mardi 21 février 2017, par
Les années 1763-1774 voient la montée des oppositions coloniales face aux prétentions britanniques, marquées par une série de lois de nature fiscale, rapidement abrogées par le pouvoir central. Les résistances américaines au mercantilisme et à la politique fiscale de Londres dégénèrent parfois en émeutes et révoltes épisodiques encore peu menaçantes.
La guerre de Sept Ans (1756-1763) opposa les puissances européennes et vida les caisses de la Couronne britannique. À l’issue du conflit, la dette britannique liée à la guerre s’élevait à 317 000 000 £. Lord Jeffery Amherst, Commandant en chef des forces royales en Amérique du Nord, estimait à 10 000 le nombre de soldats nécessaire au maintien de la paix dans les territoires nouvellement acquis. Le gouvernement décida donc de garder dans les colonies une armée de plusieurs milliers d’hommes, dont le cout de maintien avoisinait les 300 000 £ annuels. Alors que les treize colonies étaient prospères, la Grande-Bretagne subissait une crise économique. Londres décida qu’une partie des frais de guerre et du maintien des troupes serait supportée par les colons américains.
La proclamation royale de 1763 avait trois principaux objectifs : organiser l’empire colonial britannique en Amérique du Nord et pacifier les relations avec les Amérindiens surtout après la révolte de Pontiac afin d’éviter la spéculation foncière. La Proclamation visait à apaiser les craintes indiennes d’une arrivée massive de paysans blancs sur leurs territoires. « La Frontière » attirait les migrants en quête de terres comme les Écossais suivis par les Allemands. L’épuisement des sols à l’est des Appalaches et la pression démographique accentuèrent la faim de terre des colons.
La Proclamation de George III interdisait aux habitants des treize colonies de s’installer et d’acheter des terres à l’ouest des Appalaches. La Couronne se réservait une partie du bois américain ainsi que le monopole dans l’acquisition des terres indiennes ; elle garantissait la protection des peuples indiens. Londres avait prévu la construction de forts britanniques le long de la limite de colonisation ; ce dispositif devait permettre le respect de la Proclamation mais aussi favoriser le commerce des fourrures avec les Indiens. Le gouvernement britannique estimait que ces avant-postes assuraient la défense des treize colonies et que leur financement revenait donc aux colons.
La Proclamation royale de 1763 souleva le mécontentement des colons américains qui s’étaient déjà implantés dans ces territoires indiens. Ils devaient rendre la terre et revenir dans les treize colonies. Certains étaient persuadés que le roi cherchait à les cantonner sur la bande littorale afin de mieux les contrôler. Les colons refusaient de financer la construction et l’entretien des avant-postes royaux sur la ligne définie par la Proclamation. L’éviction des Français du Canada en 1763 assurait la sécurité des treize colonies qui estimaient ne plus avoir besoin de la protection militaire britannique. Les Américains supportaient difficilement les armées permanentes britanniques dans les colonies, alors que la paix était revenue ; la présence des troupes était perçue comme un instrument de la tyrannie britannique.
Le 5 avril 1764, le Parlement britannique vota le Sugar Act : cette loi maintenait la levée de taxes sur le sucre et les mélasses importées de l’étranger, tout en les étendant à d’autres produits (de bois et de fer). Elle provoqua une crise dans la production de rhum et souleva le mécontentement des marchands américains. Quelques jours plus tard, le Currency Act interdisait l’émission de billets de banque dans les treize colonies et permettait à la métropole de contrôler leur système monétaire. Les assemblées coloniales protestèrent vivement contre cette mesure destinée à renforcer la primauté de la livre sterling.
Le Stamp Act (1765), instituait un timbre fiscal obligatoire pour tous les documents officiels, les journaux et d’autres articles. Cette loi affectait tous les colons et non plus seulement les marchands et ne fut guère appliquée en raison des résistances et des pressions américaines.
La Chambre des Bourgeois de Virginie adopta les résolutions de Patrick Henry sur le Stamp Act (Stamp Act Resolves). Elles déclaraient que les Américains possédaient les mêmes droits que les sujets britanniques, en particulier celui de ne pas être taxé sans le consentement de leurs représentants. Ceux qui soutenaient la prétention britannique de taxer les Virginiens seraient considérés comme ennemis de la colonie. Le gouverneur Fauquier préféra dissoudre la Chambre des Bourgeois en réaction à ces propositions radicales. Le 24 mars 1765, le Parlement édicta un premier Quartering Act qui exigeait des assemblées coloniales de pourvoir aux besoins des troupes armées britanniques. La décision provoqua une série d’émeutes dans les villes américaines comme Boston ou Newport (Rhode Island). La résistance fut la plus forte à New York : l’assemblée refusa de financer les troupes et fut suspendue en représailles en décembre 1766.
Vingt-sept délégués de neuf colonies se réunirent à New York du 7 au 25 octobre 1765 pour établir une position commune : le Stamp Act Congress adopta une Déclaration des Droits et des Griefs et envoya des lettres ainsi que des pétitions à Londres. Ces documents revendiquaient le pouvoir des assemblées coloniales en matière de taxation, mais aussi le droit des colons à être représenté au Parlement de Londres. Sous l’effet du boycott et des manifestations, le Stamp Act fut finalement abrogé le 18 mars 1766, sans régler la question de la représentation politique des Américains. Il fut remplacé par le Declaratory Act qui marquait un renforcement de l’autorité centrale au détriment des assemblées coloniales.
La crise entre les colonies et le Parlement se prolongea en 1767 avec les Townshend Acts, qui créaient une taxe sur les matières premières importées dans les treize colonies. Elles visaient à financer l’administration coloniale et à réduire le déficit budgétaire. Elles prévoyaient en outre un renforcement des contrôles douaniers. En juin 1768, le gouverneur du Massachusetts prononça la dissolution de l’assemblée : les autres colonies affirmèrent leur solidarité avec les représentants. Le 22 septembre, une centaine de délégués du Massachusetts se rassembla en convention. Londres envoya des troupes supplémentaires pour maintenir le calme à Boston. En mai 1769, devant la Chambre des Bourgeois de Virginie, George Washington lut la proposition de George Mason de boycotter les produits britanniques jusqu’à l’abrogation des Townshend Acts. Le gouverneur de Virginie interdit alors l’assemblée.
Le 5 mars 1770, au cours d’une violente manifestation dans le centre de Boston, les soldats britanniques tirèrent sur la foule. Cinq personnes trouvèrent la mort dans le « massacre de Boston ». Les journaux de la ville firent de l’événement le symbole de l’oppression britannique. La Grande-Bretagne abrogea les Townshend Acts en mars 1770, même si la taxe sur le thé fut maintenue.
Le Tea Act fut voté en mai 1773 afin de permettre à la Compagnie anglaise des Indes orientales de vendre son thé aux treize colonies sans acquitter de taxes. Cette loi avait pour but de rétablir les finances de la compagnie en renforçant son monopole, mais elle ruina les marchands indépendants.
Le 16 décembre 1773, au cours de la « Boston Tea Party », des colons déguisés en Amérindiens jetèrent plus de 300 caisses de thé par dessus les quais. En représailles, la Grande-Bretagne prit une série de mesures radicales destinées à rétablir l’ordre : le conseil du Massachusetts sera désormais choisi par le roi et les officiers seront nommés par le gouverneur. Le port de Boston fut fermé, les maisons inoccupées furent réquisitionnées pour héberger les soldats britanniques et la procédure judiciaire fut réformée. Ces nouvelles lois, appelées Intolerable Acts par les Américains et Coercive Acts ou Punitive Acts par les Britanniques, marquent une étape décisive dans le déclenchement de la révolution américaine.
Tout au long des années 1760-1770, les colons américains organisèrent la résistance et la protestation à la politique britannique. Ils menèrent des actions violentes et mirent en place des réseaux de solidarité, malgré la diversité et l’étendue des colonies. Les principaux foyers d’agitation furent Boston, New York, Philadelphie et la Virginie.
Des actions de plus en plus radicales
Les actions entreprises contre le pouvoir britannique prirent des formes de plus en plus radicales et organisées. Le recours au boycott et aux pétitions dès 1764 à Boston, fut l’une des solutions les plus efficaces contre le pouvoir britannique. De nombreux journalistes et juristes mirent leur plume au service de la cause américaine : l’avocat James (1725 – 1783), à qui l’on attribue généralement la célèbre formule « Taxation without Representation is Tyranny », rédigea plusieurs pamphlets contre la politique coloniale de Londres. En 1764, il publia Défense et démonstration des droits des colonies britanniques dans lequel il défendait les droits imprescriptibles et universels des colons en invoquant le philosophe britannique John Locke. En 1767, un autre avocat, John Dickinson, publia les Lettres d’un fermier de Pennsylvanie aux habitants des colonies britanniques dans lesquelles il présentait les raisons du mécontentement américain et qui eurent un grand retentissement. En 1770, Paul Revere réalisa des gravures de propagande du massacre de Boston (« massacre sanglant de King Street »). En 1770, à New York, Alexander McDougall publia un libelle antibritannique et fut emprisonné. La période fut également marquée par des débats passionnés dans les assemblées coloniales : en mai 1765, Patrick Henry prononça un discours véhément devant la Chambre des Bourgeois de Virginie qui réclamait la mort du roi de Grande-Bretagne.
Au cours des années 1764-1774, les manifestations se succédèrent pour réclamer l’abrogation des actes. Les violences, au départ sporadiques et limitées, se multiplièrent contre les représentants de l’autorité britannique. Les émeutes urbaines s’en prenaient le plus souvent aux gouverneurs, mais aussi aux agents de douanes et des impôts, dont certains préférèrent démissionner. La foule pouvait utiliser le supplice du goudron et des plumes. En 1765 les émeutiers pendirent et brûlèrent une effigie d’Andrew Oliver, un agent du timbre de Boston. Son bureau fut incendié et sa maison pillée, tout comme celle du gouverneur Thomas Hutchinson. La violence toucha les loyalistes : en 1768-1770, les opposants collaient des affiches injurieuses comportant l’accusation d’« importateur » sur les magasins de ceux qui refusaient de boycotter les produits britanniques. En 1772, une goélette britannique chargée de contrôler les navires marchands est incendiée par des patriotes au large du Rhode Island : c’est l’affaire du Gaspée. En janvier 1774, John Malcom, un officier des douanes de Boston, est forcé d’avaler du thé bouillant, fouetté, passé au goudron et aux plumes.
Les Fils de la Liberté, une organisation secrète d’opposants américains formée en 1765, mena différentes actions allant de la rédaction de pamphlets à l’édification de poteaux de la Liberté. Le profil sociologique des Fils de la Liberté n’était pas uniforme : on trouvait aussi bien des avocats que des ouvriers. Les représentants les plus importants de ce mouvement étaient Paul Revere, Thomas Young, Joseph Warren, Patrick Henry, John Hancock, James Otis, John Adams et son cousin, Samuel Adams, qui fut le meneur de la rébellion en Nouvelle-Angleterre.
Progressivement, les acteurs de la contestation politique cherchèrent à coordonner leurs actions. À la fin de l’année 1772, après l’affaire du Gaspée, Samuel Adams réfléchit à la mise en place des comités de correspondance (Committees of Correspondence). Ils permettraient d’établir un réseau entre les associations des patriotes américains et de relayer les appels au boycott des marchandises britanniques. Au début de l’année suivante, la Virginie se dota du premier comité, auquel participèrent Patrick Henry et Thomas Jefferson. Des comités de sécurité (Committee of Safety) furent créés par la suite afin d’assurer l’exécution des résolutions prises par les comités de correspondance et par le Congrès continental.
Au début de l’automne 1774, les treize colonies envoyèrent des députés pour former des assemblées inter-coloniales : d’abord le Stamp Act Congress, puis les Congrès provinciaux (Provincial Congress). En 1774, à la suite des Intolerable Acts, les Bostoniens lancèrent un appel à la solidarité des autres colonies. Au mois de juin, les assemblées du Massachusetts et de Virginie furent dissoutes par les gouverneurs. Joseph Galloway de Pennsylvanie proposa la création d’une chambre bicamérale composée du Parlement de Londres et d’une assemblée nationale américaine. Les décisions budgétaires ne pourraient être entérinées qu’avec l’aval de cette dernière. Cinq États votèrent en faveur de cette proposition, six contre et l’idée de compromis était abandonnée.
L’ultime étape, qui marqua le passage de la contestation à la révolution66, fut celle du Premier Congrès continental, acte éminemment illégal du point de vue de la métropole : il créa une assemblée politique indépendante, dont le premier but était de coordonner l’action des colonies contre la métropole, avant de se transformer en véritable instrument de gouvernement67. Dès le mois de septembre 1774, les Américains utilisèrent le mot « états » pour désigner les treize colonies d’Amérique.
En octobre 1774, le Congrès continental de Philadelphie exigea la reconnaissance des libertés américaines : il mit en place une Association continentale chargée d’organiser les comités de surveillance ainsi que le boycott des produits britanniques jusqu’à l’abrogation des Intolerable Acts. Le Congrès rédigea une Adresse au peuple de Grande-Bretagne et envoya une pétition au roi. L’assemblée appela les Canadiens à rejoindre les insurgents dans la rébellion, en vain : le Canada resta fidèle à Londres et accueillit même les loyalistes américains dans ce qui deviendra par la suite le Haut-Canada. Alexander Hamilton appela les Antilles britanniques à se révolter. Enfin, les délégués du Congrès continental décidèrent la tenue d’un Second Congrès continental pour le 10 mai 1775.
sources wikipedia
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