jeudi 3 avril 2008, par
Désormais, à Moscou, l’inquiétude régnait. En dépit de renseignements précis sur les plans japonais à long terme émanant de son maître espion Richard Sorge infiltré à Tokyo, Staline commençait, on le comprend, à envisager l’éventualité redoutable d’une guerre sur deux fronts, contre l’Allemagne et contre le Japon. En conséquence, rien ne devait être négligé pour écraser dans l’oeuf l’aventure japonaise, avant qu’elle ne menace toute la Sibérie au-delà du lac Baïkal. Première décision à prendre, affecter à cette tâche des troupes prélevées sur l’intérieur du pays ; deuxième décision, nommer à leur tête un homme nouveau, de grande classe, inspirant confiance, et ambitieux. Le choix de Staline se porta sur Georgi Contantinovitch Joukov, alors général de corps d’armée.
En 1939, Joukov était âgé de quarante-trois ans et avait la réputation d’être un dur. Ancien cavalier devenu tankiste, il commandait en second le district militaire de Biélorussie, un district clé pour la défense de la Russie. Trapu, corpulent, pourvu d’épais sourcils, il avait bâti sa carrière à la force du poignet. (Jouk, la racine de son nom, signifie assommoir). Sorti du rang à la Révolution, il s’était distingué ultérieurement dans chacun des commandements qu’il avait exercés en temps de paix. Il avait servi en Chine, et peut-être en Espagne, avait survécu aux purges sanglantes de 1937, et on connaissait déjà, au sein de l’Armée rouge, son mauvais caractère et son bon sens à toute épreuve.
En sa qualité de « général qui n’a jamais perdu une bataille », Joukov assuma des tâches d’une ampleur exceptionnelle. Responsable de la direction des forces et des opérations dans le conflit germano-russe, il réussit, en 1941, à arrêter l’offensive d’Hitler aux portes de Moscou ; en 1942, ce fut Stalingrad et, en 1945, la jonction avec les forces alliées dans les ruines de Berlin, qui donnèrent aux Occidentaux un aperçu de la puissance écrasante de la machine de guerre soviétique. Mais en ce jour de juin 1939 où il volait vers la Mongolie-Extérieure avec son petit état-major, son avenir et peut-être sa vie dépendaient de la victoire du Khalkhin-Gol. Seul l’anéantissement des Japonais satisferait Staline.
Joukov arriva le 5 juin au Q.G. du 57’ corps spécial de l’Armée rouge, seule grande unité soviétique présente dans la zone. L’ambiance n’était pas à la joie. Le commandement se sentait isolé du front. Il n’existait pas un seul kilomètre de fil télégraphique pour tout le secteur, la coordination des unités se faisait mal et, malgré la pauvreté des moyens disponibles, les reconnaissances signalaient clairement des préparatifs japonais hors de proportions avec ceux que nécessitait un simple incident de frontière. De plus, les Japonais profitaient de leur supériorité aérienne pour observer et bombarder. Muni du document qui lui conférait officiellement les fonctions de commandant en chef - à n’utiliser qu’en cas de nécessité - Joukov prit immédiatement les choses en main. Le commandant du corps d’armée fut renvoyé à l’arrière et le nouveau chef employa sa fameuse énergie à organiser la défense.
sources Connaissance de l’histoire n°49 ed Hachette 1982 article "Khalkhin Gol" de Alain Lothian
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
Messages et commentaires
1. Khalkhin-Gol 1939 : Joukov prends les choses en mains, 3 mars 2012, 14:34, par Eric ROUCHON
Deux remarques :
Le titre contient une faute d’orthographe. « Joukov prend (sans "s") les choses en main » sera plus correct.
D’autre part, le mot russe « jouk » ne signifie pas « assommoir », mais « scarabée » ou, dans une autre acception du terme, « filou ».
Cordialement
Répondre à ce message