jeudi 2 avril 2015, par
Après le parachutage du 20 novembre, Dien Bien Phu deviendra rapidement une zone fortifiée, capable de recevoir 12 000 combattants. Mais pourquoi avoir choisi un tel endroit ? Parce que le commandement français perd patience. Engagé dans une guerre avec l’armée révolutionnaire du Vietminh depuis le 19 décembre 1946, il a absolument besoin d’une victoire spectaculaire. Il a donc choisi d’occuper Dien Bien Phu, à plus de 300 km à l’intérieur du territoire tenu par l’ennemi.
A Saigon, le commandement n’est pas bien fixé sur le rôle que Dien Bien Phu sera appelé à jouer. Sera-ce un centre de recueil pour la garnison de Lai Chau ? Ou un hérisson dans une position stratégique essentielle ? Ou une base de départ pour une offensive, comme le déclare le général Cogny ? Peut-être est-ce un piège tendu aux troupes du général Giap ? Ce pourrait être aussi un abcès de fixation avant une offensive sur le delta du fleuve Rouge...
Avant d’être remplacé par le général Navarre, le général Salan, commandant en chef du Corps Expéditionnaire Français en Indochine, avait déclaré que le Laos ne pouvait être défendu qu’en tenant Dien Bien Phu, Na San ou Lai Chau. Navarre le critiquera sévèrement d’avoir choisi de fortifier Dien Bien Phu, situé dans un fond de vallée.
Navarre, toutefois, voyait dans cette cuvette de 16 kilomètres de king sur 9 de large une base idéale d’où il pourrait monter des opérations. 11 estimait l’ennemi incapable d’investir les fortifications de Dien Bien Phu et de bombarder sa piste d’aviation par artillerie à partir des collines avoisinantes, distantes de 16 kilomètres.
Pendant un certain temps, Dien Bien Phu devient presque un lieu touristique que visitent de nombreuses personnalités françaises et étrangères, politiques ou militaires. De tous côtés, le camp retranché n’attire que des éloges. Un homme, le général Blanc, émet cependant des réserves sur son efficacité en période de mousson. On ne tint aucun compte de son avis.
Au nombre des visiteurs, on note le général Spears, attaché militaire britannique, le haut-commissaire Malcolm McDonald, plusieurs généraux américains, parmi lesquels John O’Daniel, commandant les Forces terrestres des Etats-Unis dans le Pacifique. Aucun de ces personnages, pourtant hautement compétents, ne met en question la capacité de Dien Bien Phu de résister à une attaque.
Les chefs militaires français sont frappés de cécité presque totale ; et pourtant on est au courant des mouvements et des possibilités des forces adverses.
Navarre a donc mis le système en place, et Giap va en tirer parti. Le conseil deguerre du Vietminh analyse soigneusement la situation créée à Dien Bien Phu par les parachutages français du 20 novembre. Il donne l’ordre à la 316’ division d’attaquer Lai Chau pour contraindre sa garnison à se replier sur le camp retranché. Mais le même mois de décembre 1953, le commandement français devance les plans du Vietminh. Les troupes de Lai Chau sont évacuées par air en 183 rotations, quatre jours avant l’arrivée des Viets. A Dien Bien Phu, les actions offensives et les missions de reconnaissance ordonnées par le général Cogny commencent à coûter cher. Deux opérations, baptisées « Ardèche » et « Régate », sont entreprises par un groupement de parachutistes sous les ordres du lieutenant-colonel Langlais.
Les paras quittent la base pour faire leur liaison avec l’infanterie légère laotienne et des Tabors marocains venant du Laos. Le point de rencontre est fixé aux environs de Sop Nao, dans une région montagneuse, recouverte d’une jungle épaisse, parfaitement propice aux embuscades. Le groupement est harcelé par un ennemi très mobile ; les pertes sont si lourdes qu’on abandonne bientôt ces raids à long rayon d’action ; les efforts vont désormais porter sur les collines qui entourent le site de Dien Bien Phu lui-même.
Dans le camp retranché, on apprend du 2’ Bureau que les 351’, 308’ et 312’ divisions font mouvement vers Dien Bien Phu. Giap mobilise rapidement ses forces et la garnison française se prépare à soutenir un siège. Les spécialistes du génie évaluent à 36 000 tonnes la quantité de ravitaillement en matériel qui sera nécessaire à l’organisation du terrain. Cela exigerait 12 000 rotations de Dakota à partir de Hanoi. C’est irréalisable. Le génie n’obtient que 4 000 tonnes, dont 75 % en fil de fer barbelé !
En fait, la bataille que se livrent, tout d’abord, Français et Vietminh est une bataille logistique. Et le commandement français va la perdre. Le Vietminh reporte soigneusement sur la carte tous les travaux de fortification de la position, car il les voit clairement des hauteurs environnantes. La plus petite tranchée se détache nettement sur le sol nu. Quant aux occupants de la base, ils n’aperçoivent rien des mouvements ennemis, tant la jungle est dense. Ils ignorent que 55 000 réguliers et auxiliaires locaux les encerclent. Les forces de Giap ont ouvert à travers la végétation cinq routes en direction de Dien Bien Phu. Elles sont parcourues, de nuit, par 600 camions russes de 2,5 tonnes, circulant tous feux éteints.
Sans doute, les attaques aériennes françaises sur les cols de Lung Lo et de Phadin ont-elles été réussies. Mais la circulation n’a jamais été interrompue très longtemps.
Des milliers de coolies travaillent jour et nuit à maintenir en état les axes de ravitaillement. En outre, sur les pistes, des animaux de bât, des mulets et des convois de bicyclettes, chargés chacun d’une centaine de kilos, convergent vers le champ de bataille. Rien ne peut arrêter cette procession de fourmis humaines. De son côté, le camp retranché ne peut compter que sur le transport aérien, et tout doit venir de Hanoi.
Dix chars M24 Chaffeesont démontés, chacun d’eux demandant cinq C47 et deux Bristol pour être enlevés. On transporte ainsi à Dien Bien Phu des canons de 105 et de 155 mm, des rations pour 11 000 hommes, des groupes électrogènes, des purificateurs d’eau... Mais l’aviation, même avec l’aide des C119 fournis par les Américains, ne pourra satisfaire les demandes.
La puissance de l’artillerie de Giap, déployée autour de Dien Bien Phu, est impressionnante. La veille de l’attaque, les assiégeants disposent de 144 canons de campagne (75 et 105 américains), de 48 mortiers lourds de 120 mm, de 30 canons de75 mm sans recul et de 36 pièces d’artillerie antiaérienne de 37 mm. Au cours de la bataille, 12 lance-roquettes à six tubes Katyusha entreront en action. L’effort physique a dû être énorme pour tirer à bras d’homme ces engins jusqu’à leurs positions, sur des pentes mouillées et glissantes.
Le jour J, Giap possède un stock de projectiles bien plus considérable que les assiégés ne pouvaient l’imaginer. Du 13 mars au 8 mai 1954, ses canons tireront environ 150 000 obus, dont 30 000 coups de 105 environ.
De son côté, l’artillerie française aura besoin d’un pont aérien d’une incroyable ampleur pour ravitailler ses pièces. Un total de 95 000 obus de 105 et 8 500 de 155 sont parachutés sur la base. Mais un certain nombre tombe au-delà de son périmètre qui se restreint de plus en plus.
Dans le camp retranché, les Français disposent de six batteries (24 canons) de 105 mm, d’une batterie d’obusiers de 155 mm et de 32mortiers lourds de 120 mm.
Le colonel Piroth, commandant l’artillerie, estime que ces moyens suffisent à stopper toute attaque d’infanterie ennemie et à faire de la contrebatterie efficace. Il affirme : « Aucun canon vietminh ne tirera plus de trois coups sans être détruit. » La puissance de l’artillerie adverse, sa richesse en munitions, la compétence de ses servants et l’efficacité de son camouflage sont ainsi complètement sous-estimés.
Contrairement à toute attente, les canons du Vietminh sont servis par d’excellents pelotons de pièces, instruits dans des camps du sud de la Chine. Leur tir est dirigé et contrôlé par des observateurs ayant une vue complète du terrain d’aviation et des batteries françaises non protégées. Dès le premier jour de l’attaque, leur puissance et leur précision traumatiseront les assiégés dont les actions de contrebatterie seront désordonnées et sans effet.
C’est que les 105 du Vietminh sont impossibles à localiser et pratiquement invulnérables. Ils sont bien enterrés dans leurs alvéoles, bien que cela restreigne leur champ de tir et rende leur maniement plus difficile. D’autre part, l’ennemi a installé des canons factices trompant régulièrement les observateurs.
sources : Connaissance de l’histoire ed hachette 1982 article de Charles Meyer
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