lundi 10 décembre 2007, par
Avec l’ensemble de ses merveilles, l’Exposition offrait un spectacle qui eût été malaisément égalé. Elle attira les peuples. Mais surtout elle attira les princes et les rois.
Ils y vinrent tous. Les premiers que l’on vit furent le roi et la reine des Belges, la reine de Portugal, la grande-duchesse Marie de Russie, le prince Oscar de Suède ; puis débarqua le prince de Galles, et aussi un jeune prince japonais, fils du Taïcoun.
Tout d’abord les réjouissances ne laissèrent pas que d’être un peu troublées. Les sons belliqueux se percevaient encore, quoique par vibrations de plus en plus affaiblies. Bientôt on annonça le prochain voyage et de l’empereur Alexandre et du roi Guillaume. A cette nouvelle, la sécurité fut complète. Comment n’eût-on pas compté sur la paix ! Les seuls qui la pussent troubler allaient devenir nos hôtes.
Le tsar arriva le l" juin. Aucune pompe officielle ne manqua à la réception. Pourtant l’accueil fut convenable plutôt que chaleureux. On se souvenait de la Pologne et de ses infortunes. Après une halte aux Tuileries, le monarque fut conduit dans le même appareil somptueux jusqu’au palais de l’Élysée, qui lui servirait de demeure. Le soir venant, le prince se hâta de dépouiller son uniforme et se rendit au théâtre des Variétés.
Là se jouait une pièce, La Grande-Duchesse
de Gérolstein, dont on parlait jusqu’aux bords de la Néva.
Ce fut dès lors une succession de fêtes. Le 2 juin, visite de l’Exposition ; le 3, courses à Longchamp ; le 4, banquet aux Tuileries et représentation de gala à l’Opéra. Cependant la joie se mêlait d’angoisses. Cette année fut bien celle des contrastes. Le jour même où Alexandre était entré dans Paris, on avait su, à n’en plus douter, que Queretaro avait succombé, que Maximilien, prisonnier sans conditions, n’avait plus rien à espérer que de la clémence de ses ennemis.
Une autre image importune poursuivait le tsar, celle du peuple qu’il avait naguère si rudement châtié. Comme il se rendait à l’hôtel de Cluny, il avait pu percevoir, à travers les rumeurs de la foule, des protestations assez distinctes en faveur de la Pologne. L’incident se reproduisit au palais de justice. Du milieu d’un groupe d’avocats un cri très retentissant partit :
– Vive la Pologne !
– A la porte ! crièrent d’autres voix qui s’adressaient aux manifestants.
Par malheur, le prince et ceux qui l’entouraient prirent pour eux la seconde exclamation aussi bien que la première. Il arriva donc que ce qui eût dû réparer l’injure l’aggrava ; et le tsar revint à l’Élysée fort irrité.
Le roi Guillaume manquait à la réunion des souverains. Le 4 juin, il quitta Berlin. Le lendemain, à quatre heures, il atteignit Paris. Au débarcadère l’attendait le neveu de celui qu’il avait contribué à abattre, l’homme que, trois ans plus tard, il devait lui-même détrôner. Malgré les anciens souvenirs et les démêlés récents, l’abord fut de part et d’autre sans contrainte.
Longtemps M. de Bismarck avait hésité à accompagner son maître. Cependant la rumeur lui était revenue que ses perplexités s’attribuaient à la peur. Jaloux de démentir l’imputation, il avait aussitôt décidé son départ et avait annoncé à M. Benedetti sa résolution. Dans le cortège, il occupait la seconde voiture, derrière le carrosse royal.
Pour le roi Guillaume, aucun spectacle ne valait une revue. On en avait préparé une, et telle qu’elle demeurerait mémorable.
Elle avait été fixée au 6 juin.
A midi, toute l’armée, sous le commandement du maréchal Canrobert, avait pris ses positions. Les journaux officieux de l’époque ont estimé cette force à 60 000 hommes bien qu’il soit malaisé d’évaluer les troupes en masse, il paraît probable que l’effectif réel ne dépassa guère 35 000 hommes.
Toutes ces fêtes militaires se ressemblent. Celle-ci échappe à l’ordinaire banalité, car elle montra pour l’une des dernières fois l’ancienne armée française avec toutes les superfluités de sa parure, avec toutes ses coquetteries onéreuses et charmantes. Les régiments d’infanterie défilèrent dans l’ordre d’autrefois, avec les sapeurs à la barbe épaisse, au long tablier blanc, au large bonnet à poil ; avec le tambour-major tout doré, tout empanaché ; avec les cantinières à la jupe d’un rouge écarlate ; avec les compagnies d’élite, grenadiers aux épaulettes rouges, voltigeurs aux épaulettes jaunes, qui, en avant. et en arrière, ouvraient et fermaient chaque bataillon.
Le Journal de la France Tallendier 1970 article de Pierre de la Gorce
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