mercredi 3 octobre 2007, par
Toute la journée, les Touaregs avaient suivi la colonne, et ils s’installèrent sur un plateau voisin pour surveiller les mouvements du camp. Après avoir longtemps observé la mission, ils agitèrent une étoffe blanche, et un Touareg vint annoncer qu’ils avaient des dattes, et qu’ils apporteraient les moutons le soir. Trois tirailleurs partis avec Sassi ben Chaïb revinrent porteurs de trois boisseaux de dattes. Elles étaient ensablées, mais ce n’était pas le moment d’être difficiles. Dianous les répartit équitablement : chaque homme avala sa ration, à l’exception de Santin, trop fiévreux pour manger quoi que ce soit, et des sentinelles qui veillaient.
Tout à coup les hommes parurent pris de folie. Ils se mirent à courir en tous sens, les uns s’enfuirent avec des gestes de déments, les autres tombèrent à terre en proie à d’étranges convulsions. Le camp entier retentissait de hurlements, des tirailleurs se jetaient sur les sentinelles ou se tordaient sur le sable. Dianous sortit son revolver, vida son barillet au hasard, en brandissant un mousqueton. Atterrés, au milieu des cris et des vociférations, H Madani et les Chaamba ramenèrent les fuyards et les forcèrent à boire de l’eau chaude, jusqu’à ce qu’ils eussent vomi.
La bettina ! Les Touaregs avaient mélangé aux dattes cette plante aux feuilles vert foncé tachetées de violet, poison violent qui rend les hommes fous.
Dès l’aube, après avoir redouté toute la nuit une attaque des Touaregs - attaque qui eût été fatale - El Madani compta la colonne. Quatre tirailleurs et le mokkadem manquaient à l’appel.
Dianous, qui reprenait peu à peu conscience, commanda le départ pour le jour même et retomba dans une sorte de torpeur. Vers midi, la troupe, réduite à 51 hommes, arriva au ravin qui s’ouvrait dans le flanc du mont Tassili. Tout près de là se situait le point d’eau d’Armand, véritable paradis à la végétation abondante...
Les Touaregs avaient devancé la colonne. Ils fermaient la route qui conduisait à la source, décidés à faire payer cher à ces hommes leur victoire sur l’Amadghor.
La gorge brûlée par la soif, les hommes de Dianous se préparèrent au combat. La haine leur donnait des forces nouvelles. Trois sections se portèrent à l’avant : le lieutenant au centre, flanqué à sa gauche par Pobéguin, à sa droite par El Madani. On relégua à l’arrière Santin et quatre tirailleurs que le poison laissait encore hébétés ainsi que les deux chameaux.
La première salve de l’officier désarçonna dix méharistes touaregs.
Bousculé par la puissance de feu du 74, le rezzou battit en retraite et se terra dans les cavités de la falaise.
Une heure durant, Dianous et ses hommes abattirent les guerriers mal dissimulés qui n’osèrent pas, en dépit de leur supériorité numérique, s’aventurer sur les pentes.
Pour jeter l’épouvante dans les rangs ennemis, les Touaregs poussèrent devant eux cinq hommes sur la crête. Horrifié, ne pouvant tirer, le lieutenant reconnut le mokkadem et les quatre tirailleurs que l’adversaire avait capturés la veille.
Malgré leurs supplications, ils furent
basculés, d’un coup de sabre, dans l’abîme.
A ce spectacle, Dianous, hors de lui, se leva d’un bond. Une pluie de balles le plaqua au sol. Sans un mot, il expira.
Profitant de la stupeur qu’ils avaient provoquée, les Touaregs tentèrent une attaque. Les lances pointées, ils chargèrent. Quatre hommes furent tués, six grièvement blessés. Pobéguin et El Madani se ressaisirent à temps et repoussèrent l’assaut de l’ennemi.
Une seconde fois, en laissant de nombreux morts, le rezzou reflua en désordre.
Brame s’élança pour reprendre aux Touaregs le corps du lieutenant. Un Touareg bondit et le transperça de sa javeline. Marjolet et trois tirailleurs, pris de délire, quittèrent Santin, gagnèrent la ligne de feu, où, à leur tour, ils s’effondrèrent.
Quand le soir arriva, les Touaregs demeurèrent cachés. Leurs pertes leur avaient appris que tout assaut était vain. Mais ils s’accrochèrent aux flancs de la montagne et leurs fusils interdirent l’accès du couloir qui menait à la source. A huit heures, un Chaambi vint apprendre à Pobéguin la mort de l’ingénieur. Le sergent restait le seul Français.
sources"Le journal de la France" hebdomadaire ed Tallandier 1970
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