lundi 10 décembre 2007, par
La cavalerie offrait un spectacle plus varié encore par le pittoresque mélange des sabretaches, des aiguilles, des aiguillettes, des coiffures de toute sorte. On vit passer les carabiniers à la cuirasse ornée d’un soleil doré, les lanciers à l’étrange schapska, qui rappelaient les régiments polonais du Premier Empire, les dragons à l’habit vert et au plastron blanc, puis ce fameux régiment des guides qui, avec ses étourdissantes fantaisies, ses profusions, ses raffinements, incarnait en lui toutes les frivoles splendeurs, tous les entraînements désordonnés, toutes les prodigalités du Second Empire.
A quatre heures, la revue était terminée.
L’empereur et ses augustes hôtes avaient rejoint les voitures. Dans l’une d’elles, l’impératrice partit d’abord ainsi que le roi de Prusse. Dans une autre calèche découverte prirent place l’empereur, le tsar et les grands-ducs. L’avenue de Longchamp, l’avenue de la Grande-Cascade étaient tellement encombrées qu’on n’y pouvait à peine avancer.
Napoléon donna l’ordre d’incliner vers la droite et de prendre une autre voie. A l’un des carrefours, c’est-à-dire au point d’intersection de la route de la Vierge et de la route des Réservoirs, on vit un homme, qui était à l’un des premiers rangs de la foule, se frayer un passage, &tendre le bras, braquer une arme ; au même instant on entendit la détonation d’un coup de pistolet tiré sur la voiture impériale. Cependant l’un des écuyers qui étaient à la portière, M. Raimbeaux, avait surpris le mouvement de l’inconnu. Instinctivement, et sans bien se rendre compte de l’attentat, il poussa en avant son cheval. Celui-ci reçut la décharge à travers les naseaux et, de son sang, éclaboussa l’un des grands-ducs.
La vue du sang fit croire d’abord que l’un des princes était blessé, et, pendant un moment, l’anxiété fut terrible. D’un geste, Napoléon rassura ceux qui l’entouraient. Puis, s’adressant au tsar :
– Sire, lui dit-il, nous avons vu le feu ensemble ; nous voilà frères d’armes.
– Nos jours sont entre les mains de la Providence, répondit froidement Alexandre.
Au milieu des acclamations, les souverains continuèrent leur route vers Paris. Déjà les assistants s’étaient emparés de l’assassin et la police eut grand-peine à le leur arracher. C’était un jeune Polonais du nom de Berezowski. Il avait voulu, disait-il, atteindre l’empereur de Russie et venger sur lui les malheurs de son pays. La France était trop à la joie pour que le nuage ne glissât pas rapidement. Les réjouissances se continuèrent avec un redoublement d’éclat. Le 8 juin on dansa à l’Hôtel de Ville, le 10 juin aux Tuileries. A ces réceptions, le représentant d’une seule puissance manqua, celui de l’Autriche. La dynastie de François-Joseph ployait alors sous les malheurs de famille. Une archiduchesse était folle ; un archiduc attendait en prison le bon plaisir des ennemis.
Voici qu’une autre archiduchesse, l’archiduchesse Mathilde, au moment où elle s’apprêtait pour le bal, avait laissé tomber sur sa robe une étincelle : la toilette légère s’était enflammée et la jeune princesse venait de succomber.
La princesse de Metternich a donné hier à danser, écrivait le 29 mai l’un des contemporains. Vraiment, je l’admire et elle a un courage de lion. Cependant, en face de tant d’infortunes, ce courage de lion » avait enfin dû céder et, pour un temps, l’ambassade s’était fermée.
Le Journal de la France Tallendier 1970 article de Pierre de la Gorce
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