mardi 16 juin 2015, par
Cependant, écrit le général de Lattre, si le 2e C.A. n’eut pas la joie méritée d’entrer le premier en Alsace, c’est à lui que celle-ci doit en partie sa délivrance. En anéantissant une division ennemie, en attirant dans les montagnes six bataillons venus de la trouée de Belfort, quatre prélevés sur le front du 6e C.A. U.S., sept amenés d’Allemagne et une division fraîche rapatriée de Norvège, en concentrant devant lui toute l’attention et la majeure partie des moyens de l’Allemand, il a durement pris à son compte la préparation de la victoire. Sans la bataille des Vosges en octobre 1944, ni la chevauchée vers le Rhin ni l’écrasement de la Wehrmacht à Belfort et en haute AIsace n’eussent, dès novembre, été possibles.
On pourrait ajouter que si le 2e C.A. n’avait pas attiré à lui toutes les réserves de la XIXe armée allemande, l’audacieuse irruption en Alsace de la 2e D.B. du général Leclerc, couronnée par la libération de Strasbourg, n’eût pu s’effectuer dans des conditions aussi favorables, aucune unité allemande n’étant plus disponible pour s’y opposer.
Qu’il me soit permis d’évoquer les épreuves et les sacrifices que cette bataille a imposés à la 3e D.I.A. et aux unités qui lui furent rattachées : pendant trois mois, cette division s’est battue sans un jour de repos sur un front qui, de 6 km au 4 octobre, en atteignit plus de 100 en décembre, tandis que ses effectifs étaient progressivement triplés et que les liaisons s’étiraient sur plus de 200 km de routes enneigées et verglacées. Le lieutenant-colonel Lardin, chef d’état-major de la division, et ses officiers se trouvèrent, pour assurer dans ces conditions le ravitaillement et les évacuations des unités, devant des problèmes quasi insolubles, compte tenu des moyens dont ils disposaient.
Quant à la troupe, elle a combattu de bout en bout dans des conditions inhumaines. On s’est battu avec l’exaltante perspective, toujours déçue, d’entrer les premiers en Alsace. On s’est battu en ménageant les obus et en manquant toujours des renforts qui eussent permis d’exploiter sur-le-champ les brèches ouvertes dans le front ennemi. On s’est battu sous la pluie, puis sous la neige, avec des effets de toile, les tenues de drap des tirailleurs, laissées en Italie, tardant à leur parvenir ; quant aux F.F.I., ils arrivaient le plus souvent médiocrement habillés et chaussés. On s’est battu et on a vaincu par usure, mais on était usé soi-même presque autant que l’ennemi. Dès le 18 octobre, il manque 700 hommes au 4e R.T.T., 1 500 aux goums. En décembre, le 7e R.T.A. a 400 hommes évacués pour gelures. En quatre jours du même mois, un G.T.M. en a 257. Chaque nouveau bond en avant, chaque contre-attaque, allonge tragiquement la liste des pertes. Au total, I 200 tués de la 3e D.I.A. et des unités associées sont inhumés provisoirement- dans le cimetière de Rupt. Le nombre des blessés et des évacués pour gelures est estimé au quadruple.
On chiffre les pertes, mais comment chiffrer la somme des souffrances physiques et morales qui ont marqué cette lente, cette interminable montée des Vosges, par le 2e C.A., par la 3e D.I.A. surtout, escortée des goums et des F.F.I.?
Dans cette bataille d’usure de trois mois, la plus sanglante de celles qu’eut à livrer la 1re armée au cours de son épopée, les survivants ne conserveraient que d’amers et douloureux souvenirs si ne s’y opposaient ceux que leur a laissés l’accueil émouvant des populations vosgiennes libérées. Ils ne sont pas près, non plus, d’oublier le courage indomptable de ces populations. Au col de Morbieux, ce sont nos blessés qui, à travers bois, sous la neige, sont ramenés clandestinement dans nos lignes. A Cornimont, c’est la population groupée autour de son maire héroïque, M. Fabre, et de son épouse, qui subit sans broncher le tir précis des mortiers, refusant obstinément de quitter le sol natal. A Xoulces, ce sont des isolés qui, la nuit, s’infiltrent à travers les postes allemands pour échapper à l’évacuation vers le Reich. A Rochesson, c’est un habitant qui vient signaler à nos artilleurs la présence d’une batterie allemande à proximité de sa maison, vouant celle-ci à une destruction certaine. Ce ne sont là que quelques exemples. Ainsi, à la fidélité et à la gratitude des Vosgiens envers leurs libérateurs, répond une admiration sincère de ceux-ci à l’égard d’une population dont le patriotisme et l’héroïsme avaient eu déjà si souvent dans le passé l’occasion de se manifester.
Ainsi s’est opérée une adoption mutuelle des combattants et des civils, non plus seulement cette familiarité qui s’instaure où la troupe paraît, mais une rencontre dans les régions les plus hautes et les plus nobles du coeur humain, celles où voisinent l’héroïsme et le dévouement.
Après un tel calvaire, il semble presque incroyable que nos unités dans lesquelles, même après l’amalgame avec les F.F.I., prédomineront les éléments nord-africains, aient pu, sans reprendre souffle, participer à la première bataille pour Colmar, voler au secours de Strasbourg, achever de libérer l’Alsace, forcer la ligne Siegfried aux côtés de nos alliés américains, franchir le Rhin, atteindre l’Enz et conquérir Stuttgart...
sources : article du Général Guillaume Historia magazine 1969
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