jeudi 10 septembre 2015, par
On pouvait difficilement douter, en mars 1943, que la Bataille de l’Atlantique n’eut atteint son apogée et que, dans les trois ou quatre mois qui suivraient, l’un des deux adversaires ne dut glisser vers la défaite. L’amiral Dônitz jouait ses dernières cartes. Sa flotte comprenait 240 sous-marins. Il n’en concentrait pas moins de 112 dans l’Atlantique nord. Grisés par leur succès et hautement entraînés, les commandants de ces sous-marins étaient capables, de par la nature même de la bataille, d’en dicter les conditions. Presque sans exception, les meutes de U-boote furent concentrées dans les zones où ne pouvaient opérer les escortes aériennes. C’est là qu’ils récoltaient la plus grosse partie de leur sinistre butin.
En mars, les porte-avions, libérés enfin de leur mission envers les convois de l’opération « Torch », retournaient dans l’Atlantique avec les groupes de protection. On pouvait enfin y faire la chasse aux sous-marins et en venir à bout. En même temps, deux autres événements apportaient une contribution notable à la bataille. Usant de son autorité en tant que commandant en chef des forces américaines, le président Roosevelt ajoutait sa contribution en livrant son avion Liberator dont le champ d’action était très grand. A la fin de mars, une vingtaine de ces avions opéraient dans l’Atlantique nord. Vers le milieu d’avril, le nombre de ces appareils se montait à 41. C’était encore trop peu pour couvrir les besoins essentiels, mais c’était au moins une promesse d’amélioration.
L’autre contribution fut apportée par les savants. Ils venaient de créer un radar à petites ondes qui pouvait déceler des obstacles beaucoup plus petits et contre lesquels les récepteurs, dont étaient équipés les sous-marins allemands, ne pouvaient rien. De nombreux escorteurs de surface en furent équipés vers la fin de 1942 et au début de 1943. Il devait permettre un contact bien meilleur avec les sous-marins et présentait en plus l’avantage que ces derniers ne savaient plus qu’ils avaient été détectés. Ce nouveau radar pouvait également être fixé sur les avions, mais d’autres priorités dans la R.A.F. ralentirent son avènement à la Défense côtière.
Au début de mai, une autre gigantesque bataille de convois fut livrée. Elle fournit la première occasion de tester l’efficacité des groupes de protection et des escortes aériennes discontinues. Un convoi fut retardé et quelque peu éparpillé à cause d’une violente tempête au sud du Groenland, région réputée pour sa grande concentration de sous-marins. Une meute de 12 d’entre eux se concentra autour du convoi. C’était le genre de situation pour lequel les groupes de protection avaient été formés. Deux de ces groupes furent envoyés du port de Saint John, en Nouvelle-Écosse, alors que le convoi s’approchait de la zone dangereuse. Ils furent eux aussi retardés par la tempête qui avait dispersé le convoi. Avant leur arrivée, les sous-marins avaient déjà coulé 5 navires au cours de la nuit, et 4 autres le jour suivant. L’un des escorteurs du convoi, la corvette Pink, avait néanmoins attaqué et coulé le U-192.
Les deux groupes rejoignirent le convoi le soir même et, pour la première fois, les U-boote se heurtèrent à la pleine application des nouvelles contre-mesures alliées. Comme le convoi se regroupait après avoir été ébranlé par la tempête, les sous-marins renouvelèrent leur attaque. Mais chacun d’entre eux fut détecté et éloigné avant qu’ils n’aient pu causer aucun dommage aux navires marchands. Le HMS Loosestrife détecta le U-638, le prit en chasse et le coula. Le destroyer. Vidette repéra le U-125, grâce à son asdic, le toucha d’un coup de « hérisson » et le coula. L’Oribi pilonna le U-531 et le détruisit. Quant à l’aviso Pelican, il détecta le U-438 dont il vint rapidement à bout. Les avions opérant au-dessus du convoi eurent raison de 2 autres sous-marins : le U-710 détruit par un appareil de la Défense côtière et le U-630, par un avion de la Royal Canadian Air Force. Mais la coupe n’était pas encore pleine pour les Allemands car, dans l’obscurité, les deux sous-marins U-659 et U-439 devaient entrer en collision et sombrer tous les deux.
La défaite était sévère pour les U-boote. Une défaite au cours d’une campagne ne veut pas obligatoirement dire victoire pour l’autre camp. Pourtant, le destin des convois qui suivirent devait prouver, en fait, que cette victoire n’était pas un feu de paille. Le convoi suivant perdit 3 de ses éléments mais il en coûta à l’ennemi 3 de ses sous-marins. Le convoi lent qui effectuait son passage au même moment, perdait 2 de ses navires tandis que 2 U-boote étaient coulés et que certains autres étaient endommagés sérieusement. Des deux convois qui suivirent, le résultat fut encore plus dramatique. Le convoi lent atteignit l’Angleterre sans déplorer aucune perte, mais dans son sillage reposaient les coques brisées de U-954, U-258, U-209, U-273 et U-381. Le convoi rapide arriva également intact, mais le U-752 avait rejoint ses frères au fond de l’Atlantique.
Encore plus impressionnant, pourtant, furent les chiffres d’avril à juillet. En avril, alors que l’ensemble du nouveau système d’escorte en surface et dans les airs prenait à peine son rythme, les sous-marins coulaient 245 000 tonnes de navires alliés et perdaient 15 de leurs éléments. En mai, ils coulaient 165 000 tonnes contre un tribut de leur part de 40 sous-marins. En juin, les chiffres furent de 18 000 tonnes seulement pour 17 sous-marins, et en juillet, 123 000 tonnes contre 37 sous-marins allemands.
Et ce n’est pas tout... La Défense côtière menait une offensive séparée dans les principales zones de transit des sous-marins en provenance et en direction de l’Atlantique. Utilisant le radar nouveau, des grenades sous-marines réglées pour exploser à faible profondeur, et des projecteurs spéciaux pour illuminer les U-boote détectés la nuit, ils en coulèrent 13 de plus au cours des mois d’avril et de mai, profitant d’une erreur tactique de l’amiral Dônitz qui avait ordonné à ses sous-marins de se rendre dans leurs zones opérationnelles, en surface, et d’y combattre les avions qui les attaqueraient. Contre les nouvelles armes alliées, ils avaient peu de chances de succès.
Il est peu surprenant que, devant des pertes de cette importance, le moral des Allemands se soit mis à faiblir. C’était un renversement stupéfiant des tendances de la bataille. Il avait suffi de cinq semaines, depuis le début de l’offensive, pour obliger les sous-marins, au sommet de leur puissance et de leurs succès, à se réfugier dans des eaux moins dangereuses pour continuer leurs opérations. Pendant près de trois mois, après les combats décisifs du mois de mai, l’océan s’était vidé de ces sous-marins. Même lorsqu’ils y retournèrent, jamais aussi nombreux toutefois, il était évident que leurs commandants avaient perdu leur volonté d’attaquer.
sources Connaissance de l’histoire n°1 Hachette mars 1978
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