mercredi 7 décembre 2005
Le Consulat, issu du Coup d’État du 18 brumaire an VIII de la République française (9 novembre 1799), établit un régime politique autoritaire dirigé par trois consuls, dont seul le premier détient réellement le pouvoir.
À la tête du consulat provisoire se trouvent Bonaparte, Sieyès et Ducos. Les assemblées ont désigné chacune une commission pour les affaires judiciaires courantes et pour la préparation d’une nouvelle constitution. Les idées de Sieyès imprègnent les projets. Il s’agit avant tout de renforcer l’exécutif et de faciliter le fonctionnement du régime. De nombreuses séances ont lieu en novembre et en début décembre Bonaparte intervient pour accélérer les choses.
La constitution de l’An VIII est rédigée par Daunou, qui a déjà rédigé la constitution de l’An III. Daunou appartient au groupe des idéologues, des républicains libéraux hostiles au jacobinisme. La nouvelle constitution renforce l’exécutif et le pouvoir de représentation est confié aux seuls notables, même si le suffrage universel n’est pas officiellement aboli. La constitution de l’An VIII marque une rupture avec les constitutions précédentes. On n’y trouve aucune référence aux droits de l’homme ou à la défense des libertés. Elle est en plus beaucoup plus technique : elle définit les pouvoirs, et surtout les pouvoirs de l’homme fort du régime. La constitution apparaît comme taillée pour Bonaparte. On y trouve même le nom de Napoléon, ce qui est très étonnant car une constitution est censée être durable. Napoléon est désigné comme premier consul donc de fait à la tête de l’exécutif. Il nomme aux principales fonctions publiques et il a un certain pouvoir d’initiative en matière législative. De même, le premier consul se retrouve doté de pouvoirs importants en diplomatie et en matière militaire. La constitution ne rompt cependant pas complètement avec la collégialité du Directoire, puisqu’il y a toujours trois consuls (bien que ces deux derniers n’aient qu’un pouvoir consultatif).
Sur le plan institutionnel, il y a également des changements. Le Tribunat, composé de 100 députés dont la fonction est de discuter des projets de loi et de donner leur avis, est institué, ainsi que le Corps législatif, composé de 300 membres qui votent les projets de loi sans les discuter. Le Conseil d’État doit préparer et rédiger les projets de loi. C’est une assemblée purement technique avec une cinquantaine de membres nommés par le premier consul. Le Sénat est chargé de maintenir la constitution. C’est un Sénat conservateur composé de membres cooptés, ensuite nommés sur propositions des assemblées. Cette « assemblée des sages » va progressivement rédiger des textes législatifs, les sénatus-consulte.
Le Consulat est officiellement installé le 1er janvier 1800. Les deux nouveaux consuls qui sont désignés sont Cambacérès et Lebrun. Cambacérès, régicide, fut député lors de la Convention. C’est un spécialiste en droit qui fut ministre de la Justice sous le Directoire. Lebrun est un partisan de la monarchie modérée et un spécialiste des finances. On remarque que Napoléon s’entoure de deux hommes qui ont des sensibilités différentes dans un souci de reconciliation nationale.
Dans les rangs du conseil d’État on retrouve des proches de Bonaparte et le Sénat est présidé par Sieyès. Il coopte les sénateurs dans les jours qui suivent.
L’assemblée est assez mitigée à l’égard de Napoléon. En l’absence de listes de notabilité, c’est le Sénat qui choisit les députés. On privilégie d’anciens révolutionnaires pour permettre une opposition face à Napoléon. En début 1800, le Consulat est donc en place mais encore s’agit-il de trouver un rythme et mettre en œuvre une politique qui lui permettra de durer.
Dès le début du nouveau régime, Bonaparte affiche une volonté de réconcilier les partis, de mettre un terme aux divisions nées de la Révolution. Il invite le clergé à rentrer en France et il lui accorde la liberté de culte le 28 décembre 1799. Napoléon supprime la Loi des otages qui permettait d’emprisonner les membres de la famille d’un émigré et la vente des biens nationaux est stoppée. Il est également possible de se faire rayer des listes d’émigrés (si on était sur la liste, cela signifiait la perte des droits de citoyen). En 1802, Bonaparte va encore plus loin en accordant l’amnistie générale aux émigrés. Ces mesures de réconciliation préparent l’instauration de la paix civile.
Il y a cependant toujours des régions qui échappent au contrôle de l’État. Surtout dans l’ouest de la France on constate une instabilité chronique (insurrections, brigands...). Dès novembre, Bonaparte s’emploie à négocier pour faire cesser les troubles militaires dans l’ouest de la France. Il obtient la signature d’une trêve avec les chefs de la chouannerie. En début 1800, Bonaparte a réussi la pacification quasi-totale de l’ouest, en particulier de la Vendée, en s’appuyant notamment sur le clergé. Restent néanmoins toujours quelques troubles locaux, comme p.ex. en Normandie. En 1802, le pays est grosso modo pacifié, soit par des négociations, soit par une présence militaire.
En printemps, Bonaparte décide d’en finir également avec la guerre à l’extérieur. À ses yeux, le régime repose sur la paix qu’il va construire, et donc il faut être victorieux. Le 9 février 1801, Bonaparte conclut la paix de Lunéville avec l’Autriche qui abandonne ses droits sur le Nord et le centre de l’Italie. En mars 1802, la paix est également signée avec l’Angleterre par le traité d’Amiens.
Pour pouvoir durer, le régime doit reposer sur un État solide et structuré dans lequel les citoyens ont confiance.
Tout d’abord, il faut rétablir les finances de l’État et la confiance que cet État suscite. Ceci se fait par une réforme fiscale. Le Consulat hérite de quatre impôts directs du Directoire : un impôt foncier, un impôt mobilier, la patente, et l’impôt des portes et fenêtres. Bien que ces impôts existent, l’État a du mal à les faire rentrer. Dès 1802, le budget de la France est équilibré. En janvier 1800, la Banque de France est créée. C’est une banque privée avec le soutien du gouvernement. Elle assure aux finances de l’État des avances en attente de la rentrée des impôts ce qui renforce le crédit de l’État. Avec la réforme monétaire de 1803, elle obtient le monopole d’émission des billets. Le Franc germinal est fixé sur la valeur d’or en réserve que détient la Banque de France.
La loi du 17 février 1800 porte sur l’administration locale. Le point le plus important de cette loi est la création des préfets. Elle conserve les départements hérités de la Révolution mais elle redécoupe les divisions intérieures. Les districts deviennent des arrondissements, la commune est définie et le canton créé. À chaque niveau on trouve un fonctionnaire public (nommé) ainsi qu’une assemblée consultative (élue).
La justice est un des piliers du nouvel État qui devient de plus en plus autoritaire. Le Consulat ne remet cependant pas en cause l’égalité de tous devant la justice, qui est rendue au nom du peuple. Les juges sont élus par les citoyens et on y trouve également un jury populaire. En mars 1800, Bonaparte procède à une réforme judiciare qui fait en sorte qu’uniquement les juges de paix sont élus (causes mineures, ressort = canton). La justice repose désormais sur des magistrats professionnels, en principe inamovibles.
Le ministère de la Police est confié à Fouché. La police fait à la fois du renseignement (état de l’opinion de la population) et préserve l’ordre.
Bonaparte souhaite de codifier les règles de la société, de reconstruire un lien social après la destruction de la société d’ordres de l’Ancien Régime. Le Code civil, envisagé dès la Révolution, est terminé en 1804. Il s’agit de faire une synthèse entre les droits différents de l’Ancien régime et des droits révolutionnaires pour unifier le pays. Le texte est profondément emprunt de laïcité pour le rendre acceptable à tous les Français.
En même temps, Napoléon envisage un encadrement religieux. La religion est considérée comme un élément de stabilisation de la société, un ciment social. Dès son arrivée au pouvoir, Napoléon s’occupe de la pacification religieuse. Même s’il aurait pu envisager une religion civile (comme le culte décadaire p.ex.), il préfère s’appuyer sur les religions existantes. La religion dominante en France est alors le catholicisme. En 1800, l’Église catholique française est profondément divisée entre une église réfractaire et une église constitutionnelle, où l’église réfractaire est dominante. Les négociations avec le pape Pie VII débouchent sur le Concordat de 1801. Cet accord permet dès 1802 de réorganiser l’église dans le cadre de soixante diocèses avec de nouveaux évêques et un clergé fonctionnarisé. Les évêques sont nommés par le chef d’État et reçoivent leur investiture canonique du pape. Les prêtres sont nommés et rémunérés par l’État. Le clergé a pour fonction d’assurer la paix, la cohésion sociale et le respect des lois, p.ex. en faisant prier pour des succès de l’armée napoléonienne.
La société napoléonienne est une société hiérarchisée non en fonction des ordres mais en fonction de la fortune et de la notabilité. Il y a une dualité entre une élite ( 100.000 personnes), les citoyens les plus riches, et le reste qui fait l’essentiel de la population. Sur cette base se construit l’édifice politique. Des listes de notabilité sont établis dans chaque département, contenant les 600 les plus imposés, donc les plus riches. Ces listes servent pour la désignation aux diverses fonctions jusqu’à la composition des assemblées. C’est un vivier dans lequel l’État puise pour ses fonctionnaires, ses représentants de l’État. Cette société de notables est un prélude à la noblesse d’Empire.
En 1802, le pouvoir législatif s’est complètement éteint et le Consulat est devenu un régime autoritaire faisant peu de place aux oppositions.
Les jacobins ne sont pas favorables au Coup d’État du 18 brumaire et souhaitent mettre Napoléon hors la loi. Ils se trouvent parmi les premières victimes de la réaction qui suit au coup d’État. Bonaparte prend un certain nombre de mesures pour écarter de la vie politique les opposants les plus farouches. Il fait publier une liste de 34 députés qui sont bannis, 19 étant emprisonnés. L’ensemble du mouvement jacobin est contrôlé par la police mais en même temps, Bonaparte cherche à se rallier le maximum des jacobins. Il se présente comme l’héritier des principes de la Révolution. Malgré ces mesures, l’opposition persiste encore quelques mois, notamment dans la presse. En janvier 1800, Bonaparte fait supprimer une soixantaine de journaux. La menace jacobine est en effet réelle, comme le témoignent plusieurs projets et conspirations contre le premier consul. Entre 1801 et 1802, Bonaparte réussit à réduire à néant l’opposition jacobine.
À la fin du Directoire, les royalistes ont réorganisés leurs réseaux. L’Ouest et le Sud-Ouest sont des régions fortement monarchistes. Dans un premier temps, les royalistes hésitent sur l’attitude à tenir. Dès fin 1799, Bonaparte a engagé des pourparlers avec les royalistes, dont Hyde de Neuville, pour mettre un terme à la Chouannerie. Certains monarchistes espèrent pouvoir retourner Napoléon pour restaurer la monarchie, en faisant de lui un intermède pour rétablir Louis XVIII. Louis XVIII lui-même va écrire à Napoléon le 20 février 1800 pour lui demander de se retirer en sa faveur. Napoléon, entretemps chef d’État consolidé dans son pouvoir, repousse cette offre et l’attitude des royalistes change. Ils tentent d’éliminer Bonaparte. Après quelques actions spectaculaires, dont l’enlèvement du sénateur Clément de Ris en septembre 1800, les royalistes sont eux aussi surveillés par la police.
Bien que la répression eut été sévère, les deux mouvements subsistent. Les royalistes ont une base arrière : l’Angleterre, où se sont réfugiés la plupart des émigrés royalistes.
L’opposition libérale se forme de personnes qui ont soutenu Bonaparte à ses débuts. La plupart a approuvé le 18 brumaire et le rétablissement de l’ordre. Ils restent attachés aux principes de 1789 et ne veulent pas aller plus loin dans le sens d’un régime autoritaire. Benjamin Constant, un libéral, prend la tête de l’opposition et il est le porte-parole jusqu’en 1802. Il proteste contre les atteintes à la liberté. Surtout les tribunaux spéciaux, où il n’y a pas de jury populaire apparaissent aux idéologues comme une atteinte à la justice rendue au nom du peuple. Il ne faut cependant pas exagérer l’opposition de 1800-1802. Elle n’a réussi à faire entendre sa voix qu’à de très rares reprises, p.ex. elle fait échouer un premier projet de code civil en 1801 qui leur apparaît comme trop conservateur. On constate également des manifestations contre le Concordat de 1801. Une véritable campagne est menée, notamment dans la presse libérale (La décade philosophique, journal des idéologues). 110 députés s’opposent à la légion d’honneur en refusant une dignité qui paraît renouer avec les ordres de l’Ancien régime.
En 1802, Bonaparte prend en main les assemblées. Il est fondamentalement hostile au parlementarisme. Début 1802 il prend la décision d’épurer les assemblées. 1/5 des tribuns sont éliminés, dont Benjamin Constant. On fait entrer des députés fidèles au régime, comme p.ex. Lucien Bonaparte, le frère de Napoléon. Cette épuration contribue à amoindrir l’opposition politique et est accentuée par un nouveau règlement pour le Tribunat. Le Tribunat est divisé en trois sections et ne siège plus en séance plénière. Il devient une simple assemblée technique et le débat public cesse.
Le Consulat conserve le ministère de la police entre les mains de Fouché. Fouché exerce sur le pays une emprise facilitée par des opérations contre le brigandage et l’insécurité. Un véritable système policier se met en place. Pour contrôler les opposants, on procède à des arrestations préventives, comme celle du marquis de Sade. La liberté d’expression et de réunion est limitée, ainsi que la liberté de circulation.
La liberté de la presse est une des conquêtes de la Révolution. La presse se présente comme un foyer d’opposition ce qui incite Bonaparte à censurer la presse et à éliminer un grand nombre de journaux. Le 17 janvier 1800 n’apparaissent que 13 journaux à Paris. Parmi ceux qui sont supprimés on retrouve le Journal des hommes libres. Cependant il ne faut pas exagérer le rôle de la presse qui est essentiellement lue par les notables. Le Journal des débats n’a guère que 10.000 abonnés en 1801. C’est quand même une élite qui participe à la vie politique. On passe à une presse de propagande (Le Moniteur Universel).
La Constitution de l’An VIII octroyait à Bonaparte le pouvoir pour 10 ans. En 1802, Napoléon a incontestablement affermi son pouvoir sur le pays. Il a éradiqué l’opposition extérieure et intérieure. La prolongation de son pouvoir en 1802 n’émane pas de sa propre initiative. Il fait intervenir le Tribunat. Le Sénat suggère d’abord une prolongation pour 10 ans au lieu de passer au consulat à vie. Napoléon impose alors le vote d’un sénatus-consulte qui prévoit alors que désormais le premier consul est un consul à vie. En plus, il obtient un droit de regard sur son successeur. C’est une première étape vers un régime au sein duquel le chef d’État peut se reproduire. Ce sénatus-consulte est accepté par le peuple.
La Constitution de l’An X modifie la composition du Tribunat en réduisant ses membres de 100 à 50. Ceci abaisse encore un peu plus les assemblées et le pouvoir du Sénat s’accroît sur le plan législatif.
Dès février 1800, Napoléon s’est installé aux Tuileries et y a progressivement installé une cour qui ne cesse de se développer, surtout après 1802. Après le Concordat, Napoléon réinstalle une chapelle aux Tuileries et assiste à la messe tous les dimanches. Depuis 1802, il renforce encore plus cette identification avec les rois d’Ancien régime. Il voyage dans les provinces, ce qui rappelle le cérémoniel des visites royales d’Ancien régime. On remarque chez Bonaparte la volonté d’affirmer l’État dans un pays qui depuis dix ans souffre d’un déficit d’images de ses dirigeants.
Le Consulat à vie s’achève en 1804 par la proclamation de l’Empire.
– Jacques-Olivier BOUDON, Histoire du Consulat et de l’Empire, Perrin, Paris, 2003.
– Thierry LENTZ, Le Grand Consulat, Fayard, Paris, 1999.
– Jean TULARD, Dictionnaire Napoléon, Fayard, Paris, 1999.
Note : Pour certains historiens, le Consultat est la dernière phase de la Révolution française. Pour d’autres, il forme, avec le Premier Empire, une nouvelle étape de l’histoire de France.
Récupérée de « http://fr.wikipedia.org/wiki/Consulat_%28histoire_de_France%29 »
Voir en ligne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Consul...
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