mardi 23 juin 2015, par
L’insuffisance du nombre des LVT fut à l’origine du retard que prirent les opérations le 1er février, car les engins qui avaient servi au débarquement du 25e marines, la veille, étaient les mêmes qui devaient être utilisés par le 24e marines à Roi. Après avoir été reculée plusieurs fois pour permettre aux troupes de se réorganiser, l’heure H fut finalement fixée à 11 h 12. A cet instant, la première vague se mit en mouvement. Deux groupes d’assaut du 23e marines, à bord des véhicules amphibies d’un bataillon qui heureusement n’avait pas été engagé la veille, se dirigèrent sur Roi, suivis, de peu, par ceux du 24e marines dont les compagnies de tête étaient en LVT, le reste en canots.
Précédés d’un déluge de feu en provenance des destroyers et des LCIarmés de canons et de lance-fusées, les LVT (blindés en tête) purent atteindre la côte sans trop de pertes. Complètement étourdis par cette avalanche, les défenseurs ne purent opposer une résistance efficace et, peu après le débarquement, le commandant du groupement passa ce message au général Schmidt : « Ça gaze ! Pas de résistance sur la plage... Donnez le signal et nous prenons le reste de l’île. »
Ayant marqué un temps d’arrêt uniquement pour regrouper ses troupes dont certaines, des chars et de l’infanterie, étaient allées un peu loin dans leur ardeur à entrer en contact avec les Japonais et s’étaient aventurées sous le feu des bateaux amis, le colonel reprit sa progression à une allure plus régulière, ce qui l’amena à 18 heures au rivage opposé ; c’est alors que le général Schmidt déclara que l’île était définitivement occupée.
A Namu, la situation fut toute différente. Le terrain n’était pas du tout comparable. Au lieu des grands espaces de Roi, occupés principalement par les pistes d’atterrissage de l’aérodrome, l’île soeur était presque entièrement couverte de bois. Le bombardement préliminaire avait formé un amas inextricable de cocotiers abattus, de bâtiments démolis et d’ouvrages éventrés dont l’ensemble constituait d’innombrables cachettes où pouvaient se dissimuler les tireurs isolés et les derniers nids de résistance. Tandis que les groupes d’assaut du 24e marines (qui n’avaient pas rencontré de résistance sur la plage) progressaient vers l’intérieur, ils furent privés de l’appui des LVT blindés, bloqués dans les fossés antichars du rivage, dans le fouillis de la végétation et des tranchées. Toutefois, les chars furent bientôt débarqués et purent se frayer un chemin au milieu de cet enchevêtrement pour rattraper les fantassins.
Malgré l’opposition désespérée des défenseurs, le régiment avançait de façon satisfaisante quand un accident tragique se produisit. Une équipe de démolition lança une charge explosive dans un blockhaus rempli de cônes de torpilles... L’explosion qui suivit fut formidable, projetant vers le ciel « des troncs de palmier et des blocs de béton gros comme des containers », devait écrire un des témoins. Vingt marines furent tués sur le coup et une centaine blessés, mais l’attaque n’en fut interrompue que momentanément ; bientôt, des réserves arrivèrent pour maintenir le rythme de l’élan. Au crépuscule, le régiment tenait solidement les trois quarts de l’île, qui n’avait guère plus d’un kilomètre de large.
Après une nuit ponctuée de quelques contre-attaques japonaises, l’avance fut reprise le 2 février avec l’appui d’un certain nombre de chars supplémentaires venus de Roi par la chaussée qui relie les deux îles. Quant aux Japonais, réduits à des effectifs misérables, ils ne purent résister davantage et le général Schmidt, qui avait installé son P.C. à terre depuis la veille au soir, annonça, à 14 h 18, que Namu, à son tour, avait cessé toute résistance.
Au sud, les opérations se déroulaient avec un égal succès.
Le jour J, les débarquements préliminaires sur les petites îles voisines avaient permis d’assurer à la fois le chemin d’accès nécessaire pour atteindre le lagon et les positions requises pour l’artillerie. Dès que les quatre groupes d’obusiers de 105 et de 155 furent installés et commencèrent à ajouter leur feu à ceux des navires et dés avions, le résultat ne se fit pas attendre. Ce fut terrifiant. D’après un témoin, on eut l’impression « de voir une île qu’on aurait emportée à dix mille mètres de haut et qu’on aurait laissée tomber... ».
Le let février, après un bombardement préliminaire bien ajusté, sur le même modèle qu’à Roi-Namu — mais sans pagaille cette fois parmi les LVT — les 32e et 184e régiments d’infanterie abordèrent sur l’extrémité occidentale de Kwajalein. L’étroitesse de l’objectif — une plage d’à peine 800 mètres de large — obligea les troupes à se présenter en colonnes, un bataillon suivant l’autre, mais les deux régiments n’en réussirent pas moins à établir rapidement leur tête de pont et à l’élargir. Empêtrés dans d’épaisses broussailles et accueillis par une résistance sans cesse croissante d’un ennemi bien dissimulé, les soldats se contentèrent d’atteindre l’embryon d’aérodrome qui se trouvait au centre de l’île et se retranchèrent pour la nuit.
Dans l’obscurité, quelques Japonais, parmi les rares qui avaient survécu au bombardement et aux lance-flammes, s’avancèrent en rampant pour surprendre les premières lignes et les arrières des Américains. Les deux nuits suivantes, ce fut la même chose, si bien que les Américains n’avancèrent que très lentement, sans cesse accrochés tout au long des quatre kilomètres sur lesquels s’étend l’île en forme de croissant.
Quoi qu’il en soit, les Japonais, constamment pris à partie par l’artillerie, le feu des navires et les attaques aériennes, ne pouvaient tenir longtemps en face des hommes de la 7e division qui accentuaient leur poussée. A la fin, le 32e atteignit l’extrémité de l’île, le 4 février. Tout était liquidé, le général Corlett, qui s’était installé sur le rivage dès le ter, déclara que la mission était accomplie. Il était 16h 10.
Le 8 février, l’amiral Turner était en mesure d’établir le bilan de l’opération. Il s’était emparé d’une position stratégique essentielle en plein coeur des Marshall et y tenait solidement. Les bases japonaises « dépassées » allaient maintenant servir de cibles aux exercices de bombardement des équipages américains (elles ne valaient guère mieux). Dans la défense de Kwajalein, l’ennemi avait perdu 8 386 hommes — 3 563 au nord et 4 823 au sud. La 4e division de marines comptait 313 tués et 502 blessés ; la 7e division d’infanterie, 173 tués et 793 blessés. C’étaient là des résultats significatifs, comparés à ceux des Gilbert : les pertes de l’ennemi avaient doublé, celles des Américains avaient été réduites de moitié. Les hommes de Spruance avaient bien profité de la leçon !
Henry I. Shaw. Jr. Historia Magazine 1968
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