lundi 7 mai 2007, par
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Les Carnutes sont un peuple de la Gaule celtique. Chartres était la capitale de la tribu gauloise des Carnutes d’où elle tira son nom Carnutum.
Les Carnutes occupaient une vaste province dans le sud-ouest du Bassin parisien, avec deux villes principales, Chartres - latin *Autricum - et Orléans - Cenabum. Paysans exploitant le riche plateau de Beauce, commerçants profitant du double débouché de la Loire vers le sud et de l’Eure vers le nord, les Carnutes sont célèbres surtout pour leur lien, réel ou présumé, à la religion gauloise. C’est en un locus consecratus, dans la mythique « forêt carnute », que les druides auraient tenu leur réunion annuelle ; c’est en pays carnute aussi que César captura et mit à mort le mystérieux Gutuater. Mais c’est là un domaine dans lequel il est bien difficile de faire la part des légendes et de l’histoire.
Les Carnutes qu’on trouve en Gaule au temps de César sont un peuple ancien - ou du moins leur nom l’est-il. Tite-Live signale des Carnutes parmi les peuples gaulois qui, conduits par le semi-légendaire Bellovèse, émigrent vers l’Italie sous le règne de Tarquin l’Ancien (VIe s. av. J.-C.)
Peut-on rapprocher ces Carnutes des Carni cités par le même Tite-Live comme installés dans la vallée du Tagliamento, au nord-est de la Vénétie, et qui auraient donné leur nom à une province (la Carniole) et aux montagnes avoisinantes (les Alpes carniques) ?
Ces Celtes montagnards donnent corps à l’hypothèse étymologique la plus courante : le nom des Carnutes reposerait sur un celtique *karno : irl. carn, gaël. cairn, tas de pierres, monticule rocheux. Cette forme - ou une forme voisine - est attestée dans la toponymie du pays chartrain.
Bien que, dans l’esprit de beaucoup, elle évoque encore la vieille proximiité des Celtes et des mégalithes, c’est aujourd’hui l’explication la plus raisonnable, car philologiquement la plus satisfaisante. À moins que cela ne se réfère au tempérament ou à la robustesse de la tribu. Cela ne garantit pas son exactitude.
La mise en relation Carnutes - Cernunnos par une racine qui signifierait « cornes » paraît aujourd’hui aussi abandonnée que les casques cornus.
Un hypothèse plus récente fait remonter à une racine i-e *ker / kor, dont dépendrait le nom celtique du cornouiller et qui mettrait, par l’intermédiaire d’un arbre-totem, nos Carnutes en relation avec les Cornouaille armoricaine et insulaire. Elle plaît à tous ceux qui voudraient rapprocher les Carnutes d’un noyau celtique dur, mythiquement situé en Bretagne. Mais on a le droit d’être sceptique.
Rien n’est assuré, en définive, quant au sens de ce nom.
A la fin de la Gaule indépendante, les Carnutes occupent un très vaste territoire qui couvre :
* tout le département actuel d’Eure-et-Loir jusqu’à la Seine, confinant aux cités de la confédération aulerque (Éburovices au nord et Cénomans à l’ouest) ;
* la moitié du département des Yvelines, touchant à l’est les cités des Sénons, des Parisis et des Éduens ;
* presque tout le Loir-et-Cher et le Loiret jusqu’à la petite cité des Turones à l’Ouest et au sud, au-delà de la Sauldre, la puissante cité des Bituriges.
Tels quels, ces Carnutes représentent peut-être déjà une confédération de peuples plus anciens, tels que les Durocasses qui, installés dans la boucle de l’Eure, paraissent bien leur être inféodés.
Les Carnutes sont un des peuples les plus célèbres de la Gaule celtique. Ils n’apparaissent pas pour autant parmi les plus puissants. Bien qu’ils exploitent sans doute les minerais du Perche, ils sont très loin de la capacité industrielle des Eduens et leur artisanat même n’a pas laissé de traces exceptionnelles.
Leur principale richesse est certainement dans l’exploitation agricole de la Beauce, largement défrichée depuis le néolithique et qui produit déjà des excédents de céréales (froment, seigle, sarrazin, avoine, orge), alimentant un commerce actif et vraisemblablement fructueux, dont témoigne une abondante numismatique.
On connaît des statères d’or dès la fin du IIe siècle et, de manière plus originale, des subdivisions du statère. Toute une série de monnaies, associant l’aigle et le serpent, sont caractétristiques des Carnutes ; leur droit porte souvent une tête imitée plus ou moins servilement du denier de Titus frappé à Rome en 79 av. J.-C. Il existe également des potins régionaux abondants. Ce monnayage se poursuit activement en se diversifiant après la conquête, notamment sous forme des célèbres Pixtilos. - cf. numismatique gauloise.
Le commerce ne devait pas se limiter à l’exportation de céréales : il existait certainement un transit terrestre de marchandises entre Eure et Loire et des communications fluviales avec les pays de la façade atlantique. Mais si la richesse carnute est hors de doute, on ne peut cependant parler d’un « or carnute » comme on parle d’un « or arverne ».
Du point de vue politique et militaire, César - qui leur en veut et les déteste tout comme leurs voisins Sénons - nous donne, tous comptes faits, l’impression d’un peuple relativement peu organisé. Mais il est vrai qu’en face d’une source unique et partiale, les impressions peuvent être trompeuses.
Les géographes de l’Antiquité leur donnent deux villes : Autricum ( Ἀύτρικον, dans la Géographie de Ptolémée, II, 1) et, sur la boucle de la Loire, Cenabum, (Κήναβον, dans la Géographie de Strabon, V, 2, 3) qui la qualifie d’emporium des Carnutes (τὸ τῶν Καρνούντον ἑμπόριον).
Autricum, à l’emplacement de l’actuelle ville de Chartres, est généralement considérée comme la capitale des Carnutes.
Cenabum, à l’emplacement de l’actuelle ville d’Orléans, était le port des Carnutes sur la Loire, et le débouché commercial des céréales de la Beauce. Elle contrôlait également un pont sur la Loire, d’une importance économique et stratégique considérable.
César nous apprend que les Carnutes possédaient beaucoup de places fortes et de villages. La toponymie celtique locale est abondante, mais difficile à dater et ne livre que peu d’éléments utiles pour connaître la structure du terroir.
On peut repérer quelques « places fortes » en -dunum (Voir article Dun (forteresse) : Châteaudun, peut-être Meung-sur-Loire (*Magdunum) et sûrement l’ Oppidum Noviodunum de César, placé avec le plus de vraisemblance à Neung-sur-Beuvron, aux confins de la cité biturige ; deux ou trois marchés, dont Noviomagus à Nogent-le-Roi (sur une route vers le pays cénoman), ainsi qu’à Nouan-le-Fuzelier et à Nouan-sur-Loire (qui sont peut-être postérieurs)... Un établissement gaulois existait au nord, au confluent de l’Eure et de la Blaise, mais doit être rapporté aux Durocasses.
En ce qui concerne les sites religieux de l’époque carnute, on a la trace de quelques sanctuaires locaux qui ont perduré après la conquête romaine : ceux d’Allauna à Allonnes, d’Orgos à Logron, peut-être d’Acionna à Orléans... Les trouvailles spectaculaires de Neuvy-en-Sullias et de Vienne-en-Val appartiennent à l’époque gallo-romaine, malgré le monstre anthropophage de Vienne.
La structure des finages beaucerons a été effacée par l’occupation gallo-romaine, de même que l’essentiel du réseau de communications. Cependant, le « Gué-de-Longroi » (canton d’Auneau), forme composite latino-celtique (longum + rito, gué), atteste sans doute le passage d’un vieux chemin de Chartres vers les Parisis, qui n’a pas été recouvert par une voie romaine.
Les cours d’eau ont presque tous des noms pré-celtiques.
Pendant les deux premières années de la « Guerre des Gaules », les Carnutes ne font pas parler d’eux. En 57-56, c’est en pays carnute que César envoie ses légions prendre leurs quartiers d’hiver, ce qui indique que le pays passe pour sûr. Peut-être les Carnutes (ou du moins leur aristocratie) qui commercent avec les Romains pensent-ils alors tirer profit de la situation.
Si l’on suit César, leur cité est alors une espèce de « république oligarchique » prenant la succession d’une royauté antérieure. Il faut certes se méfier : ce schéma relève du tropisme habituel de toute historiographie romaine et justifie la politique du proconsul.
Car César tente alors de soumettre les Carnutes (de même que les Sénons) à un régime de protectorat qui ne doit pas être sans rapport avec l’importance économique reconnue à leurs pays. Il favorise ainsi l’accession au pouvoir d’un « roi », un certain Tasgétios, « de très haute naissance et dont les ancêtres avaient régné sur leur cité ».
Nous avons une trace de Tasgétios en dehors de César parce qu’il eut le temps d’émettre une monnaie : elle porte au revers son nom autour d’un char ailé, et au droit un mot mystérieux : ELKESOOVIX, dans lequel on a voulu voir soit le nom soit le titre d’un ancêtre.
Mais Tasgétios n’est pas très populaire. Dès l’automne 54, César rapporte qu’il a été assassiné par ses ennemis « ouvertement soutenus par un grand nombre de ses concitoyens ». Les Carnutes ne semblent pas le remplacer : apparemment ils se passent fort bien d’un roi.
La révolte des Belges a des répercussions au sud de la Seine. Les Sénons s’agitent à leur tour et ce n’est peut-être qu’à partir de ce moment qu’ils se rapprochent étroitement des Carnutes. Ils veulent faire subir à leur roi postiche, Cavarinos, le sort de Tasgétios, mais Cavarinos réussit à s’enfuir et à se réfugier auprès de César. Dès que les légions font mine d’intervenir, les Sénons, par l’intermédiaire de leurs « protecteurs » éduens, envoient une ambassade pour obtenir le pardon du proconsul qui exige cent otages. Les Carnutes s’empressent d’envoyer à leur tour ambassadeurs et otages par l’intermédiaires des Rèmes, alliés de Rome et qui seraient également leurs « protecteurs » (mais quel sens cette « protection » pouvait-elle avoir avant l’intervention romaine en Gaule ?). César, apparemment, pardonne, mais l’année suivante, il convoque à Durocortorum en pays rème une assemblée des cités gauloises ; il y fait juger le Sénon Acco « chef de la conjuration des Sénons et des Carnutes » et celui-ci est exécuté « à la romaine », c’est-à-dire battu de verges jusqu’au coma, puis achevé par décapitation. César retourne en Italie, laissant Plancus hiverner chez les Carnutes pour enquêter sur le meurtre de Tasgétios.
En 52, le climat change. La mort atroce d’Acco - qui paraît avoir été un chef respecté au-delà même de son peuple - a joué un rôle dans la mobilisation des Gaulois contre César.
Les chefs s’assemblent « dans des endroits isolés en forêt ». Cette réunion mémorable dans l’histoire des Gaules doit-elle être mise en relation avec l’assemblée annuelle des druides ? On en discute depuis longtemps et le problème est loin d’être résolu. Les Carnutes en tout cas y proclament dans l’enthousiasme général que « nul péril ne les arrêtera dans la lutte pour le salut commun et qu’ils seront les premiers à prendre les armes ».
« Au jour convenu, les Carnutes conduits par Cotuatus et Conconnetodumnus, deux hommes prêts à tout, se ruent dans Genabum et y massacrent les citoyens romains ». C. Fufius Cita, l’homme de confiance de César, est parmi les victimes. En massacrant,le 13 février 52, ces « citoyens romains », comme César y insiste, il est clair que les Carnutes ont commis l’irréparable.
Le coup de main de Genabum, aussitôt répercuté chez les peuples voisins, donne le signal de l’insurrection générale sous la direction de Vercingétorix. César repasse les Alpes. Parvenu à marche forcée au pays sénon, il réduit facilement Vellanodunum (peut-être Montargis, ou plutôt Château-Landon), tandis que les Carnutes qui croient en avoir le temps se préparent à envoyer des troupes pour défendre Genabum. César y arrive avant eux, l’emporium est pillé et incendié, la population gauloise qui tentait de traverser nuitamment la Loire est massacrée ou réduite en esclavage. Puis, sur la route des Bituriges, les Romains prennent Noviodunum (Neung-sur-Beuvron) dont les habitants (ou la garnison) se rendent sans héroïsme excessif.
Les Carnutes, au dire de César, auraient fourni un contingent de 12000 hommes - chiffre certainement très excessif , comme il est de règle lorsque César estime les effectifs gaulois - qui « partirent pour Alésia, joyeux et pleins de confiance ».
Après la reddition de Vercingétorix, les cités ne désarment pas. Les Carnutes, pour d’obscures raisons, ont maille à partir avec leurs voisins bituriges qui réclament justice aupès de César à Bibracte. Deux légions sont alors cantonnées dans Genabum en ruines, d’où elles lancent de sanglantes opérations de commando contre les Carnutes qui se sont dispersés, « écrasés par la rigueur de l’hiver et par la peur, chassés de leurs toits, n’osant s’attarder nulle part ». Les survivants en armes se réfugient chez les peuples voisins. Certains d’entre eux participent sans doute à la révolte infructueuse de l’andécave Dumnacos en pays picton. À la suite de cette campagne, au cours de l’été 51, C. Fabius repasse chez les Carnutes : « Les Carnutes qui, si souvent éprouvés, n’avaient jamais parlé de paix, offrent des otages et se soumettent ».
Mais César qui, tout en pardonnant n’oublie rien, vient lui-même à Genabum se faire livrer « le premier responsable de leur crime, le fauteur de la guerre ». C’est le fameux Gutuatus, Gutuatrus ou Gutruatus : les manuscrits divergent sur le nom de celui qui porte le titre de Gutuater, personnage si considérable que César hésite à le mettre à mort. Pourtant, sous la pression « de l’énorme foule des soldats qui le rendaient responsable de tous les dangers courus, de toutes les pertes subies », il est comme naguère Acco, battu à mort et décapité.
Avec ce pontife qui n’apparaît sur scène que pour mourir, les Carnutes disparaissent de l’histoire. Il ne sera jamais question d’eux lors des mouvements gaulois ultérieurs.
sources wikipedia
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