mercredi 21 décembre 2005, par
Bazeilles est devenu le symbole des troupes de marine. L’anniversaire de Bazeilles est commémoré chaque année dans tous les corps de troupe de France et d’Outre-mer et sur les lieux mêmes de la bataille. A ce haut fait, marsouins et bigors attachent l’origine légendaire de certaines particularités de l’arme : port du képi et de la cravate noirs et suppression des tambours, mesures qui, d’après la tradition, auraient été prises au lendemain de Bazeilles en signe de deuil et pour commémorer le souvenir de ceux qui préférèrent mourir plutôt que de se rendre. 1870 : la France est en guerre. Son territoire est envahi.
Pour prendre part à la lutte, marsouins et bigors sont, pour la première fois de leur histoire, groupés dans une même division, la division de marine qui sera surnommée la division bleue.
Commandée par le général de Vassoigne, elle est composée de deux brigades la lre, général Reboul, est formée du l" régiment d’infanterie de marine de Cherbourg et du 4’ de Toulon ; la 2e, général Martin des Pallières, comprend le 2e régiment d’infanterie de marine de Brest et le 3’ de Rochefort. Le 1" régiment d’artillerie de marine de Lorient fournit trois batteries.. La division bleue fait partie du 12’ C.A., affecté à l’armée de Mac-Mahon. Rassemblée au camp de Châlons, celle-ci, dans la deuxième quinzaine d’août, va tenter la jonction avec l’armée de Bazaine enfermée dans Metz.
Le 30 août, après six jours de marches et contremarches harassantes, un de nos C.A. s’étant laissé surprendre à Beaumont, la 1- brigade, celle du général Reboul, doit intervenir, d’ailleurs avec succès, pour le dégager.
Le lendemain, 31 août, vers midi, c’est l’autre brigade qui est chargée de reprendre Bazeilles que l’ennemi vient d’occuper. Le général Martin des Pallières enlève sa troupe. L’ennemi est refoulé, mais sa supériorité en nombre et en artillerie lui permet, en multipliant ses attaques, de reprendre pied dans la localité. La mêlée est acharnée ; les pertes sont sévères des deux côtés : le général Martin des Pallières est blessé et le village en feu.
Vers 4 heures de l’après-midi, les nôtres ne tiennent plus que les lisières nord du village ; c’est alors que la brigade Reboul conservée jusque-là en réserve est engagée et avant la tombée de la nuit, Bazeilles est entièrement repris une nouvelle fois, toujours au prix de combats acharnés. On s’organise pour la nuit. Seules des grand-gardes, placées aux ordres du commandant Lambert, sous-chef d’état-major de la division, tiendront la localité. Le commandant Lambert, comprenant que l’ennemi puissamment renforcé pendant la nuit va revenir en force, lui tend un piège.
Lorsque le 1" septembre au lever du jour, les Bavarois commencent à pénétrer dans le village, ils croient celui-ci abandonné. Une vigoureuse contre-attaque, menée par 150 marsouins, les surprend et les met en fuite. Nous sommes à nouveau, et pour la troisième fois, maîtres de Bazeilles.
A ce moment, survient un coup de théàtre. Le général Ducrot, qui vient de remplacer Mac-Mahon blessé, veut regrouper l’armée et l’ordre est donné d’abandonner Bazeilles. Ce que l’ennemi n’a pas réussi, la discipline l’obtient : Bazeilles est évacué. Mais le général de Wimpfen, porteur d’une lettre de service, prend le commandement et jugeant autrement la situation, ordonne que soient réoccupées les positions abandonnées. Il faut reprendre Bazeilles dont les Bavarois n’ont pas manqué de s’emparer entre-temps. De Vassoigne n’hésite pas, et sa division, en une seule colonne, s’empare du village pour la quatrième fois, malgré la défense acharnée de l’adversaire.
Le 1" C.A. bavarois, renforcé d’une division supplémentaire et appuyé par une artillerie de plus en plus nombreuse, reprend ses attaques qu’il combine avec des maneeuvres d’encerclement tandis que, dans le village, se multiplient les incendies.
Luttant à un contre dix, les Marsouins, malgré les obus qui les écrasent et les incendies qui les brûlent et les font suffoquer, défendent pied à pied chaque rue, chaque maison et chaque pan de mur. Ils ne cèdent le terrain que très lentement, infligeant à l’ennemi des pertes sévères. Hélas, celles qu’ils subissent ne le sont pas moins et, ce qui est très grave, les munitions commencent à manquer.
Le général de Vassoigne, toujours très calme, estime que sa mission est maintenant accomplie, que « l’infanterie de marine a atteint les extrêmes limites du devoir » et qu’il ne doit pas faire massacrer une telle troupe, susceptible de rendre encore des services. Vers midi, il fait sonner la retraite.
Cependant, le général de Wimpfen veut encore tenter une percée vers l’est. A cet effet, aux environs de 16 heures, il fait appel au général de Vassoigne et se met avec lui, épée en main, à la tête des débris dont il dispose. Balan est en grande partie repris lorsque sur l’ordre de l’empereur, il faut mettre bas les armes. La division bleue a perdu 2 655 des siens, l’ennemi bien plus du double.
Le glorieux épisode de la défense de l’auberge Bourgerie, qu’Alphonse de Neuville a immortalisé par son célèbre tableau « Les Dernières Cartouches » se situe le 1’°’ septembre en fin de matinée. Le commandant Lambert, blessé, et une poignée d’hommes et de gradés défendent la maison malgré l’entrée en action de deux pièces d’artillerie, en dépit de l’incendie et des pertes subies. Ils tiendront jusqu’à l’épuisement complet des munitions. Le capitaine Aubert tire la dernière cartouche.
Tel est, brossé à larges traits, le glorieux exploit des milliers de « Soldats de Marine », de toutes armes et services, groupés sous les ordres du général de Vassoigne Ilexplique pourquoi Bazeilles est devenu le haut lieu et le symbole des troupes de marine.
Chaque année, pour l’anniversaire de ce fait d’armes, un solennel hommage est rendu à ceux qui en furent les héros, hommage auquel les troupes de marine d’aujourd’hui, comme les troupes coloniales d’hier, ne manquent jamais d’associer le souvenir de leurs anciens, de leurs chefs et de leurs camarades de 1914-1918, de 1939-1945 et de toutes les campagnes d’au-delà des mers.
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