversion multiséculaire, l’institution imposée par Vladimir reste très inégale. En effet, la religion touche essentiellement les classes supérieures, ce qui lui vaut un « aspect élitiste », compte tenu qu’il lui reste des relents de paganisme. Si nous prenons l’exemple de l’esclavage, celui-ci survécut, voire se consolida lors du processus de christianisation bien qu’il soit contraire aux préceptes de l’Église. De plus, le fait de dépendre d’un modèle extérieur rend la diffusion lente, et ne touche pas toute la Russie. C’est pourquoi l’évangélisation n’est que partielle ; prenons pour preuve l’absence d’hérésie lors de la christianisation. De plus, la Russie est en retard sur Byzance qui a évolué, et développé des mœurs religieuses. L’Église russe met alors en place des offices, et au XIe une liturgie est instaurée. L’idéal chrétien se base sur la notion de sainteté : dès lors, on qualifie d’impur tout ce qui touche au paganisme. Les reliques deviennent vite essentielles, bien qu’il n’y ait que peu de Russes canonisés, si ce n’est Boris et Gleb - bientôt suivis de Théodose des Grottes - qui suscitent une véritable « apologie du martyr » Mais les deux frères faisaient davantage partie du pouvoir princier que de l’Eglise russe, et le nombre restreint de saints russes « atteste de la faible expansion du christianisme. »
Peu à peu, la Russie se détache du modèle byzantin et développe ses propres coutumes. Depuis l’origine de la christianisation, les Varègues russes entretenaient une relation étroite avec Constantinople. Surtout, l’Église russe ne représentait pas une menace pour l’empire byzantin : « on ne considérait pas à Byzance les princes russes comme des souverains pouvant porter ombrage à l’autorité du Basileus. [3] » L’Eglise russe a également hérité d’influences autres que byzantines par sa conversion récente, et également en raison des contacts du prince avec l’Europe. Au XIIIe siècle, l’organisation ecclésiastique s’améliore, et les diocèses sont renforcés. Du côté politique, la Russie prémongole est indépendante.
L’expansion du christianisme en Russie construit des églises, mais également une culture écrite. Le choix de la langue s’avère cependant compliqué pour les premiers chrétiens de Kiev : si l’on avait recours au grec au début de la christianisation, c’est le vieux slave qui est adopté au XIe pour la liturgie. Il devient le fameux slavon russe. La culture écrite devient alors presque exclusivement religieuse, ceci même dans la littérature russe qui en fait son thème principal. Avec les écrits traduits du grec, une culture à la fois slave et byzantine naît dans la Rous de Kiev, et sert à promouvoir le christianisme. Comme les œuvres byzantines sont, à dessein, conçues pour être universelles, la Russie les adopte aisément.
En rendant intelligibles les textes sacrés écrits en slavon, Cyrille permet une nouvelle culture chrétienne, et même une « identité culturelle » qui se détache réellement du patriarcat de Constantinople. Jusqu’alors, on se remettait à l’art de Byzance, comme par exemple les mosaïques ; mais depuis cette identité trouvée, les artistes et les écrivains construisent eux-mêmes un art religieux, représentant le divin dans leurs œuvres.


Source : VODOFF, Vladimir, Naissance de la chrétienté russe, Paris, Fayard, 1988


[1VODOFF, Vladimir, Naissance de la chrétienté russe, Paris, Fayard, 1988.

[2Ibidem

[3Ibidem

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