mardi 1er avril 2008, par
La position du général Vandegrift après retraite de l’amiral Turner n’était gu enviable. Sa 1" Division de marines ten une enclave constituée d’une piste d’aviat en cours de construction, avec quelque hectares autour, sur une île couverte d’une jungle dense et inhospitalière, dans laque se dissimulaient les restes des troupes ja naises d’occupation et du génie. La autour de Guadalcanal était dominée par flotte impériale. Dans les jours qui suivire des navires de guerre japonais prirent l’habitude de venir patrouiller au large de l’enclave hors de portée de l’artillerie. Un jour, un sous-marin japonais fit surface au droit de la position des marines sur la plage et la canonna à plaisir. Une autre fois, un croiseur débarqua en plein jour un échelon avancé de 200 hommes et du ravitaillement.
Bien sûr, les attaques aériennes incessantes sur « Henderson » (nom qui devait être donné au terrain) et ses environs immédiats ne firent jamais oublier au général Vandegrift, ni à ses hommes, qui était le maître dans le ciel de Guadalcanal. Et surtout, le , général savait bien que les Japonais étaient décidés à anéantir sa Division à plus ou moins brève échéance.
Son souci principal était de se défendre contre des attaques amphibies aussi bien que terrestres, et d’achever la construction de la piste pour la rendre utilisable aux avions américains et bénéficier ainsi, de sa propre protection aérienne. Pour atteindre ces deux objectifs, les difficultés étaient immenses, en grande partie parce qu’une bonne part du matériel indispensable avait disparu dans les cales des cargos de l’amiral Turner : il n’avait reçu que 18 rouleaux de fil de fer barbelé ; il n’y avait pas de mines antichars ou antipersonnel, ni d’outils tels que haches, scies, pelles, machettes ou pics. Mais fort heureusement, l’équipement abandonné par les japonais - qui comprenait notamment 4 tracteurs lourds, 6 rouleaux compresseurs, 12 camions et 2 locomotives diesel avec tender était là pour remédier, dans une certaine mesure, à cette déficience.
L’aérodrome fut achevé en quelques jours et les travaux engagés sur deux bandes de dégagement. Le 20 août, les premiers avions américains, 19 chasseurs « Wildcat » et 12 bombardiers en piqué « Dauntless », lancés d’un porte-avions situé très au sud, se posèrent à Henderson Field. Quelques heures plus tard, et avant que l’aviation ait pu engager le combat, les Japonais venant de l’est passèrent à l’offensive .
Radio-Tokyo n’avait pas dissimulé le destin réservé aux marines de Guadalcanal. L’amiral Mikawa qui commandait le secteur déclara triomphalement qu’il avait mis en déroute les vestiges de la puissance navale anglo-américaine du Pacifique et isolé l’Australie. Les marines étaient « comme ces éphémères qui tombent tout seuls dans le feu ».
De telles vantardises pouvaient se comprendre à des fins de propagande pour rehausser le moral dans son propre camp et installer la peur chez l’ennemi. Mais en réalité, ces prétentions reflétaient l’attitude de beaucoup d’officiers supérieurs japonais.
Ces hommes, habitués à évaluer froidement et sans passion ce genre de situation, puis à tirer des plans avec le souci du moindre détail, se refusaient à prendre au sérieux les marines de Guadalcanal.
Il ne pouvait à leurs yeux s’agir que d’une reconnaissance en force, d’une manoeuvre de diversion. Mais comme telle, c’était déjà un affront à l’honneur des armes japonaises.
Personne ne chercha à avoir une vue précise de l’ordre de bataille américain. Le lieutenant général Hyakutake commandant la XVII’ Armée dans le sud du Pacifique reçut l’ordre d’« éliminer » les Américains. Il confia cette mission à la XXXVe brigade d’infanterie du major général Kawaguchi. Mais cette brigade n’était pas encore rassemblée et il fut décidé d’envoyer sur place, en deux échelons, les seules unités immédiatement disponibles, le régiment du colonel Ichiki et une unité spéciale de débarquement de la marine.
Le colonel Ichiki mit pied à terre avec le l’ échelon le 18 août. C’était un officier accompli qui avait combattu en Chine dans les années trente et possédait une grande expérience comme chef de bataillon et commandant de régiment.
Les Services de Renseignement japonais lui avaient dit que l’effectif des marines ne dépassait pas 2 000 hommes et que leur moral était très bas. Ichiki faisait partie de ces nombreux officiers qui croyaient fermement qu’en tant qu’homme, le Japonais était infiniment supérieur à l’Américain, qui n’avait d’efficacité que lorsque son armement était très supérieur.
Il décida donc qu’il n’avait aucune raison d’attendre son 2e échelon et pourrait balayer d’un seul coup cette « tête de pont dans la jungle ». Après quelques tirs de mortiers, à l’aube du 21 août, le colonel Ichiki lança ses hommes, baïonnette au canon, contre le flanc est de la position des marines du général Vandegrift. Ils furent accueillis par un feu meurtrier à partir de positions de tir très soigneusement établies. Ichiki réussit quand même à relancer la charge à la baïonnette, une seconde fois, ses hommes furent cloués sur place, et il dut ordonner le repli sur l’autre rive de la rivière Ilu qu’ils avaient franchie à gué le matin.
Seule une unité d’élite comme celle d’Ichiki pouvait encaisser une telle leçon sans perdre sa cohésion. Le feu nourri et précis que les marines subirent à travers la rivière dès le lendemain matin leur montra bien qu’il y avait toujours du monde en face. A l’annonce de l’arrivée prochaine de renforts japonais, le général Vandegrift décida qu’il serait trop dangereux de laisser les hommes d’Ichiki se maintenir sur leur position. Il fit exécuter une manoeuvre d’encerclement par un bataillon de réserve qui traversa la rivière et se rabattit vers le nord.
Au début de l’après midi, les hommes d’Ichiki étaient encerclés et la dernière phase commença ; elle allait entrer dans la légende des marines sous le nom de « Bataille du Tenaru ». Sous les bombes et les tirs de mitrailleuses des avions américains arrivés la veille à Henderson Field, sous les obus de l’artillerie et la pression des assauts lancés de trois côtés, les Japonais furent repoussés pas à pas vers la plage. Les quelques chars légers débarqués avec la division Vandegrift entrèrent alors en action, broyant indistinctement sous leurs chenilles les morts, les blessés et les vivants.
Les Japonais persistaient à refuser de se rendre. « Les arrières des chars ressemblaient à des hachoirs à viande » écrivit Vandegrift dans son rapport. Et même quand toute résistance organisée eût cessé, les rescapés japonais ne se laissèrent pas faire prisonniers. « Les blessés attendaient qu’on se penche sur eux pour les examiner, et se faisaient alors sauter avec une grenade, entraînant leur ennemi dans la mort. » A Tenaru, les marines apprirent ce que signifiait en japonais l’expression « se battre jusqu’au dernier et jusqu’au dernier souffle. »
Seule une poignée de combattants commandés par Ichiki réussit à regagner Taivu en suivant la côte vers l’est. Arrivé là, le colonel déchira cérémonieusement le drapeau de son régiment, puis il se fit hara-kiri.
La victoire du Tenaru demeure gravée sui le Mémorial du Marines Corps. Mais 1( général Vandegrift savait bien qu’elle ne suffirait pas à asseoir l’implantation de ses troupes.. Elle ne fut qu’un prélude à d’autre actions plus puissantes des Japonais. Li dernière décade d’août vit la mise sur pied d’une force bien plus redoutable, constitué( par le 2e échelon du colonel Ichiki et de la 35e Brigade du général Kawaguchi, avec pour mission d’en finir avec Guadalcanal.
Le seul problème était l’acheminement d( cette force. Le contre-amiral Tanaka fut nommé commandant de la Force de Renfort avec une base arrière dans les Shortland aï nord-ouest de Guadalcanal, et il ne tarda pal à percevoir les difficultés de sa tâche. L( second échelon de la formation de Ichiki prévu pour débarquer à Guadalcanal e composée de navires de transport escorté : d’un croiseur léger et de destroyers, se fi repérer par un avion de Henderson Field bombarder, et dut faire demi-tour.
La mise en place d’avions américains Henderson Field avait totalement modifié 1( situation au détriment des Japonais. Tanaka exposa au général Kawaguchi qu’il ne pou vait plus faire mouvement en sécurité dan les eaux côtières de Guadalcanal. Il organisa( alors une série d’opérations de nuit, pou acheminer les renforts par des destroyer rapides surnommés - non sans raison -« les rats ».
Kawaguchi commença par préconise l’emploi de chalands plus lents mais de plu grande capacité ; contre l’avis de Tanaka uni première rotation fut tentée ; ce fut un désastre. L’amiral finit par obtenir carte blanche ; vers la fin août les « rats » faisaien leurs allers et retours nocturnes avec uni précision de trains express, et chaque nuit le positions des marines recevaient leur ratios d’obus.
Le général Vandegrift n’ignorait pas progression des Japonais à l’est et à l’ouest de ses positions.
Il fit ramener de Tulagi les commandos d’élite des marines du colonel Edson et ses parachutistes et, le 7 septembre à la nuit tombante, il les envoya en reconnaissance sur Taivu, l’une des bases japonaises principales du secteur. Ce raid fut un succès complet : il ne restait sur la base que des agents de transmission et des membres du quartier-général qui se hâtèrent de fuir dans la jungle.
Les Américains se saisirent de stocks de valeur et, plus important encore, d’informations sur les effectifs qui s’apprêtaient à les attaquer. Le gros des forces du général Kawaguchi avait déjà pris le chemin de la jungle ; la seconde attaque japonaise était donc imminente. Vandegrift estimait que l’effort principal de l’ennemi porterait sur la ligne de crêtes située au sud d’Henderson Field. Il y envoya les commandos, les paras et sa seule réserve non encore engagée, un bataillon de marines.
sources :collection : Les documents de l’histoire n°8 "La bataille du Pacifique" éd Hachette 1977
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