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La vie de Jules César par Plutarque - 1e partie

, par

Présentation

 I. Inimitié de césar et de Sylla.
 II. César pris par des corsaires les traite avec beaucoup de fierté et les fait pendre ensuite.
 III. Son grand talent pour l’éloquence.
 IV. Sa faveur auprès du peuple.
 V. Il fait l’oraison funèbre de sa femme, et épouse ensuite Pompéia.
 VI. Il place dans le Capitole les tableaux de Marius et de ses victoires.
 VII. Il est nommé grand pontife.
 VIII. On reproche à cette occasion à Cicéron de l’avoir épargné lors de la conjuration de Catilina.
 IX. Le sénat, pour contre-balancer le crédit de César, fait distribuer du blé au peuple.
 X. Clodius, s’introduit chez Pompéia, femme de César, pendant les mystères de la Bonne-Déesse.
 XI. César répudie sa femme, et Clodius est absous par la faveur du peuple.
 XII. Conduite de César en Espagne, dont il avait été nommé gouverneur.
 XIII. Il réconcilie Pompée et Crassus.
 XIV. Il obtient le consulat par leur crédit. Conduite odieuse de César et de Pompée.
 XV. César fait arrêter Caton, et le relâche aussitôt.
 XVI. Sommaire des succès de César dans les Gaules.
 XVII. Exemples de l’attachement qu’il inspirait aux officiers et aux soldats.
 XVIII. Comment il gagne leur affection

Extrait

Il savait inspirer à ses soldats une affection et une ardeur si vives, que ceux qui, sous d’autres chefs et dans d’autres guerres, ne différaient pas des soldats ordinaires, devenaient invincibles sous César et ne trouvaient rien qui pût résister à l’impétuosité avec laquelle ils se précipitaient, dans les plus grands dangers.

Texte

I. Sylla, devenu maître de Rome et n’ayant pu, ni par ses promesses, ni par ses menaces déterminer César à répudier Cornélie, fille de Cinna, celui qui avait exercé la souveraine puissance, confisqua la dot de sa femme. La parenté de César avec le vieux Marius fut la cause de son inimitié pour Sylla. Marius avait épousé Julie , sœur du père de César, et en avait eu le jeune Marius, qui par-là était cousin-germain de César. Dans les commencements des proscriptions, Sylla, distrait par beaucoup d’autres soins et par le grand nombre de victimes qu’il immolait chaque jour, ne songea pas à César, qui , au lieu de se laisser oublier , se mit sur les rangs pour le sacerdoce et se présenta devant le peuple pour le briguer, quoiqu’il fût dans la première jeunesse. Sylla, par son opposition, fit rejeter sa demande ; il voulut même le faire mourir. Et comme ses amis lui représentaient qu’il n’y aurait pas de raison de sacrifier un si jeune enfant : « Vous êtes vous-mêmes, leur répondit-il, bien peu avisés de ne pas voir dans cet enfant plusieurs Marius. » César, à qui cette parole fut rapportée, crut devoir se cacher, et il erra longtemps dans le pays des Sabins. Un jour qu’il était malade et qu’il fut obligé de se faire porter pour changer de maison, il tomba la nuit entre les mains des soldats de Sylla, qui faisaient des recherches dans ce canton et emmenaient tous ceux qu’ils y trouvaient cachés. Il donna deux talents à Cornélius, leur capitaine, qui à ce prix favorisa son évasion. Il gagna aussitôt les bords de la mer ; et s’étant embarqué , il se retira en Bithynie, auprès du roi Nicomède.

II. Après y avoir séjourné peu de temps, il se remit en mer et fut pris auprès de l’île de Pharmacuse par des pirates, qui , ayant déjà des flottes considérables et un nombre infini de petits vaisseaux, s’étaient rendus maîtres de toute cette mer. Ces pirates lui demandèrent vingt talents pour sa rançon ; il se moqua d’eux de ne pas savoir quel était leur prisonnier et il leur en promit cinquante. Il envoya ceux qui l’accompagnaient dans différentes villes pour y ramasser cette somme, et ne retint qu’un seul de ses amis et deux domestiques, avec lesquels il resta au milieu de ces corsaires ciliciens, les plus sanguinaires des hommes ; il les traitait avec tant de mépris, que lorsqu’il voulait dormir, il leur faisait dire de garder un profond silence. Il passa trente-huit jours avec eux, moins comme leur prisonnier, que comme un prince entouré de ses gardes. Plein de sécurité, il jouait et faisait avec eux ses exercices, composait des poèmes et des harangues qu’il leur lisait ; et lorsqu’ils n’avaient pas l’air de les admirer, il les traitait sans ménagement d’ignorants et de Barbares : quelquefois même il les menaçait, en riant, de les faire pendre Ils aimaient cette franchise, qu’ils prenaient pour une simplicité et une gaieté naturelles. Quand il eut reçu de Milet sa rançon et qu’il la leur eut payée, il ne fut pas plus tôt en liberté, qu’il équipa quelques vaisseaux dans le port de cette ville et cingla vers ces pirates, qu’il surprit à l’ancre dans la rade même de l’île ; il en prit un grand nombre et s’empara de tout leur butin. De là il les conduisit à Pergame, où il les fit charger de fers, et alla trouver Junius, à qui il appartenait, comme préteur d’Asie, de les punir. Junius, ayant jeté un oeil de cupidité sur leur argent, qui était considérable, lui dit qu’il examinerait à loisir ce qu’il devait faire de ces prisonniers. César, laissant là le préteur et retournant à Pergame, fit pendre tous ces pirates, comme il le leur avait souvent annoncé dans l’île , où ils prenaient ses menaces pour des plaisanteries.

III. Lorsque la puissance de Sylla eut commencé à s’affaiblir et que les amis de César lui eurent écrit de revenir à Rome, il alla d’abord à Rhodes pour y prendre des leçons d’Apollonius Molon, celui dont Cicéron avait été l’auditeur, qui enseignait la rhétorique avec beaucoup de succès, et qui d’ailleurs avait la réputation d’un homme vertueux. On dit que César, né avec les dispositions les plus heureuses pour l’éloquence politique, avait cultivé avec tant de soin ce talent naturel, que, de l’aveu de tout le monde, il tenait le second rang parmi les orateurs de Rome ; et il aurait eu le premier, s’il n’eût pas renoncé aux exercices du barreau, pour acquérir, par les talents militaires, la supériorité du pouvoir. Détourné par d’autres soins, il ne put parvenir, dans l’éloquence, à la perfection pour laquelle la nature l’avait fait ; il se livra uniquement au métier des armes et aux affaires politiques, qui le conduisirent enfin à la suprême puissance. Aussi, dans la réponse qu’il fit longtemps après à l’éloge que Cicéron avait fait de Caton, il prie les lecteurs de ne pas comparer le style d’un homme de guerre avec celui d’un excellent orateur, qui s’occupait à loisir de ces sortes d’études. De retour à Rome, il accusa Dolabella de concussions dans le gouvernement de sa province, et trouva dans les villes de la Grèce un grand nombre de témoins qui déposèrent contre l’accusé. Cependant Dolabella fut absous ; et César, pour reconnaître la bonne volonté des Grecs, plaida contre Antoine, qu’ils accusaient de malversations , devant Marcus Lucullus, préteur de la Macédoine. II parla avec tant d’éloquence, qu’Antoine, qui craignit d’être condamné, en appela aux tribuns du peuple, sous prétexte qu’il ne pourrait obtenir justice contre les Grecs dans la Grèce même.

IV. A Rome, les grâces de son éloquence brillèrent au barreau, et lui acquirent une grande faveur. En même temps que son affabilité, sa politesse, l’accueil gracieux qu’il faisait à tout le monde, qualités qu ’ill possédait à un degré au-dessus de son âge, lui méritaient l’affection du peuple ; d’un autre côté, la somptuosité de sa table et sa magnificence dans toute sa manière de vivre, accrurent peu à peu son influence et son pouvoir dans le gouvernement. D’abord ses envieux, persuadés que faute de pouvoir suffire à cette dépense excessive, il verrait bientôt sa puissance s’éclipser, firent peu d’attention aux progrès qu’elle faisait parmi le peuple. Mais quand elle se fut tellement fortifiée qu’il n’était plus possible de la renverser et qu’elle tendait visiblement à ruiner la république, ils sentirent, mais trop tard, qu’il n’est pas de commencement si faible qui ne s’accroisse promptement par la persévérance, lorsqu’en méprisant ses premiers efforts on n’a pas mis obstacle à ses progrès. Cicéron paraît avoir été le premier à soupçonner et à craindre la douceur de sa conduite politique, qu’il comparait à la bonace de la mer, et à reconnaître la méchanceté de son caractère sous ce dehors de politesse et de grâce dont il la couvrait. « J’aperçois, disait cet orateur, dans tous ses projets et dans toutes ses actions des vues tyranniques ; mais quand je regarde ses cheveux si artistement arrangés, quand je le vois se gratter la tête du bout du doigt, je ne puis croire qu’un tel homme puisse concevoir le dessein si noir de renverser la république. » Mais cela ne fut dit que longtemps après.

V. César reçut une première marque de l’affection du peuple lorsqu’il se trouva en concurrence avec Caïus Pompilius , pour l’emploi de tribun des soldats ; il fut nommé le premier. Il en eut une seconde encore plus grande quand , à la mort de la femme de Marius, dont il était le neveu, il prononça avec beaucoup d’éclat son oraison funèbre dans la place publique, et qu’il osa faire porter à son convoi les images de Marius, qui n’avaient pas encore paru depuis que Sylla, maître dans Rome, avait fait déclarer Marius et ses partisans ennemis de la patrie. Quelques personnes s’étant récriées sur cette audace, le peuple s’éleva hautement contre elles, et par les applaudissements les plus prononcés témoigna son admiration pour le courage que César avait eu de rappeler, pour ainsi dire, des enfers les honneurs de Marius, ensevelis depuis si longtemps. C’était de toute ancienneté la coutume des Romains de faire l’oraison funèbre des femmes qui mouraient âgées ; mais cet usage n’avait pas lieu pour les jeunes femmes. César fut le premier qui prononça celle de sa femme, morte fort jeune. Cette nouveauté lui fit honneur, lui concilia la faveur publique et le rendit cher au peuple, qui vit dans cette sensibilité une marque de ses mœurs douces et honnêtes. Après avoir fait les obsèques de sa femme, il alla questeur en Espagne sous le préteur Véter, qu’il honora depuis tant qu’il vécut, et dont il nomma le fils son questeur, quand il fut parvenu lui-même à la préture. Au retour de sa questure, il épousa en troisièmes noces Pompéia ; il avait de Cornélie, sa première femme, une fille, qui par la suite fut mariée au grand Pompée. Sa dépense, toujours excessive, faisait croire qu’il achetait chèrement une gloire fragile et presque éphémère ; mais, dans la vérité, il acquérait à vil prix les choses les plus précieuses. On assure qu’avant d’avoir obtenu aucune charge, il était endetté de treize cents talents. Mais le sacrifice d’une grande partie de sa fortune, soit dans 1’ intendance des réparations de la voie Appienne, soit dans son édilité, où il fit combattre devant le peuple trois cent. vingt paires de gladiateurs ; la somptuosité des jeux, des fêtes et des festins qu’il donna et qui effaçaient tout ce qu’on avait fait avant lui de plus brillant, inspirèrent au peuple une telle affection qu’il n’y eut personne qui ne cherchât à lui procurer de nouvelles charges et de nouveaux honneurs, pour le récompenser de sa magnificence.

VI. Rome était alors divisée en deux factions, celle de Sylla, toujours très puissante ; et celle de Marius, qui, réduite à une grande faiblesse et presque dissipée, osait à peine se montrer. César voulut relever et ranimer cette dernière : lorsque les dépenses de son édilité lui donnaient le plus d’éclat dans Rome, il fit faire secrètement des images de Marius, avec des victoires qui portaient des trophées ; et une nuit il les plaça dans le Capitole. Le lendemain, quand on vit ces images tout éclatantes d’or et travaillées avec le plus grand art, dont les inscriptions faisaient connaître que c’étaient les victoires de Marius sur les Cimbres, on fut effrayé de l’audace de celui qui les avait placées : car on ne pouvait s’y méprendre. Le bruit qui s’en répandit aussitôt attira tout le monde à ce spectacle : les uns disaient hautement que César aspirait à la tyrannie, en ressuscitant des honneurs qui avaient été comme ensevelis par des lois et des décrets publics : que c’était un essai qu’il faisait pour sonder les dispositions du peuple, déjà amorcé par sa magnificence ; et pour voir si, assez apprivoisé par les fêtes publiques qu’il lui avait données avec tant d’ostentation, il lui laisserait jouer de pareils jeux et entreprendre des nouveautés si téméraires. Les partisans de Marius, de leur côté, enhardis par son audace, se rassemblèrent en très grand nombre et remplirent le Capitole du bruit de leurs applaudissements ; plusieurs même d’entre eux, en voyant la figure de Marius, versaient des larmes de joie ; ils élevaient César jusqu’aux nues et disaient qu’il était seul digne de la parenté de Marius. Le sénat s’étant assemblé, Catulus Lutatius, le plus estimé de tous les Romains de son temps, se leva, et parlant avec force contre César, il dit cette parole si souvent répétée depuis : Que César n’attaquait plus la république par des mines secrètes, et qu’il dressait ouvertement contre elle toutes ses batteries. Mais César s’étant justifié auprès du sénat, ses admirateurs en conçurent de plus hautes espérances ; ils l’encouragèrent à conserver toute sa grandeur d’âme et à ne plier devant personne, en l’assurant que, soutenu de la faveur du peuple, il l’emporterait sur tous ses rivaux et aurait un jour le premier rang dans Rome.

VII. La mort de Métellus ayant laissé vacante la place de grand-pontife, ce sacerdoce fut brigué avec chaleur par Isauricus et Catulus, deux des plus illustres personnages de Rome, et qui avaient le plus d’autorité dans le sénat. César, loin de céder à leur dignité, se présenta devant le peuple et opposa sa brigue à celle de ces deux rivaux. Les trois compétiteurs avaient également de quoi soutenir leurs prétentions. Catulus, qui, avec plus de dignité personnelle, craignait davantage l’issue de cette rivalité, fit offrir secrètement à César des sommes considérables, s’il voulait se désister de sa poursuite ; César répondit qu’il en emprunterait de plus grandes encore pour soutenir sa brigue. Le jour de l’élection, sa mère l’accompagna tout en larmes jusqu’à la porte de sa maison.« Ma mère, lui dit César en l’embrassant, vous verrez aujourd’hui votre fils ou grand-pontife ou banni. » Quand on recueillit les suffrages, les contestations furent très vives ; mais enfin César l’emporta, et un tel succès fit craindre au sénat et aux meilleurs citoyens qu’il ne prît assez d’ascendant sur le peuple, pour le porter aux plus grands excès.

VIII. Ce fut alors que Pison et Catulus blâmèrent fort Cicéron d’avoir épargné César, qui avait donné prise sur lui dans la conjuration de Catilina. Celui-ci avait formé le complot, non seulement de changer la forme du gouvernement, mais encore d’anéantir la république et de détruire l’empire romain. Dénoncé sur des indices assez légers, il sortit de Rome avant que tous ses projets eussent été découverts ; mais il laissa Lentulus et Céthégus pour le remplacer dans la conduite de la conjuration. Il est douteux si César encouragea secrètement ces hommes audacieux et leur donna même quelques secours ; ce qu’il y a de certain, c’est que ces deux conjurés ayant été convaincus par les preuves les plus évidentes, et Cicéron, alors consul, ayant demandé l’avis de chaque sénateur sur la punition des coupables, tous opinèrent à la mort, jusqu’à César, qui, s’étant levé, fit un discours préparé avec le plus grand soin ; il soutint qu’il n’était conforme ni à la justice, ni aux coutumes des Romains, à moins d’une extrême nécessité, de faire mourir des hommes distingués par leur naissance et par leur dignité, sans leur avoir fait leur procès dans les formes ; qu’il lui paraissait plus juste de les renfermer étroitement dans telles villes de l’Italie que Cicéron voudrait choisir, jusqu’après la défaite de Catilina ; qu’alors le sénat pourrait, pendant la paix, délibérer à loisir sur ce qu’il conviendrait de faire de ces accusés. Cet avis, qui parut plus humain et qu’il avait appuyé de toute la force de son éloquence, fit une telle impression, qu’il fut adopté par tous les sénateurs qui parlèrent après lui ; plusieurs même de ceux qui avaient déjà opiné revinrent à son sentiment ; mais lorsque Caton et Catulus furent en tour de dire leur avis, ils s’élevèrent avec force contre l’opinion de César ; Caton surtout ayant insisté sans ménagement sur les soupçons qu’on avait contre lui, les ayant même fortifiés par de nouvelles preuves, les conjurés furent envoyés au supplice, et lorsque César sortit du sénat, plusieurs des jeunes Romains qui servaient alors de gardes à Cicéron coururent sur lui l’épée nue à la main ; mais Curion le couvrit de sa toge et lui donna le moyen de s’échapper. Cicéron lui-même, sur qui ces jeunes gens jetèrent les yeux, comme pour recevoir de lui l’ordre de le tuer, les arrêta , soit qu’il craignît le peuple, soit qu’il crût ce meurtre tout à fait injuste et contraire aux lois. Si ces particularités sont vraies, je ne sais pourquoi Cicéron n’en a rien dit dans l’histoire de son consulat ; mais dans la suite il fut blâmé de n’avoir pas saisi une occasion si favorable de se défaire de César, et d’avoir trop redouté l’affection singulière du peuple pour ce jeune Romain.

IX. On eut, peu de jours après, une nouvelle preuve de cette faveur populaire. César étant entré au sénat pour se justifier des soupçons qu’on avait conçus contre lui, y essuya les plus violents reproches. Comme l’assemblée se prolongeait au-delà du terme ordinaire, le peuple accourut en foule, environna le sénat en jetant de grands cris, et demanda, d’un ton impérieux, qu’on laissât sortir César. Caton, qui craignait quelque entreprise de la part des indigents de Rome, de ces boute-feux de la multitude, qui avaient mis en César toutes leurs espérances, conseilla au sénat de faire tous les mois, à cette classe du peuple, une distribution de blé, qui n’ajouterait aux dépenses ordinaires de l’année que cinq millions cinq cent mille sesterces. Cette sage politique fit évanouir pour le moment la crainte du sénat ; elle affaiblit et dissipa même en grande partie l’influence de César, dans un temps où l’autorité de la préture allait le rendre bien plus redoutable. Cependant il ne s’éleva point de trouble ; au contraire, il éprouva lui-même une aventure domestique qui lui fut très désagréable.

X. II y avait à Rome un jeune patricien nommé Publius Clodius, distingué par ses richesses et par son éloquence ; mais qui, en insolence et en audace, ne le cédait à aucun des hommes les plus fameux par leur scélératesse. Il aimait Pompéia, femme de César, qui , elle-même, avait du goût pour lui ; mais son appartement était gardé avec le plus grand soin : Aurélia, mère de César, femme d’une grande vertu, veillait de si près sur sa belle-fille , que les occasions de la voir et de lui parler étaient pour Clodius aussi difficiles que dangereuses. Les Romains adorent une divinité qu’ils nomment la Bonne-Déesse , comme les Grecs ont leur Gynécée, ou la déesse des femmes. Les Phrygiens, qui veulent se l’approprier, disent qu’elle était mère du roi Midas ; les Romains prétendent que leur Bonne-Déesse est une nymphe dryade, qui eut commerce avec le dieu Faune ; et les Grecs veulent que ce soit celle des mères de Bacchus qu’il n’est par permis de nommer : aussi, quand les femmes célèbrent sa fête, elles couvrent leurs tentes de branches de vignes ; et, suivant la fable, un dragon sacré se tient au pied de la statue de la déesse. Tant que ses mystères durent, il n’est permis à aucun homme d’entrer dans la maison où on les célèbre. Les femmes, retirées dans un lieu séparé, pratiquent plusieurs cérémonies conformes à celles qu’on observe dans les mystères d’Orphée. Lorsque le temps de la fête est venu, le consul ou le préteur (car c’est toujours chez l’un ou l’autre qu’elle est célébrée) sort de chez lui, avec tous les hommes qui habitent dans sa maison. La femme, qui en est restée la maîtresse, l’orne avec la décence convenable ; les principales cérémonies se font la nuit, et ces veillées sont mêlées de divertissements et de concerts. L’année de la préture de César, Pompéia fut chargée dé célébrer cette fête. Clodius, qui n’avait pas encore de barbe, se flattant de n’être pas reconnu , prit l’habillement d’une ménétrière, sous lequel il avait tout l’air d’une jeune femme. II trouva les portes ouvertes et fut introduit sans obstacle par une des esclaves de Pompéia, qui était dans la confidence et qui le quitta pour aller avertir sa maîtresse : comme elle tardait à revenir, Clodius n’osa pas l’attendre dans l’endroit où elle l’avait laissé. II errait de tous côtés dans cette vaste maison et évitait avec soin les lumières, lorsqu’il fut rencontré par une des femmes d’Aurélia, qui, croyant parler à une personne de son sexe, voulut l’arrêter et jouer avec lui : étonnée du refus qu’il en fit, elle le traîna au milieu de la salle et lui demanda qui elle était et d’où elle venait. Clodius lui répondit qu’il attendait Abra , l’esclave de Pompéia ; mais sa voix le trahit ; et cette femme, s’étant rapprochée des lumières et de la compagnie, cria qu’elle venait de surprendre un homme dans les appartements. L’effroi saisit toutes les femmes : Aurélia fit cesser aussitôt les cérémonies et voiler les choses sacrées. Elle ordonna de fermer les portes, visita elle-même toute la maison avec des flambeaux et fit les recherches les plus exactes. On trouva Clodius caché dans la chambre de l’esclave qui l’avait introduit chez Pompéia ; il fut reconnu par toutes les femmes et chassé ignominieusement. Elles sortirent de la maison dans la nuit même et allèrent raconter à leurs maris ce qui venait de se passer.

XI. Le lendemain, toute la ville fut informée que Clodius avait commis un sacrilège horrible ; et l’on disait partout qu’il fallait le punir rigoureusement, pour faire une réparation éclatante, non seulement à ceux qu’il avait personnellement offensés, mais encore à la ville et aux dieux qu’il avait outragés. Il fut cité par un des tribuns devant les juges, comme coupable d’impiété ; les principaux d’entre les sénateurs parlèrent avec force contre lui, et l’accusèrent de plusieurs autres grands crimes, en particulier d’un commerce incestueux avec sa propre sœur, femme de Lucullus. Mais le peuple s’étant opposé à des poursuites si vives, et ayant pris la défense de Clodius, lui fut d’un grand secours auprès des juges que cette opposition étonna, et qui craignirent les fureurs de la multitude. César répudia sur-le-champ Pompéia ; et appelé en témoignage contre Clodius, il déclara qu’il n’avait aucune connaissance des faits qu’on imputait à l’accusé. Cette déclaration ayant paru fort étrange, l’accusateur lui demanda pourquoi donc il avait répudié sa femme : « C’est, répondit-il, que ma femme ne doit pas même être soupçonnée. » Les uns prétendent que César parla comme il pensait ; d’autres croient qu’il cherchait à plaire au peuple, qui voulait sauver Clodius. L’accusé fut

donc absous, parce que la plupart des juges donnèrent leur avis sur plusieurs affaires à la fois, afin , d’un côté, de ne pas s’attirer, par sa condamnation, le ressentiment du peuple ; et, de l’autre, pour ne pas se déshonorer aux yeux des bons citoyens par une, absolution formelle.

XII. César, en sortant de la préture, fut désigné par le sort pour aller commander en Espagne. Ses créanciers, qu’il était hors d’état de satisfaire, le voyant sur son départ, vinrent crier après lui et solliciter le paiement de leurs créances. II eut donc recours à Crassus, le plus riche des Romains, qui avait besoin de la chaleur et de l’activité de César pour se soutenir contre Pompée, son rival en administration. Crassus s’engagea envers les créanciers les plus difficiles et les moins traitables, pour la somme de huit cent trente talents. César, dont il se rendit caution, fut libre de partir pour son

gouvernement. On dit qu’en traversant les Alpes, il passa dans une petite ville occupée par des Barbares, et qui n’avait qu’un petit nombre de misérables habitants. Ses amis lui ayant demandé, en plaisantant, s’il croyait qu’il y eût dans cette ville des brigues pour les charges, des rivalités pour le premier rang, des jalousies entre les citoyens les plus puissants, César leur répondit très sérieusement qu’il aimerait mieux être le premier parmi ces Barbares que le second dans Rome. Pendant son séjour en Espagne, il lisait, un jour de loisir, des particularités de la vie d’Alexandre ; et, après quelques moments de réflexion, il se mit à pleurer. Ses amis, étonnés, lui en demandèrent la cause. « N’est-ce pas pour moi, leur dit-il, un juste sujet de douleur, qu’Alexandre, à l’âge où je suis, eût déjà conquis tant de royaumes, et que je n’aie encore rien fait de mémorable ? » A peine arrivé en Espagne il ne perdit pas un moment, et en peu de jours il eut mis sur pied dix cohortes, qu’il joignit aux vingt qu’il y avait trouvées : marchant à leur tête contre les Calléciens et les Lusitaniens, il vainquit ces deux peuples, et s’avança jusqu’à la mer extérieure, en subjuguant des nations qui n’avaient jamais été soumises aux Romains. A la gloire des succès militaires il ajouta celle d’une sage administration pendant la paix ; il rétablit la concorde dans les villes, et s’appliqua surtout à terminer les différends qui s’élevaient chaque jour entre les créanciers et les débiteurs. Il ordonna que les premiers prendraient tous les ans les deux tiers des revenus des débiteurs, et que ceux-ci auraient l’autre tiers jusqu’à l’entier acquittement de la dette. La sagesse de ce règlement lui fit beaucoup d’honneur ; il quitta son gouvernement après s’y être enrichi, et avoir procuré des gains considérables à ses soldats, qui, avant son départ, le saluèrent du titre d’imperator.

XIII. Les Romains qui demandaient l’honneur du triomphe étaient obligés de demeurer hors de la ville ; et, pour briguer le consulat, il fallait être dans Rome. César, arrêté par ces lois contraires, car on était à la veille des comices consulaires, envoya demander au sénat la permission de solliciter le consulat par ses amis, en restant hors de la ville. Caton, armé de la loi, combattit vivement la prétention de César ; mais, voyant qu’il avait mis plusieurs sénateurs dans ses intérêts, il chercha à gagner du temps, et employa le jour entier à dire son opinion. César alors prit le parti d’abandonner le triomphe et de briguer le consulat. Il entra dans Rome, et fit une action d’éclat, dont tout le monde, excepté Caton, fut la dupe : il réconcilia Crassus et Pompée, les deux hommes qui avaient le plus de pouvoir dans la ville. César apaisa leurs dissensions, les remit bien ensemble ; et par là il réunit en lui seul la puissance de l’un et de l’autre. On ne s’aperçut pas que ce fut cette action en apparence si honnête, qui causa le renversement de la république. En effet, ce fut moins l’inimitié de César et de Pompée, comme on le croit communément, qui donna naissance aux guerres civiles, que leur amitié même, qui les réunit d’abord pour renverser le gouvernement aristocratique, et qui aboutit ensuite à une rupture ouverte entre ces deux rivaux. Caton, qui prédit souvent le résultat de leur liaison, n’y gagna alors que de passer pour un homme difficile et chagrin : dans la suite, l’événement le justifia ; et l’on reconnut qu’il avait, dans ses conseils, plus de prudence que de bonheur.

XIV. César, en se présentant aux comices, entouré de la faveur de Crassus et de Pompée, fut porté avec le plus grand éclat à la dignité de consul : on lui donna pour collègue Calpurnius Bibulus. Il était à peine entré en exercice de sa charge, qu’il publia des lois dignes, non d’un consul, mais du tribun le plus audacieux. Il proposa, par le seul motif de plaire au peuple, des partages de terres et des distributions de blé. Les premiers et les plus honnêtes d’entre les sénateurs s’élevèrent contre ces lois ; et César, qui depuis longtemps ne cherchait qu’un prétexte pour se déclarer, protesta hautement qu’on le poussait malgré lui vers le peuple ; que l’injustice et la dureté du sénat le mettaient dans la nécessité de faire la cour à la multitude ; et sur-le-champ il se rendit à l’assemblée du peuple. Là, ayant à ses côtés Crassus et Pompée, il leur demanda à haute voix s’ils approuvaient les lois qu’il venait de proposer. Sur leur réponse affirmative, il les exhorta à le soutenir contre ceux qui, pour les lui faire retirer, le menaçaient de leurs poignards. Ils le lui promirent tous deux ; et Pompée ajouta qu’il opposerait à ces poignards l’épée et le bouclier. Cette parole déplut aux sénateurs et aux nobles, qui la trouvèrent peu convenable à sa dignité personnelle, aux égards qu’il devait au sénat, et digne tout au plus d’un jeune homme emporté ; mais elle le rendit très agréable au peuple. César, qui voulait s’assurer de plus en plus la puissance de Pompée, lui donna en mariage sa fille Julia, déjà fiancée à Servilius Cépion, auquel il promit la fille de Pompée, qui elle-même n’était pas libre, ayant été déjà promise à Faustus, fils de Sylla. Peu de temps après il épousa Calpurnie, fille de Pison, et fit désigner celui-ci consul pour l’année suivante. Caton ne cessait de se récrier, et de protester en plein sénat contre l’impudence avec laquelle on prostituait ainsi l’empire par des mariages ; et, en trafiquant des femmes, on se donnait mutuellement les gouvernements des provinces, les commandements des armées et les premières charges de la république. Bibulus, le collègue de César, voyant l’inutilité des oppositions qu’il faisait à ces lois, ayant même souvent couru le risque, ainsi que Caton, d’être tué sur la place publique, passa le reste de son consulat renfermé dans sa maison. Pompée, aussitôt après son mariage, ayant rempli la place d’hommes armés, fit confirmer ces lois par le peuple, et décerner à César, pour cinq ans, le gouvernement des deux Gaules cisalpine et transalpine, auquel on ajouta l’Illyrie, avec quatre légions.

XV. Caton ayant voulu s’opposer à ces décrets, César le fit arrêter et conduire en prison, dans la pensée que Caton appellerait de cet ordre aux tribuns ; mais il s’y laissa mener sans rien dire ; et César voyant non seulement les principaux citoyens révoltés de cette indignité, mais le peuple lui-même, par respect pour la vertu de Caton, le suivre dans un morne silence, fit prier sous main un des tribuns d’enlever Caton à ses licteurs. Après un tel acte de violence, très peu de sénateurs l’accompagnèrent au sénat ; la plupart, offensés de sa conduite, se retirèrent. Considius, un des plus âgés de ceux qui l’y avaient suivi, lui dit que les sénateurs n’étaient pas venus, parce qu’ils avaient craint ses armes et ses soldats. « Pourquoi donc, reprit César, cette même crainte ne vous fait-elle pas rester chez vous ? - Ma vieillesse, repartit Considius, m’empêche d’avoir peur ; le peu de vie qui me reste n’exige pas tant de précaution. » Mais de tous les actes de son consulat, aucun ne lui fit plus de tort que d’avoir fait nommer tribun du peuple ce même Clodius qui l’avait déshonoré en violant les veilles secrètes et mystérieuses que les dames romaines célébraient dans sa maison ; cette élection avait pour motif la ruine de Cicéron ; et César ne partit pour son gouvernement qu’après l’avoir brouillé avec Clodius, et l’avoir fait bannir de l’Italie.

XV I. Voilà les actions de sa vie qui précédèrent son commandement dans les Gaules. Les guerres qu’il fit depuis, ces expéditions fameuses dans lesquelles il soumit les Gaules, lui ouvrirent une route toute différente, et commencèrent en quelque sorte pour lui une seconde vie ; c’est dans cette nouvelle carrière qu’il se montre à nous aussi grand homme de guerre, aussi habile capitaine qu’aucun des généraux qui se sont fait le plus admirer et ont acquis le plus de gloire par leurs exploits. Soit qu’on lui compare les Fabius, les Métellus, les Scipions, ou les autres généraux ses contemporains, ou ceux qui ont vécu peu de temps avant lui, tels que les Sylla, les Marius, les Lucullus , et Pompée lui-même,

Dont la gloire et le nom s’élèvent jusqu’aux cieux ;

en quelque genre de succès militaire que ce soit, on reconnaîtra que les exploits de César le mettent au-dessus de tous ces grands capitaines. Il a surpassé l’un par la difficulté des lieux où il a fait la guerre ; l’autre, par l’étendue des pays qu’il a subjugués ; celui-ci, par le nombre et la force des ennemis qu’il a vaincus ; celui-là , par la férocité et la perfidie des nations qu’il a soumises ; l’un, par sa douceur et sa clémence envers les prisonniers ; un autre, par les présents et les bienfaits dont il a comblé ses troupes ; enfin, il a été supérieur à tous ces grands hommes par le nombre de batailles qu’il a livrées, et par la multitude incroyable d’ennemis qu’il a fait périr. En moins de dix ans qu’a duré sa guerre dans les Gaules, il a pris d’assaut plus de huit cents villes, il a soumis trois cents nations différentes, et combattu, en plusieurs batailles rangées, contre trois millions d’ennemis, dont il en a tué un million et fait autant de prisonniers.

XVII. D’ailleurs, il savait inspirer à ses soldats une affection et une ardeur si vives, que ceux qui, sous d’autres chefs et dans d’autres guerres, ne différaient pas des soldats ordinaires, devenaient invincibles sous César et ne trouvaient rien qui pût résister à l’impétuosité avec laquelle ils se précipitaient, dans les plus grands dangers. Tel fut Acilius, qui, dans un combat naval donné près de Marseille, s’étant jeté dans un vaisseau ennemi et ayant eu la main droite abattue d’un coup d’épée, n’abandonna pas son bouclier qu’il tenait de la main gauche et dont il frappa sans relâche les ennemis au visage, avec tant de raideur, qu’il les renversa tous et se rendit maître du vaisseau. Au combat de Dyrrachium, Cassius Scéva eut l’œil percé d’une flèche, l’épaule et la cuisse traversées de deux javelots, et reçut cent trente coups sur son bouclier. Il appela les ennemis, comme s’il eût eu l’intention de se rendre ; et de deux qui s’approchèrent, l’un eut l’épaule abattue d’un coup d’épée ; l’autre, blessé au visage, prit la fuite. Cassius, secouru par ses compagnons, eut le bonheur de s’échapper. Dans la Grande-bretagne, les chefs de bande s’étaient engagés dans un fonds marécageux et plein d’eau, où ils étaient attaqués vivement par les ennemis. Un soldat de César, sous les yeux même du général , se jetant au milieu des Barbares, fait des prodiges incroyables de valeur, les oblige de prendre la fuite et sauve les officiers. Ensuite il passe le marais le dernier, traverse avec la plus grande peine cette eau bourbeuse, partie à la nage, partie en marchant, et gagne l’autre rive, mais avec le chagrin d’avoir laissé son bouclier. César, qui ne pouvait trop admirer son courage, court à lui avec toutes les démonstrations de la joie la plus vive ; mais le soldat, la tête baissée et les yeux baignés de larmes, tombe aux pieds de César et lui demande pardon d’être revenu sans son bouclier. En Afrique, Scipion s’était emparé d’un vaisseau de César, monté par Granius Pétron , qui venait d’être nommé questeur. Scipion fit massacrer tout l’équipage et dit au questeur qu’il lui donnait la vie. Granius répondit que les soldats de César étaient accoutumés à donner la vie aux autres, non pas à la recevoir. En disant ces mots, il tire son épée et se tue.

XVIII. Cette ardeur et cette émulation pour la gloire étaient produites et nourries en eux par les récompenses et les honneurs que César leur prodiguait ; par l’espérance qu’il leur donnait qu’au lieu de faire servir à son luxe et à ses plaisirs les richesses qu’il amassait dans ces guerres, il les mettait en dépôt chez lui pour être le prix de la valeur, également destiné à tous ceux qui le mériteraient ; et qu’il ne se croyait riche qu’autant qu’il pouvait récompenser la bonne conduite de ses soldats. D’ailleurs, il s’exposait volontiers à tous les périls et ne se refusait à aucun des travaux de la guerre. Ce mépris du danger n’étonnait point ses soldats, qui connaissaient son amour pour la gloire ; mais ils étaient surpris de sa patience dans les travaux, qu’ils trouvaient supérieurs à ses forces ; car il avait la peau blanche et délicate, était frêle de corps et sujet à de fréquents maux de tête et à des attaques d’épilepsie, dont il avait senti les premiers accès à Cordoue. Mais, loin de se faire, de la faiblesse de son tempérament, un prétexte pour vivre dans la mollesse, il cherchait dans les exercices de la guerre un remède à ses maladies ; il les combattait par des marches forcées, par un régime frugal, par l’habitude de coucher en plein air et d’endurcir ainsi son corps à toutes sortes de fatigues. Il prenait presque toujours son sommeil dans un chariot ou dans une litière pour faire servir son repos même à quelque fin utile. Le jour, il visitait les forteresses, les villes et les camps ; et il avait toujours à côté de lui un secrétaire pour écrire sous sa dictée en voyageant, et derrière, un soldat qui portait son épée. Avec cela, il faisait une si grande diligence, que, la première fois qu’il sortit de Rome, il se rendit en huit jours sur les bords du Rhône. Il eut, dès sa première jeunesse, une grande habitude du cheval et il acquit la facilité de courir à toute bride, les mains croisées derrière le dos. Dans la guerre des Gaules, il s’accoutuma à dicter des lettres étant à cheval et à occuper deux secrétaires à la fois, ou même un plus grand nombre, suivant Oppius. II fut, dit-on, le premier qui introduisit dans Rome l’usage de communiquer par lettres avec ses amis, lorsque des affaires pressées ne lui permettaient pas de s’aboucher avec eux, ou que le grand nombre de ses occupations et l’étendue de la ville ne lui en laissaient pas le temps.

Plutarque, Les vies des hommes illustres, traduction Ricard, Furne et Cie Librairies-éditeurs, Paris, 1840

récupéré sur L’Encyclopédie de L’Agora


Voir en ligne : http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Docu...

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