jeudi 26 janvier 2012, par
Le lendemain matin, après avoir entendu la messe, messire Gauvain prit congé et quitta le château. S’offrirent alors à ses yeux le plus beau paysage, les plus magnifiques prairies et les plus splendides rivières, qu’on ait jamais vus, auprès de forêts peuplées d’animaux sauvages et d’ermitages. Toujours chevauchant, il arriva un soir, à la tombée de la nuit, chez un ermite : sa demeure était si basse que le cheval ne pouvait y pénétrer ; la chapelle n’était pas plus grande, et le saint homme n’en était pas sorti depuis quarante ans au moins. Quand il aperçut messire Gauvain, il se mit à la fenêtre et lui dit.
– Seigneur, soyez le bienvenu !
Messire Gauvain lui répondit : « que Dieu vous bénisse », et ajouta
– Accepterez-vous, seigneur, de m’accueillir ici ?
– Seigneur, répondit l’ermite, nul n’habite ici que Dieu. Nul être humain n’est entré ici dedans avec moi depuis quarante ans, mais il y a là-bas un château où l’on héberge les bons chevaliers.
– Seigneur, demanda messire Gauvain, à qui appartient ce château ?
– Au bon Roi Pêcheur, dit l’ermite ; il est tout entouré d’eaux profondes, et la région serait riche de tout, si le seigneur était heureux. Mais il ne doit recevoir que de bons chevaliers.
– Dieu m’accorde de le devenir ! répondit messire Gauvain.
Certain désormais d’être tout près du château, il descendit de cheval et se confessa à l’ermite ; il lui avoua tous ses péchés et en éprouva un sincère repentir. - Seigneur, lui dit l’ermite, n’oubliez pas, si Dieu y consent, de poser la question que l’autre chevalier a omis de poser ; et ne soyez pas effrayé par ce que vous verrez à l’entrée du château, mais avancez avec confiance, et adorez la sainte chapelle que vous apercevrez dans l’enceinte du château, et où la flamme du Saint-Esprit descend chaque jour pour le très Saint Graal et pour la sainte lance dont là pointe saigne, dont on célèbre là-bas l’office.
– Seigneur, dit messire Gauvain, que Dieu m’assiste afin que j’accomplisse sa volonté !
Prenant congé, il s’en alla ; il aperçut bientôt une vallée où régnait l’abondance ; le château se trouvait là, et la sainte chapelle apparut à ses yeux.
Messire Gauvain mit pied à terre et, s’agenouillant, il s’inclina en direction de la chapelle et prononça avec recueillement une prière d’adoration.
Puis il remonta à cheval et, poursuivant sa route, il aperçut bientôt un tombeau magnifique recouvert d’une pierre de grande beauté ; le tombeau semblait tout proche du château, et il devait y avoir là- un petit cimetière, car l’endroit était clos alentour, mais il n’y avait pas d’autre tombe. Au moment où il atteignait le cimetière, une voix l’interpella
– Ne vous approchez pas de la tombe, car vous n’4tes pas le chevalier grâce auquel on apprendra qui repose à l’intérieur !
A cette injonction, messire Gauvain passa son chemin et se dirigea vers l’entrée du château : il aperçut alors trois ponts, immenses et terrifiants, sous desquels couraient trois puissants torrents. Le pret mier pont lui paraissait long d’une bonne portée d’arc, mais large d moins d’un pied : il lui semblait bien étroit, et l’eau rapide, vaste et profonde ; il ne savait que faire, il paraissait impossible de le passer à pied ou à cheval. Mais voici que, sortant du’ château, un vénérable chevalier s’avança jusqu’au pont que l’on appelait le Pont de l’aiguille et interpella rudement messire Gauvain
– Seigneur chevalier, hâtez-vous de passer, car il va faire nuit, et on vous attend au château !
– Ah, seigneur, dites-moi comment faire !
– Ma foi, répondit le chevalier, je ne connais pas d’autre passage que celui-ci, et si vous désirez parvenir au château, il faut que vout passiez par là
Messire Gauvain eut honte d’avoir tant hésité, et il se rappela les paroles de l’ermite, qui lui avait dit qu’il n’aurait rien à redouter à l’entrée du château ; et il devait d’autant moins craindre la mort qu’il s’était confessé et repenti de ses péchés. Aussitôt, pensant bientôt mourir, il fit le signe de la croix, implora la bénédiction et la protection de Dieu, et éperonna sa monture. Dès qu’il se fut avancé jusqu’au pont, celui-ci lui parut large et aisé à franchir : ce passage servait en effet à éprouver les chevaliers qui désiraient pénétrer au château.
Messire Gauvain fut tout surpris de trouver si vaste ce pont qui lui était d’abord apparu si étroit, et dès qu’il l’eut franchi, comme c’était un pont-levis, il se releva de lui-même grâce à un mécanisme ; dés lors personne d’autre n’aurait pu entrer, car l’eau dessous était extrêmement tumultueuse.
Le chevalier recula jusqu’au second pont, et messire Gauvain éprouva la même crainte au moment de passer ce pont, qui lui semblait aussi long que le premier ; il apercevait en bas l’eau, non moins rapide et non moins tumultueuse, et le pont lui paraissait être de glace, léger et fragile, et si haut au-dessus du torrent ! Mais grâce à sa précédente expérience, il fit taire sa peur, se dirigea vers le pont et s’étant recommandé à Dieu il s’avança : le pont lui parut alors le plus solide et le plus magnifique qu’il eût jamais vu, tout orné de statues. Dès qu’il fut passé, le pont se releva derrière lui de la même façon que le premier ; le chevalier avait disparu ; messire Gauvain se dirigea alors vers le troisième pont ; il n’était pas effrayé par ce qu’il avait vu, et ce pont ne ressemblait pas aux deux autres : il était bordé de colonnes de marbre, et chacune d’elles était surmontée d’un pommeau qui semblait d’or. Messire Gauvain regarda alors en haut de la porte : il y vit représentés le Christ en croix, entouré de part et d’autre de Sa Mère et de saint Jean ; les statues étaient en or, ornées de pierres précieuses qui étincelaient comme des flammes. II aperçut à droite un, ange, très beau, qui du doigt montrait la chapelle où était le Saint Graal ; il portait sur la poitrine une pierre précieuse, et audessus de sa tête était gravée une inscription qui disait que le maître du château était aussi pur et aussi irréprochable que cette pierre. Puis messire Gauvain aperçut sur le seuil, à l’entrée, un lion gigantesque et terrifiant, dressé sur ses quatre pattes ; mais le lion se coucha dès qu’il vit messire Gauvain, et celui-ci put passer sans difficulté. Parvenu au château, il mit pied à terre, déposa sa lance et son bouclier contre le mur du bâtiment principal, puis monta l’escalier de marbre et entra dans une salle magnifique dont les murs étaient ornés de place en place de portraits peints à l’or. Il y avait au milieu de la salle un lit surélevé, de toute beauté ; à la tête du lit se trouvait un échiquier splendide et un coussin brodé d’or avec grand art et orné de pierres précieuses ; il n’y avait aucune pièce sur l’échiquier. Messire Gauvain était absorbé dans la contemplation de cette salle magnifique, quand deux chevaliers sortirent d’une chambre et se dirigèrent vers lui.
– Seigneur, dirent-ils, soyez le bienvenu
– Que Dieu vous accorde joie et bonheur, répondit messire Gauvain
.
Les chevaliers le firent asseoir sur le lit et ordonnèrent à deux écuyers de le désarmer. Quand ce fut fait, on lui apporta de l’eau dans deux bassins d’or pour qu’il se lave le visage et les mains. Puis vinrent deux demoiselles qui apportaient une superbe tunique de drap d’or qu’elles lui : firent revêtir.
Seigneur, dirent-elles, accueillez de bon gré tout ce que l’on fera pour vous ici, car c’est ici la demeure des loyaux chevaliers et des loyales demoiselles.
– Certes, répondit messire Gauvain, et je vous en suis très reconnaissant.
II voit bien qu’il fait nuit noire, et bien qu’il n’y ait pas de chandelle, la salle est aussi éclairée que si le soleil brillait ; messire Gauvain est fort intrigué et se demande d’où vient cette clarté. Revêtu de son habit somptueux, messire Gauvain était très beau et paraissait bien homme de grande valeur.
– Seigneur, dirent les chevaliers, vous plait-il de venir voir le seigneur de ce château ?
– Je le verrais volontiers, répondit-il, et je veux lui remettre une très sainte épée.
Ils le conduisirent dans la chambre où reposait le Roi Pêcheur, elle semblait jonchée d’herbes et de fleurs. Le roi était étendu sur un lit de sangles dont les pieds étaient d’ivoire ; la couche était de soie et la couverture de zibeline, doublée d’étoffes précieuses. Le roi portait un couvre-chef en zibeline recouvert de soie rouge, avec une croix d’or dessus ; sa tête s’appuyait sur un coussin qui répandait une suave odeur et avait à ses quatre coins quatre pierres qui jetaient une vive clarté. Il y avait là une colonne de cuivre supportant un ange qui tenait une croix d’or : elle contenait un fragment de la Vraie Croix sur laquelle Dieu avait été crucifié, et cette relique occupait toute la longueur de la croix, devant laquelle le roi se recueillait. Dans quatre chandeliers d’or brûlaient quatre grands cierges, quand cela s’avérait nécessaire.
Messire Gauvain vint devant le Roi Pêcheur et le salua, et le roi lui fit fort bon accueil et lui souhaita la bienvenue.
– Seigneur, dit messire Gauvain, je vous remets l’épée avec laquelle saint Jean fut décapité.
– Grand merci, seigneur, répondit le roi, je savais bien que vous l’apportiez : ni vous ni aucun autre n’aurait pu pénétrer ici sans l’épée, et si vous n’étiez pas très valeureux, vous n’auriez pu la conquérir.
Prenant l’épée, il la porta à sa bouche et à son visage et l’embrassa avec émotion en montrant son bonheur de la posséder. Une demoiselle, très belle, vint s’asseoir à la tête du lit où il reposait : il lui donna l’épée en garde ; deux autres demoiselles s’assirent à ses pieds, qui contemplaient l’épée avec vénération.
– Quel est votre nom ? demanda le roi. - Je me nomme Gauvain, seigneur.
– Gauvain, cette clarté qui illumine en ce moment ces lieux nous vient de Dieu, et c’est à vous que nous la devons. Chaque fois qu’un chevalier vient au château, cela se passe ainsi. Je vous aurais bien mieux accueilli que je ne l’ai fait, si j’étais bien portant, mais j’ai été saisi de langueur depuis la venue au château du chevalier dont vous avez entendu parler. C’est à cause d’une seule phrase qu’il a omis de prononcer que j’ai été ainsi atteint, et je vous prie au nom de Dieu de vous en souvenir, car si grâce à vous il se faisait que je recouvre la santé, vous auriez motif d’être heureux. Voici la fille de ma sceur, à qui l’on enlève ses terres et que l’on déshérite ; elle ne peut les récupérer que par l’intervention de son frère, qu’elle va tenter de retrouver ; on nous a dit qu’il était le meilleur chevalier du monde, mais nous ne savons rien de lui.
– Seigneur, dit la demoiselle au roi son oncle, remerciez messire Gauvain de la grâce qu’il a faite à ma dame ma mère, quand il est venu loger chez elle. Car il a rétabli la paix sur nos terres et a obtenu la garde de notre château pour une année, et il a ordonné que les cinq chevaliers de ma mère nous aident à en assurer la surveillance. Mais voici que l’année est passée, et la guerre a repris avec une telle violence que si Dieu ne vient à notre secours et si je ne retrouve pas mon frère, notre domaine nous sera enlevé.
– Demoiselle, dit messire Gauvain, je vous aiderais autant qu’il est en mon pouvoir, si j’en avais l’occasion, et votre frère est le chevalier su monde que je verrais avec le plus de plaisir. Mais je n’ai pu obtenir de renseignements précis à son sujet ; je sais simplement que je me suis arrêté dans un ermitage où vivait un Roi Ermite, et où l’on me recommanda de ne pas faire de bruit, car s’y trouvait, malade, le meilleur chevalier du monde. L’ermite me dit qu’il se nommait Par-lui-fait. J’ai vu un écuyer s’occuper de son cheval et mettre ses armes et son bouclier au soleil.
– Seigneur, dit la demoiselle, mon frère ne se nomme pas Par-lui-fait, mais son nom de baptême est Perlesvaus, et l’on ne connaît nul plus beau chevalier, disent tous ceux qui l’ont vu.
– Assurément, dit le Roi Pêcheur, je n’ai jamais vu plus beau ni meilleur chevalier que celui qui s’est arrêté dans ce château, et je sais bien qu’il est tel, car autrement il n’aurait pu pénétrer en ces lieux. Mais j’ai été mal récompensé de l’avoir accueilli, car depuis je ne peux plus être d’aucune aide à personne. Messire Gauvain, au nom de Dieu, ne m’oubliez pas cette nuit, car j’ai grande confiance en votre valeur.
– Assurément, seigneur, s’il plaît à Dieu, je n’accomplirai rien que l’on puisse me reprocher.
Messire Gauvain fut alors conduit dans la grande salle, où se trouvaient vingt-deux vieux chevaliers aux cheveux blancs, qui cependant ne paraissaient pas aussi âgés qu’ils l’étaient : ils semblaient avoir à peine quarante ans, et pourtant tous en avaient cent ou davantage. Ils installèrent messire Gauvain à une magnifique table d’ivoire, puis s’assirent à ses côtés.
– Seigneur, lui dit le plus noble des chevaliers, qu’il vous souvienne de ce dont le roi vous a prié.
– Seigneur, répondit messire Gauvain, qu’il en souvienne à Dieu !
On lui apporta alors un rôti de cerf et d’autres gibiers en quantité c’est de la vaisselle d’or qu’il y avait sur la table du roi, et de grands hanaps à couvercles, et de très beaux chandeliers d’or qui soutenaient de grosses chandelles - mais la clarté qui inondait le château obscurcissait la leur. C’est alors que sortirent d’une chapelle deux, demoiselles : l’une tenait entre ses deux mains le très Saint Graal, et l’autre la Lance dont la pointe laisse sourdre le sang dans le saint vase, et elles s’avançaient côte à côte. Elles entrèrent dans la salle où’ les chevaliers et messire Gauvain étaient en train de dîner. Messire Gauvain regarda le Graal, et il lui sembla voir une chandelle 1 à l’intérieur, telle qu’il y en avait fort peu en ce temps-là ; il aperçut 1d pointe de la lance d’où tombait le sang vermeil, et il lui sembla qu’il voyait deux anges portant deux chandeliers d’or allumés. Les demol4 selles passèrent devant lui et entrèrent dans une autre chapelle.
Messire Gauvain est totalement absorbé dans ses pensées, et il est saisi d’une joie si intense qu’il oublie tout et ne pense qu’à Dieu. Les’ chevaliers le regardent, tristes et accablés. Mais voici que les deux jeunes femmes ressortent de la chapelle et repassent devant messim Gauvain ; il croit voir trois anges là où auparavant il n’en avait vtp que deux, et il lui semble voir dans le Graal la silhouette d’un enfant
Le plus noble des chevaliers interpelle messire Gauvain, mais celui-ci regarde devant lui et voit tomber trois gouttes de sang sur la table : tout absorbé dans sa contemplation, il ne dit mot. Les demoiselles s’éloignent, et les chevaliers, tout alarmés, se regardent l’un l’autre. Messire Gauvain ne pouvait détacher son regard des trois gouttes de sang, mais quand il voulut les toucher, elles lui échappèrent, ce qui l’emplit de tristesse, car il ne put réussir à les atteindre ni de la main ni autrement.
Et voici que les demoiselles passent une fois encore devant la table : messire Gauvain croit en voir trois cette fois-ci ; il lève les yeux, et il lui semble que le Graal est suspendu dans les airs. Et il lui semble voir au-dessus un homme cloué sur une croix, une lance fichée au côté : messire Gauvain le contemple et éprouve une profonde compassion pote lui ; il ne pense qu’à une seule chose, aux souffrances qu’endure le Roi. Le plus noble des chevaliers l’exhorte à nouveau à parler et lui dit que s’il tarde davantage, il n’en aura jamais plus l’occasion. Mais messire Gauvain se tait : il n’entend même pas le chevalier, et regarde vers le haut. Et les demoiselles retournent dans la chapelle, emportant le très Saint Graal et la Lance ; les chevaliers font ôter les nappes et quittent la table, puis se retirent dans une autre pièce, laissant messire Gauvain tout seul. Celui-ci regarde autour de lui et voit les portes fermées ; il regarde au pied du lit : deux chandeliers brûlaient devant l’échiquier, et les pièces du jeu d’échecs étaient disposées dessus, les unes étaient d’ivoire et les autres d’or. Messire Gauvain se mit à jouer en prenant celles d’ivoire, mais celles d’or jouèrent contre lui et le mirent échec et mat par deux fois. La troisième fois, voyant qu’il avait le dessous alors qu’il voulait prendre sa revanche, il renversa les pièces ; une demoiselle sortit d’une pièce et ordonna à un écuyer de prendre l’échiquier et les pièces et de les emporter. Messire Gauvain, qui ressentait la fatigue des longues journées du voyage qui l’avait conduit au château, s’assoupit et dormit sur le lit jusqu’au lendemain matin, au lever du jour, quand il entendit un cor qui sonnait bruyamment. Il s’équipa aussitôt et voulut aller prendre congé du Roi Pêcheur, mais il trouva les portes fermées, de sorte qu’il ne put pénétrer dans les autres pièces ; il entendait que l’on célébrait une messe solennelle dans une chapelle, et il étaitrtrès malheureux de ne pouvoir y assister. Une demoiselle entra dans la salle et lui dit
– Seigneur, vous entendez l’office et l’allégresse que suscite la présence de l’épée que vous avez apportée au bon roi ? Si vous vous trouviez dans la chapelle, votre coeur serait empli de joie, mais l’entrée vous en est interdite à cause de quelques paroles que vous avez omis de prononcer. Le seuil de cette chapelle est sacré, à cause des saintes reliques qui s’y trouvent, et ni prêtre ni personne ne peut y pénétrer entre le samedi à midi et le lundi après la messe. On y entend l’office le plus magnifique et les voix les plus suaves que l’on puisse entendre dans une chapelle.
Messire Gauvain, profondément affligé, ne répond mot, et la demoiselle ajoute
– Seigneur, que Dieu vous protège, quelle qu’ait été votre attitude, car il me semble qu’il ne vous a manqué que la volonté de prononcer les paroles qui auraient ramené la joie dans ce château.
Puis elle s’en alla ; messire Gauvain entendit le cor sonner une seconde fois, et une voix se fit entendre, venant de tout en haut - Celui qui n’est pas d’ici, qu’il s’en aille, qui qu’il soit ; car les ponts sont abaissés, la porte est ouverte, et le lion est en sa cage ; ensuite il faudra à nouveau relever les ponts-levis, à cause du Roi du Château Mortel, qui fait la guerre aux habitants de ce château, et ce sera là, sans aucun doute, la cause de sa mort.
Messire Gauvain sortit de la salle et trouva sa monture et ses armes toutes prêtes au bas du perron. Il monta à cheval et sortit du château : les ponts s’offraient à son regard, vastes et larges ; il s’en alla à vive allure, suivant une large rivière qui courait à travers une vallée et le conduisit jusqu’à une forêt. C’est alors que se leva un violent orage accompagné de pluie et de tonnerre : il semblait que les arbres dussent être déracinés. La pluie et le vent étaient si forts qu’il dut mettre son bouclier sur le cou de son cheval, pour éviter qu’il ne soit étouffé par l’eau. Avançant avec difficulté, il continua de suivre le cours de la rivière à travers la forêt, jusqu’au moment où, dans une clairière de l’autre côté de l’eau, il vit s’approcher un chevalier et une jeune femme qui chevauchaient avec beaucoup d’aisance, bien droits sur leurs étriers. Le chevalier avait un oiseau sur son poing, et la jeune femme portait une coiffe brodée d’or. Deux chiens de chasse suivaient le chevalier. Le soleil étincelait sur la prairie, et l’air était clair et transparent. Messire Gauvain était stupéfait de voir que de son côté il pleuvait si fort, alors que dans la clairière où s’avançait le chevalier il faisait grand soleil et très beau temps : les deux cavaliers semblaient prendre grand plaisir à leur promenade ; il ne pouvait rien leur demander, car ils étaient trop loin ; mais il aperçut de l’autre côté de la rivière, un peu plus près de lui, un écuyer qui appartenait au chevalier.
– Cher ami, dit messire Gauvain, comment se fait-il qu’il pleuve sur moi de ce côté-ci de la rivière, et qu’il ne pleuve pas de l’autre côté ?
– Seigneur, répondit le jeune homme, c’est que vous l’avez mérité, car telle est la coutume de cette forêt. - Devrai-je supporter encore longtemps cet orage ?
– Il cessera au premier pont que vous atteindrez, répondit l’écuyer.
Messire Gauvain continua sa route, et l’orage se fit de plus en plus fort, jusqu’au moment où il parvint à un pont : il le franchit et entra dans la prairie ; il put alors remettre comme il le fallait son bouclier à son cou. II aperçut alors, juste devant lui, un château où il semblait y avoir une foule joyeuse et animée.
(Gauvain pénètre dans ce Château de la Joie, mais tous l’évitent ; un chevalier lui explique leur attitude : ils savent qu’il a omis de parler lorsqu’il le fallait. Continuant sa route, Gauvain traverse une contrée désolée et parvient d un château misérable ; un chevalier qui arrive, blessé d mort, lui donne des nouvelles de Lancelot : il est en train de se battre dans la forêt contre quatre chevaliers, et c’est en voulant l’aider qu’il a été blessé. Gauvain part aussitôt au secours de Lancelot et .l’aide d vaincre ses adversaires, mais l’un d’eux leur échappe. Ils retournent au Pauvre Château et y passent la nuit, puis repartent au matin ; Gauvain raconte à Lancelot sa mésaventure au Château du Graal, où Lancelot désire se rendre ; puis ils se séparent ; Gauvain a l’intention de rejoindre la cour d’Arthur, et Lancelot pénètre dans la forêt.)
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