dimanche 8 avril 2007, par
Conjuration des bannis syracusains (printemps 212)
Pendant que les Romains pressaient le plus vivement le siège de Capoue, celui de Syracuse fut terminé par la constance et le courage du général et de l’armée, que seconda la trahison de quelques habitants.
En effet, au commencement du printemps, Marcellus avait hésité s’il tournerait ses armes contre Agrigente où commandaient Himilcon et Hippocrate, ou s’il continuerait le siège de Syracuse. Il voyait bien que cette ville était imprenable par la force, à cause de sa situation sur terre et sur mer, et par la famine, parce qu’elle tirait presque sans obstacle ses convois de Carthage. Cependant, pour ne rien négliger, il s’adressa, parmi les transfuges syracusains qui étaient dans son camp, aux personnages du plus haut rang, que leur éloignement pour les idées nouvelles avait fait bannir de leur patrie au moment de la défection ; il les engagea à sonder les dispositions de leurs partisans et à leur promettre, s’ils lui livraient Syracuse, la conservation de leur liberté et de leurs lois.
Il n’était pas facile d’avoir des conférences, parce que le grand nombre des suspects tenait tous les yeux ouverts, toute l’attention fixée sur eux, et que l’on était en garde contre toute tentative de cette nature. Un esclave des exilés parvint à s’introduire dans la ville comme transfuge, s’aboucha avec quelques partisans des Romains, et entama ainsi la négociation. Ensuite, plusieurs d’entre ces derniers, cachés sous des filets, dans des barques de pêcheurs, se rendirent au camp et eurent des entretiens avec les transfuges ; d’autres les imitèrent, puis d’autres encore ; enfin ils se trouvèrent au nombre de quatre-vingts. Déjà toutes les mesures étaient prises pour la trahison, lorsque le projet fut révélé à Épicyde par un certain Attalus, de dépit de n’avoir pas été mis dans le secret. On les fit tous expirer dans d’horribles tortures.
Une nouvelle espérance succéda bientôt à celle qui venait de s’évanouir. Un Lacédémonien, nommé Damippus, député par Syracuse au roi Philippe, avait été pris par la flotte romaine. Épicyde mettait un grand intérêt à le racheter ; Marcellus ne s’y refusa point ; la politique des Romains étant dès lors de rechercher l’amitié des Étoliens, alliés de Lacédémone. On choisit, pour traiter de ce rachat, un lieu qui, à mi-chemin de la ville et du camp, était, de part et d’autre, le plus favorable : c’était le port de Trogile, auprès d’une tour appelée Géléagre. Dans une de ces fréquentes entrevues, un Romain, ayant observé le mur de près, compta les pierres, mesura de l’oeil l’élévation de chacune d’elles, et au moyen d’un calcul qui lui donna la hauteur totale, il reconnut qu’en cet endroit la muraille était moins élevée que les assiégeants et lui-même ne l’avaient pensé, et qu’on pouvait en atteindre le sommet avec des échelles de médiocre grandeur. Il fit part de ses observations à Marcellus, qui ne crut pas devoir négliger cet avis ; mais comme il n’était pas possible d’arriver à cet endroit des remparts, que sa faiblesse même faisait garder avec plus de soin, on attendait une occasion favorable.
Elle fut offerte par un transfuge qui vint annoncer que Syracuse allait, pendant trois jours, célébrer la fête de Diane, et qu’à défaut des autres provisions qui manquent dans un siège, le vin ne serait pas épargné dans les festins, Épicyde en ayant fait distribuer à toute la ville, et les grands à chaque tribu.
À cette nouvelle, Marcellus tient conseil avec un petit nombre de tribuns, fait choix avec eux des centurions et des soldats les plus capables d’exécuter une entreprise si hardie, se munit secrètement d’échelles, et ordonne au reste de l’armée de prendre de bonne heure la nourriture et le repos nécessaires, afin d’être prêts à marcher la nuit pour une expédition. Lorsqu’il juge que l’intempérance de la journée a plongé les assiégés dans le premier sommeil, sur un signal, il commande aux soldats d’un même manipule de porter des échelles, et conduit environ mille hommes à la file et en silence jusqu’à l’endroit indiqué. Les premiers gagnent sans tumulte et sans bruit le sommet de la muraille, et sont imités par les autres ; car l’audace des premiers inspire du courage aux moins résolus.
Eugène Lasserre, Tite-Live, Histoire romaine, t. IV, Paris, Garnier, 1937
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