lundi 25 mai 2015, par
Nous sommes logés dans des baraquements préfabriqués, semi-hémisphériques, et disposons d’un mess et de terrains de sport. Nous avons la latitude de nous livrer chaque jour dans le lac à la pratique de la voile, de la nage, toutes récréations que les instructeurs encouragent vivement.
La discipline durant les heures de travail est stricte. En dehors, les relations entre les stagiaires et les instructeurs, dont plusieurs sont aussi jeunes que leurs élèves, sont cordiales, confiantes, empreintes de cette camaraderie virile et simple en usage dans l’armée britannique.
L’horaire est rude, un après-midi de repos par semaine que l’on peut aller passer soit à Poona, où les « permissionnaires » sont déposés par la camionnette à l’insigne de la mangouste, emblème du camp, soit à explorer la jungle sèche du voisinage, soit à naviguer sur le lac.
Dès le lever, longue course à pied, séance d’éducation physique, partie de basket-ball, breakfast, puis, jusqu’à 13 heures, instruction. Après le lunch — rapide —, reprise du travail jusqu’à 17 heures. Le temps entre le thé et le dîner est généralement libre, sauf un soir sur deux où nous suivons un entraînement de nuit. Une fois par semaine, sortie de vingt-quatre ou quarante-huit heures.
L’instruction des armes est essentiellement pratique. On apprend à les démonter, à les remonter. On apprend leur fonctionnement. Les armes sont d’ailleurs peu nombreuses : fusil mitrailleur Bren, fusil Lee Enfield, mitraillette Sten, pistolet Colt, revolver Smith et Wesson et mortier Piat. Ce dernier tire des obus très efficaces contre des embarcations, des véhicules, des locomotives et des portes blindées.
C’est donc une arme tout à fait adaptée à la mission des commandos. Quant à laSten et au Smith et Wesson, on peut les tremper dans l’eau, dans la boue, ils fonctionnent toujours et sont idéalement adaptés à notre travail.
La connaissance de ces armes est expliquée rapidement par un vieux sergent couturé de cicatrices de bas en haut : il a eu le malheur de sauter en parachute, au cours d’un raid en Tripolitaine, juste au-dessus d’une mitrailleuse contre avions !...
Il n’y a pas quinze minutes qu’on a commencé à manipuler les armes que déjà les instructeurs nous conduisent au champ de tir pour des séances qui deviennent, dès le lendemain, quotidiennes. En ce qui concerne le tir au revolver et au pistolet, nous devenons rapidement des experts, de la main droite ou de la main gauche. Le colonel lui-même, noble Ecossais en kilt, est là chaque jour : « Aggressive, be aggressive ! » hurle-t-il en répétant les gestes du tir instinctif. Nous acquérons rapidement la maîtrise de cette méthode, qui devient pour nous automatisme.
Nous nous perfectionnons par les exercices répétés dans une maison truquée à flanc de colline. Il règne au rez-de-chaussée comme à l’étage une obscurité quasi totale. Quelques lampes bleutées, parcimonieusement disposées, permettent de deviner les murs.
Tout à coup, une silhouette de Japonais apparaît au bout du couloir. Il faut tirer vite, deux coups. Vous n’avez pas encore fini que, derrière vous, un grincement de porte vous fait sursauter : un menaçant Nippon vous vise.
Au rez-de-chaussée, c’est pire... La première fois, on n’est pas trop rassuré... et les tirs sont wild, les balles partent un peu dans toutes les directions... Parfois dans le bras de l’instructeur. A la fin du stage, nous tirons nos deux chargeurs avec maîtrise et n’atteignons plus la silhouette du prisonnier encadré par ses gardiens japonais.
Nous pratiquons aussi le tir avec les armes japonaises. Dans la jungle ou dans le maquis, nous serons parfois bien heureux de savoir utiliser l’armement que nous capturerons.
Notre endurance, notre entraînement, nos qualités sont testés sur de savants et laborieux « parcours du combattant » qui mettent en jeu force physique, ténacité, cran, résistance au vertige, vitesse d’exécution, précision du tir et du lancement de grenade, calme, sang-froid.
Nous passons des haies de barbelés, nous sautons près de cinq mètres en profondeur avec tout notre équipement, nous escaladons les toits, franchissons des obstacles, des coupures, progressons dans des tunnels sous un accompagnement de tirs réels à trente centimètres au-dessus de nos têtes, au milieu du fracas des explosions qui secouent la terre à un mètre de nous.
Nous rampons alors que les instructeurs tirent à la carabine à cinquante centimètres de notre tête, nous dégoupillons nos grenades, visons les silhouettes japonaises qui apparaissent à droite, ou à gauche, ou devant.
Le parcours de Singarh comprend une descente sur échelle de corde flottante à 80 mètres au-dessus du vide. Nous l’effectuons maintenant de nuit comme de jour, sans souci des explosifs télécommandés et des rafales au-dessus de nos têtes. A force de pratiquer ces excursions et de parcourir les collines rocailleuses du Deccan, nous devenons plus durs.
Au retour des marches, alors que lassés d’avoir traversé d’innombrables canaux d’irrigation, progressé dans les rochers, attaqué un train dans la pleine chaleur étouffante du jour, franchi des dizaines de kilomètres pour échapper aux poursuites (réelles) de la police ou de l’armée que nos instructeurs ont fait converger vers nous, nous songeons à l’agréable retour en camion.
Et alors, souvent, à l’emplacement du rendez-vous, au lieu de ces véhicules marqués de la mangouste que nous attendons, il n’y a qu’un instructeur : « Les camions ne sont pas là, vous devez rentrer à pied. »
Sources : Article de Michel Chaply Historia Magazine Tallendier 1969
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