lundi 10 décembre 2007, par
Il est mince, noueux, de taille moyenne, et entre le calot et la pipe qui quitte rarement ses lèvres, le nez fort et busqué trahit l’homme de caractère comme son regard, acéré, attentif, oeil de rapace, trahit l’homme de guerre. Il s’appelle Antoine-Marie-Pierre Charton, il est lieutenant-colonel d’infanterie et légionnaire. En octobre 1950, au moment où ce Jurassien de Poligny, saint-cyrien de la promotion 1923-1925 « Chevalier Bayard », rencontre son destin, il est âgé de 47 ans. Depuis le 17 juillet 1950, il commande le sous-secteur autonome de Cao Bang.
Cao Bang est une petit ville de la Haute-Région du Tonkin, qui lors de la seconde guerre mondiale et sous l’occupation japonaise comptait quatre à cinq mille habitants. C’était alors une cité souriante et pittoresque, couverte de rosiers et de jardins potagers, nichée sur une presqu’île au confluent de deux rivières, le Song Bang Giang, large, profond et dangereux par ses inondations et le Song Hiem, plus pacifique.
Juchée sur une hauteur dominant la ville, une citatelle vérouille la presqu’île. Elle a été modernisée au début de la guerre 19391945 sur le modèle de la ligne Maginot. Des centaines de mètres de souterrain truffent son sous-sol à 7 mètres de profondeur avec ses puits, ses châmbres de repos, son infirmerie et son dépôt de munitions.
Cao Bang est un important carrefour routier et surtout un noeud stratégique clé à la frontière chinoise. La ville contrôle la route coloniale 4 - la célèbre R.C.4, bientôt universellement connue sous le nom de Route de la Mort - qui longe la frontière chinoise. La route mène, au sud, vers DongKhé, That Khé, Langson et Moncay et, au nord-ouest et à l’ouest, vers Lao Kay et plus loin vers une cuvette encore inconnue qui a nom Dien Bien Phu.
Depuis une dizaine d’années, Cao Bang n’est plus la cité souriante aux airs de sous-préfecture méridionale qui servait de capitale au 2e Territoire militaire.
Les Japonais ont pris la ville en 1942. Les Chinois l’ont investie en 1945. Après la fin du second conflit mondial, la France récupère ses anciennes colonies. En se retirant pour laisser la place aux forces françaises, les Chinois font sauter la citadelle. Mais avec ses souterrains qui sont intacts et ses postes de tir faciles à remettre en état, elle reste redoutable. Ses feux protègent efficacement le terrain d’aviation implanté en dé-hors de la presqu’île, sur la rive gauche du Song Bang Giang. Junkers et Dakotas mettent Cao Bang à une heure d’avion d’Hafol.
Par la route, cette liaison demande plusieurs jours. La R.C.4 suit la frontière sinotonkinoise sur 320 km. De Moncay à Tien Yen, elle longe le littoral, puis elle s’enfonce dans la zone montagneuse de Day et du Viet Bac. C’est à Tien Yen qu’arrivent, par mer, les approvisionnements destinés à la zone frontière, les convois routiers se forment à Khe Tu avant de prendre le chemin de Cao Bang pour un périple de 240 km, qui dure trois jours. Les gîtes d’étapes sont installés à Langson et à That Khé. Retenez bien ces noms.
De Langson à Cao Bang, la R.C.4 -n’imaginez pas une large route goudronnée à deux ou quatre voies : le plus souvent ce n’est qu’une piste caillouteuse pas toujours large de 4 mètres - est constituée en majorité de cols, défilés, virages, lacets, côtes, descentes et tunnels, dominée par des hauteurs boisées couvertes d’une végétation luxuriante. Les véhicules ne peuvent s’y doubler. Les destructions opérées par le Viet-minh, notamment sur les ouvrages d’art, obligent à des dérivations ou à des passages à gué extrèmement dangereux.
C’est dans ce cadre, à la fois exotique et menaçant que va se dérouler la tragédie.
Sources "Connaissance de l’histoire" Hachette 1982
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