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Vers 5001 à 6000

, par

De prendre le dessus sur Méléagant,
Avec son aide et celle de ces reliques
Que voici, et en vertu d’aucun autre pouvoir,
Je serai sans pitié pour lui !"
Bademagu n’éprouva aucun plaisir
A entendre ce serment.
Quand les serments eurent été prononcés,
Les destriers furent amenés des écuries,
Deux beaux et excellents destriers.
Chacun des deux adversaires monte sur le sien,
Et ils chevauchent l’un contre l’autre
Aussi vite que leurs montures peuvent les porter ;
Et au moment où elles atteignent leur plus grande vitesse
Les deux chevaliers s’entrechoquent
Avec une telle furie qu’il ne leur reste rien
De leurs lances qu’un tronçon dans la main.
Ils s’envoient l’un l’autre rouler à terre,
Mais sans pour autant manifester des signes d’épuisement,
Car ils ont tôt fait de se relever.
Ils se font autant de mal que possible
Avec les lames tranchantes de leurs épées.
Les étincelles jaillies des heaumes
Brillent et montent vers le ciel.
Ils s’attaquent l’un l’autre avec une telle colère,
Leurs épées nues à la main,
Que, comme elles vont et viennent,
Ils frappent l’un l’autre,
Sans chercher à se reposer
Pour reprendre haleine.
Le roi qui trouve très pénible ce qu’il voit
Interpelle la reine,
Qui était allée s’accouder
En haut aux loges de la tour.
Il lui demande au nom de Dieu le Créateur
Qu’elle leur permette de se séparer.
La reine répond en toute sincérité :
"Tout ce qui vous sied et plaît
Me trouvera prête à l’accepter."
Lancelot a bien entendu
Ce qu’a répondu la reine
A la requête de Bademagu ;
Il ne voulut plus combattre,
Dès ce moment il abandonna la lutte.
Mais Méléagant, qui ne songe pas à se reposer,
Frappe sur Lancelot à coups redoublés.
Le roi se jette entre les deux adversaires
Et retient le bras de son fils, qui dit et jure
Qu’un accord est le moindre de ses soucis :
"Je veux me battre, je me refuse à la paix."
Le roi déclare : "Tais-toi
Et crois-m’en. Tu seras sage de m’obéir.
Certes, tu n’encourras honte ni dommage
Si tu m’écoutes.
Tu feras donc ce qu’il t’appartient de faire !
Ne te souviens-tu pas
Qu’à la cour du roi Artur
Tu vas le combattre comme convenu ?
Et ne crois-tu pas
Que ce serait pour toi un plus grand honneur
De triompher là qu’ailleurs ?"
Ainsi parle le roi pour voir
S’il ne pourrait pas l’émouvoir.
Il parvient à l’apaiser, et il sépare les deux combattants.
Lancelot, à qui il tarde
De retrouver messire Gauvain,
Vient demander la permission de partir
A Bademagu et à la reine.
Avec leur assentiment il s’achemine
Vers le Pont-sous-l’Eau.
Il était accompagné
De nombreux chevaliers.
Mais il y en avait assez
Dont il aurait souhaité l’absence.
Ils chevauchent à longueur de journée,
Tant qu’ils s’approchent du Pont-sous-l’Eau,
Mais ils en sont encore éloignés d’une lieue.
Avant de venir assez près
Pour pouvoir l’apercevoir,
Ils rencontrèrent un nain
Juché sur un grand cheval de chasse
Et tenant à la main un fouet
Pour frapper et hâter sa monture.
Et le voilà qui demande,
Comme il en a reçu l’ordre :
"Lequel d’entre vous est Lancelot ?
Ne me le cachez pas, je suis des vôtres ;
Mais dites-le sans crainte,
Car je vous le demande pour vous être utile."
Lancelot en personne lui répond,
Disant : "Je suis
Celui que tu réclames.
- Ah !, fait le nain, noble Chevalier,
Laisse-là ces gens et crois-m’en :
Viens tout seul avec moi,
Car je veux te mener en un lieu excellent.
Que nul ne te suive, je te le requiers,
Mais qu’ils nous attendent ici même,
Car nous reviendrons sous peu."
Celui qui ne soupçonnait aucune embûche
A fait rester là son escorte
Et suit le nain en train de le trahir.
Ses gens qui demeurent à l’attendre
Pourront l’attendre longtemps,
Car ceux qui se sont emparés de lui
N’ont nul désir de le rendre.
Et ses gens se lamentent si fort,
Quand il ne revient pas,
Qu’ils ne savent que faire.
Ils disent tous que le nain
Les a trahis, et leur chagrin est grand ;
Il serait oiseux d’en douter.
Dolents, ils commencent à le chercher,
Mais ils ne savent où le trouver
Ni où partir à sa recherche ;
Ils se concertent entre eux.
Les plus sensés et les plus sages
Décident, autant que je le sache,
Qu’ils pousseront
Jusqu’au Pont-sous-l’Eau, tout proche,
Puis ils iront chercher Lancelot
Après avoir pris conseil de messire Gauvain,
S’ils découvrent ce dernier dans les parages.
Cette décision satisfait tout le monde,
Personne ne s’y oppose.
Ils se dirigent vers le Pont-sous-l’Eau ;
Dès qu’ils y parviennent,
Ils ont aperçu messire Gauvain,
Qui était tombé du pont
Dans l’eau très profonde à cet endroit.
Tantôt il remonte à la surface et tantôt il disparaît,
Maintenant on le voit et puis on le perd de vue.
Ils font tant et si bien qu’ils l’agrippent
A l’aide de branches, de perches et de crocs.
Il ne lui restait que le haubert sur le dos
Et sur la tête son heaume,
Un heaume qui en valait dix autres.
Il portait encore ses chausses de fer,
Toutes rouillées de sa sueur,
Car il avait enduré mainte épreuve,
Il avait fait face à maint péril
Et triomphé dans maint combat.
Lance, écu, cheval
Sont restés sur l’autre rive.
Mais ceux qui l’ont repêché
Ne croient pas qu’il soit vivant,
Car Gauvain avait avalé beaucoup d’eau.
Avant qu’il ne l’eût régurgitée,
Il ne fut pas en mesure de se faire entendre.
Mais quand voix et parole furent revenues
Et qu’il eut dégagé son arrière-gorge,
De sorte qu’on put l’entendre,
Le plus tôt qu’il put parler,
Il le fit ;
Sur-le-champ il s’enquit de la reine Guenièvre
Auprès de ceux qui se tenaient devant lui,
En savaient-ils des nouvelles ?
Ceux-ci lui ont répondu
Qu’elle ne quitte pas le roi Bademagu,
Qui pourvoit à ses besoins
Et l’honore grandement.
"Est-ce que personne n’est venu la quérir
En cette terre ?, demande messire Gauvain.
- Si, répondent-ils.
- Qui ça ? - Lancelot du Lac, font-ils,
Qui traversa le Pont de l’Epée.
Il l’a secourue et délivrée,
Et nous tous avec elle.
Mais un nain nous a trahis,
Un avorton bossu et grimaçant :
Il nous a vilainement trompés
Celui qui nous a dérobé Lancelot.
Nous ne savons pas ce qu’il en a fait.
- Et quand cela ?, fait messire Gauvain.
- Aujourd’hui même, messire,
Tout près d’ici, alors que Lancelot et nous,
Nous venions vous retrouver.
- Comment donc s’est-il comporté
Depuis son arrivée en ce pays ?"
Alors ils commencent
A lui raconter de bout en bout
Sans en oublier un seul détail les exploits de Lancelot.
Quant à la reine, ils lui disent
Qu’elle l’attend et déclare
Que rien ne la fera partir
De Gorre avant qu’elle ne le voie,
Quoi qu’elle entende dire à son sujet.
Messire Gauvain leur demande :
"Lorsque nous partirons de ce pont,
Irons-nous à la recherche de Lancelot ?"
Pas un seul qui n’opine
Qu’il vaut mieux aller retrouver la reine,
Que Bademagu se chargera de faire chercher Lancelot.
Ils pensent que son fils traîtreusement
L’a fait emprisonner,
Ce Méléagant qui le déteste.
Où que Lancelot se trouve, si le roi le sait,
Il forcera son fils à le libérer,
On peut compter là-dessus.
Tous se rallient à cet avis
Et ils se mettent en route.
Ils chevauchent jusqu’à la résidence
Où se trouvent Bademagu et la reine,
Egalement Keu le sénéchal,
Et ce scélérat
Plein de traîtrise,
Qui a tant inquiété
Au sujet de Lancelot ceux qui arrivent.
Ils se jugent mortellement trahis,
Et se lamentent, car leur anxiété est grande.
Ce n’est pas une nouvelle agréable
Que l’on porte à la reine ;
Néanmoins, elle se comporte
Aussi plaisamment qu’elle peut.
A cause de messire Gauvain il faut
Qu’elle cache sa peine, et elle y parvient.
Cependant elle ne savait comment tout à fait
L’empêcher de paraître.
Tout à la fois elle se réjouit et s’attriste :
Pour Lancelot elle souffre en son coeur,
Mais en présence de messire Gauvain
Elle manifeste une joie extrême.
Il n’y a personne qui, ayant entendu la nouvelle
De la disparition de Lancelot,
Ne soit plongé dans la tristesse.
Le roi aurait été ravi
De l’arrivée de messire Gauvain
Et de faire sa connaissance,
Si ce n’est sa douleur que Lancelot
Soit tombé dans un traquenard :
Elle est si grande qu’elle l’accable.
Et la reine le prie instamment
Que par monts et par vaux
Il fasse rechercher Lancelot,
Sans perdre de temps, à travers son royaume.
Messire Gauvain et Keu le sénéchal
Se joignent à elle, et tous les autres :
Il n’y a personne qui n’implore le roi.
"Laissez-moi donc le soin de cette affaire,
Fait Bademagu, et cessez de me presser,
Car voilà longtemps que je suis prêt.
Cette recherche sera menée à bien
Sans qu’il soit besoin de vos requêtes ni de vos prières."
Chacun s’incline devant lui,
Et le roi envoie ses messagers,
Par tout son royaume -
Des serviteurs bien connus et fort capables -
Qui à travers toute la contrée
Demandent des nouvelles de Lancelot.
Partout ils se sont enquis de lui,
Mais de Lancelot nulle nouvelle ne leur parvient.
Ils s’en retournent bredouilles
Là où séjournent les chevaliers,
Gauvain, Keu et tous les autres,
Qui déclarent que tout armés,
La lance en arrêt, ils se mettront en campagne,
Qu’ils n’enverront aucun autre à leur place.
Un jour après manger ils se trouvaient
Dans la grand-salle, où ils s’armaient -
Le moment était venu
De leur départ imminent -
Quand un jeune homme y entra
Et s’avança parmi eux
Pour arriver devant la reine.
Elle était bien pâle,
Car n’ayant point de nouvelles de Lancelot,
Sa souffrance était si vive
Qu’elle en avait perdu toute couleur.
Et le valet l’a saluée,
Et Bademagu qui se tenait près d’elle,
Et puis après cela tous les autres,
Y compris Keu et messire Gauvain.
Il tenait une lettre à la main
Qu’il tend au roi, qui s’en empare.
A un clerc qui sait bien remplir pareille fonction
Il l’a fait lire à haute voix.
Ce dernier sut fort bien déchiffrer
Ce qu’il vit écrit sur le parchemin.
La lettre portait que Lancelot salue
Le roi, son bon seigneur,
Le remerciant du si courtois traitement
Et des bienfaits qu’il a reçus de lui,
Et se déclarant entièrement
Soumis à ses ordres ;
Que Bademagu sache sans le moindre doute
Qu’il se trouve auprès du roi Artur,
En parfaite santé et plein de vigueur.
Et ajoute qu’il mande à la reine
Qu’elle retourne, si elle veut bien,
Avec Keu et messire Gauvain.
La lettre avait tout ce qu’il fallait
Pour qu’on crût à son authenticité.
Ils furent tous ravis de ce qu’ils ont appris
Et la cour retentit d’une joie bruyante.
Le lendemain matin
On décida de se mettre en route :
Quand il fut jour,
Ils s’apprêtent tous, s’équipent,
Montent en selle et partent.
Le roi les accompagne et les conduit
Triomphalement
Une bonne partie du chemin.
Il les conduit hors de son domaine
Et quand il l’a fait,
Il prend congé de la reine
Et de tous les autres.
La reine fort courtoisement,
En se séparant de lui, le remercie
De l’avoir si bien traitée.
Elle entoure son cou de ses deux bras
Et lui offre et lui promet
Ses bons services et ceux de son époux :
Elle ne pouvait lui faire plus grande promesse.
Messire Gauvain et Keu, tous
Comme à leur seigneur et ami,
Font également au roi des promesses de service.
Sans s’arrêter davantage, ils reprennent leur route,
Tandis que Bademagu leur dit adieu
Et salue tous les autres en plus de ces trois ;
Alors il retourne dans son royaume.
La reine ne fit longue halte
Nul jour de toute la semaine,
Ni le cortège qu’elle ramène.
La nouvelle parvient à la cour.
Nouvelle qui plut grandement au roi Artur,
Que la reine approche.
Le roi se réjouit
D’autant plus qu’il croyait
Que c’était grâce aux prouesses de son neveu
Que la reine est de retour,
Elle et Keu, et les gens de moindre importance,
Mais la vérité est tout autre.
La ville se vide à leur approche,
Tout le monde se porte à leur rencontre
Et chacun s’exclame,
Qu’il soit chevalier ou vilain :
"Que messire Gauvain soit le bienvenu,
Lui qui a ramené la reine,
Et nous a rendu mainte autre captive
Et maint prisonnier !"
Gauvain leur répond :
"Seigneur, vous avez tort de me louer,
Cessez maintenant de parler de la sorte,
Car je n’y suis pour rien.
L’honneur que vous me rendez me fait honte,
Car je ne suis pas arrivé à temps ;
Je me suis trop attardé en route.
Mais c’est Lancelot qui est arrivé à temps,
Lui à qui un si grand honneur est échu
Qu’avant lui nul chevalier n’en connut de tel.
- Où donc est-il, beau sire,
Quand nous ne le voyons pas à vos côtés ?
- Comment où ça ?, fait messire Gauvain,
Mais à la cour de mon seigneur le roi.
Il n’y est donc pas ? - Certes non,
Ni en toute cette contrée.
Depuis que ma dame la reine fut emmenée
Nous n’avons eu aucune nouvelle de lui."
Alors pour la première fois Gauvain
Se rendit compte que la lettre de Lancelot
Etait une fabrication
Qui les avait induits en erreur.
Les voilà tous plongés dans la tristesse :
Ils arrivent à la cour en se lamentant,
Et le roi demande tout de suite
Des nouvelles de ce qui s’est passé.
Nombreux furent ceux prêts à lui conter
Les exploits de Lancelot,
Comment il a libéré
La reine et tous les autres prisonniers,
Comment et par quelle trahison
Le nain le leur a enlevé et soustrait.
Cela déplaît fort au roi,
Il en est tout triste,
Mais d’un autre côté son coeur bondit de joie
A revoir la reine,
Devant un tel bonheur tout chagrin s’efface.
Quand il a en sa possession la personne qu’il désire le plus
Il se soucie bien peu de tout le reste.
Pendant que la reine était absente,
Je crois que les dames du pays
Et les demoiselles d’âge à se marier
S’assemblèrent
Et que les demoiselles
Déclarèrent qu’il était bien temps
De leur trouver un mari.
Lors de la réunion on décida
D’organiser un tournoi.
La dame de Noauz se chargerait d’un des deux camps,
La dame de Pomelegoi, de l’autre.
Ceux qui auront le dessous
Ne pourront prétendre à rien,
Mais ceux qui auront le dessus
Les demoiselles en voudront pour époux.
On fit crier et proclamer le tournoi
Dans toutes les contrées voisines
Et même dans les pays lointains.
La proclamation fut faite
Bien avant la date fixée
Afin d’attirer le plus possible de gens.
La reine fut de retour
Avant la date choisie.
Dès que les dames surent
Que la reine était revenue,
Un grand nombre d’entre elles
Se rendirent à la cour
Et, une fois devant le roi, elles le prièrent
De leur accorder un don,
De consentir à leur demande.
Il leur promit,
Avant même de savoir ce qu’elles voulaient,
Qu’il leur accorderait leur requête.
Alors elles lui dirent qu’elles désiraient
Qu’il permît à la reine
De venir voir leur tournoi.
Et le roi, qui avait coutume de ne rien refuser,
Répondit qu’il veut bien si elle y tient.
Les dames, fort aises de la réponse du roi,
S’en vont trouver la reine
Et tout de go lui disent :
"Madame, ne reprenez pas
Ce que le roi nous accorde."
Et elle leur demande :
"De quoi s’agit-il ? Dites-le-moi !"
Alors elles lui disent : "Si vous voulez
Venir à notre tournoi,
Le roi ne cherchera pas à vous retenir
Et ne vous empêchera pas d’y aller."
La reine dit qu’elle se rendra au tournoi
Du moment que le roi le lui permet.
Sans perdre de temps, à travers tout le royaume,
Les demoiselles envoient dire
Et mandent qu’elles comptaient
Amener la reine à assister
Au tournoi le jour fixé.
La nouvelle se propagea
Et loin et près et ça et là ;
Elle a tant voyagé
Qu’elle a pénétré
Dans le royaume dont nul ne pouvait retourner -
Mais pour lors tout un chacun
Pouvait y entrer et en sortir
Sans rencontrer de difficulté.
La nouvelle s’est diffusée
Par tout le royaume de Gorre,
Jusqu’à atteindre la demeure
D’un sénéchal de Méléagant,
Ce scélérat bien digne des feux de l’enfer !
Ledit sénéchal tenait Lancelot sous sa garde :
Méléagant l’avait emprisonné chez lui,
En tant qu’un ennemi mortel
Qu’il haïssait à l’extrême.
Lancelot eut vent du tournoi
Et en apprit la date.
Dès ce moment ses yeux furent mouillés de larmes
Et son coeur vide de joie.
La femme du sénéchal,
Voyant Lancelot triste et pensif,
L’interrogea en secret :
"Messire, je vous conjure, pour Dieu
Et sur votre âme, de m’avouer
Pourquoi vous êtes tellement changé.
Vous ne buvez plus, vous ne mangez plus,
Et jamais je ne vous vois plaisanter ni rire.
Vous pouvez me dire en toute sûreté
Ce que vous pensez et ce qui vous afflige.
- Ah ! madame, ne vous étonnez pas
Si je suis triste.
Car je me trouve tout désemparé
Quand je ne pourrai être là
Où se trouveront tous ceux qui comptent :
C’est-à-dire au tournoi qui va réunir
Tout le monde, me semble-t-il.
Et pourtant s’il vous plaisait
Et que Dieu vous rendît généreuse
Au point de m’y laisser aller,
Vous pourriez être sûre
Que je me comporterais de telle sorte
Que je reviendrais me constituer votre prisonnier.
- Certes, fait-elle, je le ferais
Très volontiers si je n’y voyais
Ma ruine et ma mort.
Mais je crains tellement mon seigneur,
Méléagant le félon,
Que je n’oserais le faire,
Car il se vengerait cruellement sur mon mari.
Ce n’est pas étonnant si je le redoute,
Vous savez comme il est fermé à toute pitié.
- Madame, si vous avez peur
Que je ne retourne en votre prison
Sitôt le tournoi terminé,
Je vous ferai un serment
Que je ne saurai violer :
Que rien ne m’empêchera
De revenir me constituer votre prisonnier
Aussitôt après le tournoi.
- Ma foi, dit-elle, je vais vous laisser partir,
Mais à une condition. - Laquelle, madame ?
- Messire, il faut me jurer
Non seulement de retourner ici
Mais également m’assurer
Que vous m’accorderez votre amour.
- Madame, tout l’amour dont je dispose
Je vous le donne, et je vous jure de revenir.
- Je n’aurai donc rien du tout à présent,
Fait la dame en riant,
Je devine que vous avez accordé
A une autre
L’amour que je vous réclame.
Néanmoins sans le moindre dédain
J’en prends ce que je puis,
Et je m’en contenterai.
Mais j’entends recevoir votre promesse
Solennelle que vous ferez de la sorte
Que vous reviendrez en ma prison."
Lancelot, sans chercher d’échappatoire,
Lui jure sur sa foi de chrétien
Qu’il reviendra sans faute.
La femme du sénéchal lui remet alors
L’armure couleur vermeille de son mari
Et le destrier qui était merveilleusement
Beau et fort et fougueux.
Lancelot monte en selle et s’en va,
Vêtu d’une armure
Rutilante et toute neuve ;
Il chevauche tant et si bien qu’il parvint à Noauz.
Il choisit de se mettre du côté de ces gens,
Mais se logea hors de la ville.
Jamais ce preux n’eut pareil logis,
Car il était petit et bas ;
Mais il ne voulut pas descendre
Dans un lieu où il risquait d’être reconnu.
Il y avait beaucoup de nobles chevaliers
Installés au château,
Mais ceux hors des murs étaient encore plus nombreux.
Pour la reine il en vint tant
Qu’un sur cinq ne put trouver
A se loger sous un toit ;
Et sur huit chevaliers il y en avait bien sept
Dont pas un seul ne serait venu là
Sans la présence de la reine.
Sur plus de cinq lieues à la ronde
Les seigneurs s’étaient abrités
Sous des pavillons, des galeries et des tentes.
Et de dames et de gentes demoiselles
Il y en eut tant que c’était merveille.
Lancelot avait placé son écu dehors
A l’entrée de son logis.
Pour se détendre
Il avait enlevé son armure et s’était allongé
Sur un lit qu’il trouvait peu à son goût,
Car il était étroit avec un matelas peu épais,
Et couvert d’un gros drap de chanvre.
Lancelot, tout désarmé,
Gisait sur son côté.
Tandis qu’il reposait sur son grabat,
Voici un vaurien, un héraut d’armes
Vêtu en tout et pour tout d’une chemise -
Il avait laissé en gage à la taverne
Sa cote et ses chausses -
Qui venait nu-pieds à toute allure,
Sans protection contre le vent.
Il remarque l’écu devant la porte,
L’inspecte, sans pouvoir identifier
Le blason ni son possesseur ;
Il ne savait qui avait le droit de le porter.
Voyant que la porte était entrebaîllée,
Il pénètre dans le logis et voit Lancelot
Allongé sur son lit. L’ayant reconnu,
Il se signa de surprise.
Lancelot, l’ayant toisé,
Lui défendit de parler de lui
N’importe où :
S’il osait dire son nom et que Lancelot le sût,
Mieux vaudrait pour lui qu’il se fût
Arraché les yeux ou brisé le col.
"Messire, je vous révère depuis toujours,
Fait le héraut, et vais continuer à le faire.
Tant que je vivrai,
Ni pour or ni pour argent je ne ferai rien
Qui vous déplaise."
Il bondit hors de la maison
Et s’en va criant à tue-tête :
"Voici venu celui qui aunera !
Voici venir celui qui aunera !"
Son annonce, le garnement la crie un peu partout,
Et les gens sortent de tous côtés,
Lui demandant d’expliquer ce qu’il hurle.
Le héraut n’ose en donner l’explication,
Mais va répétant la même annonce.
Sachez que c’est la première fois qu’on entendit :
"Voici venu celui qui prendra la mesure des autres !"
Le héraut fut celui qui nous enseigna
A crier de la sorte,
Il fut le premier à prononcer ces mots.
Les groupes sont déjà assemblés,
La reine et toutes les dames,
Les chevaliers et bien d’autres,
Dont une multitude de sergents
A droite, à gauche et partout.
Là où le tournoi devait avoir lieu,
Une grande estrade de bois se dressait,
Pour recevoir la reine,
Les dames et les demoiselles :
On n’avait jamais vu si belle estrade,
Si longue et si bien construite.
C’est là que le lendemain
Se sont rendues la reine et toutes les dames,
Elles entendent être spectatrices des joutes,
Savoir qui vaincra et qui sera vaincu.
Les chevaliers arrivent dix par dix,
Vingt par vingt, trente par trente,
Ici quatre-vingts, là quatre-vingt-dix,
Ici cent, là plus, et par là deux fois autant.
La presse est si grande
Devant l’estrade et tout alentour
Que le combat s’engage.
Les chevaliers armés ou désarmés s’assemblent,
Leurs lances ressemblent à une forêt,
Car tant en ont fait apporter
Ceux qui veulent en jouer,
Qu’on ne voyait que lances,
Bannières et gonfanons.
Les jouteurs se préparent à jouter,
Car ils trouvent assez de chevaliers comme eux,
Egalement venus là pour jouter,
Et les autres se disposaient de leur côté
A des actions pareillement chevaleresques.
Les prés sont remplis,
De même les labours et les champs en friche,
De chevaliers si nombreux qu’on ne saurait les compter,
Tant il y en avait.
Mais Lancelot fut absent
De cette première mêlée ;
Mais quand il parut sur le champ du combat
Et le héraut le vit venir,
Ce dernier ne put s’empêcher de crier :
"Voyez celui qui aunera !
Voyez celui qui aunera !"
Et on lui demande : "Qui est-ce donc ?"
Mais le héraut ne voulut point leur répondre.
Quand Lancelot fut entré dans la mêlée,
A lui seul il valut vingt des autres meilleurs chevaliers.
Il se met à jouter si bien
Que nul des spectateurs
Ne peut écarter ses yeux de lui où qu’il se trouve.
Du côté de ceux de Pomelesglai combattait
Un chevalier preux et vaillant,
Assis sur un cheval plus rapide
Qu’un cerf traversant une lande.
C’était le fils du roi d’Irlande,
Qui se faisait remarquer par ses coups.
Mais c’est quatre fois plus qu’on admirait
Le Chevalier inconnu.
Tous demandent instamment :
"Qui donc est ce combattant qui surpasse tous les autres ?"
Et la reine tire à part
Une demoiselle très avisée
Et lui dit : "Demoiselle,
Vous aliez me porter au plus vite
Un message des plus courts.
Descendez rapidement de cette estrade,
Vous irez à ce Chevalier là-bas
Qui porte un écu vermeil,
Dites-lui à voix basse
Que je lui demande de faire au plus mal."
La demoiselle s’empresse
De s’acquitter du message de la reine.
Elle s’approche de Lancelot
Tant qu’elle peut
Et lui dit tout bas,
Pour ne pas être entendue des personnes voisines :
"Messire, ma dame la reine,
Vous mande par moi et je vous le dis :
"Au plus mal"." Quand il entendit le message,
Il répondit : "Bien volontiers !"
En homme entièrement aux ordres de la reine.
Alors il se lance contre un chevalier
De toute la vitesse de son cheval,
Et manque son coup.
Ensuite jusqu’au soir
Il fit au pis qu’il put,
Parce que c’est cela que voulait la reine.
Et son adversaire
N’a pas failli, lui, mais le frappa
Fortement de toute la pesée de sa lance.
Alors Lancelot s’enfuit,
Et pendant toute cette journée il ne tourna
Le col de son destrier vers nul autre combattant.
Même pour éviter la mort il n’aurait rien fait
Qui n’eût contribué à sa honte,
Son indignité et son déshonneur.
Il fait semblant d’avoir peur
De tous ceux qui vont et viennent.
Les chevaliers qui auparavant
Chantaient ses louanges
Rient aux éclats et se moquent de lui.
Et le héraut qui allait répétant :
"Voici celui qui les vaincra tous l’un après l’autre !"
Est morne et tout déconfit,
Car il entend les railleries et les sarcasmes
De ceux qui crient : "Maintenant, l’ami,
Il faut te taire. Ton chevalier a fini d’auner,
Il a tant auné qu’il a brisé
Cette aune dont tu faisais un tel éloge."
Nombreux sont ceux qui disent : "Que signifie tout cela ?
Il était si vaillant tout à l’heure ;
Et le voilà devenu si couard
Qu’il n’ose faire face à nul adversaire.
Peut-être qu’il se montra si valeureux
Parce qu’il n’avait combattu auparavant ;
En entrant dans la lice il fit preuve d’une telle fougue
Que nul chevalier, si expérimenté fût-il,
Ne savait lui tenir tête,
Car il frappait comme un dément.
Et maintenant qu’il a appris le métier des armes,
Jamais plus de son vivant
Il ne voudra en porter.
Le coeur lui manque pour cette tâche,
Au monde il n’y a personne de si couard."
La reine, qui ne le quitte pas des yeux,
Est ravie de ce qu’elle voit,
Car elle sait bien, sans le dire à quiconque,
Qu’elle a affaire à Lancelot.
Ainsi jusqu’au soir
Il se fit tenir pour un lâche.
Au moment où l’on se dispersa,
On discuta beaucoup pour établir
Quels étaient ceux qui s’étaient le mieux comportés.
Le fils du roi d’Irlande pense
Que sans conteste possible
La gloire et le prix du tournoi lui appartiennent,
Mais il se trompe lourdement :
Bien d’autres chevaliers l’avaient égalé.
Même le Chevalier Rouge
Plut aux dames et aux demoiselles,
Aux plus élégantes, aux plus belles,
Au point qu’elles n’avaient mangé des yeux
Aucun autre chevalier comme lui ;
Car elles avaient vu
Comme il s’était d’abord conduit,
Comme il avait été preux et hardi ;
Puis il était devenu si couard
Qu’il n’osait attendre nul adversaire,
Le pire des chevaliers aurait pu l’abattre
Et faire prisonnier, s’il avait voulu.
Mais tous tombèrent d’accord
Que le lendemain ils retourneraient sans faute
Au tournoi, et les demoiselles
Choisiraient pour maris
Ceux qui remporteraient le prix de la journée ;
Elles en conviennent et c’est là leur plan.
L’on se dirigea lors vers les logis
Et quand ce fut fait,
En divers lieux
On entendit des chevaliers dire :
"Où se trouve le pire des chevaliers,
Celui qui s’est couvert de honte ?
Où est-il allé ? Où s’est-il tapi ?
Où le chercher ? Où pourrons-nous le trouver ?
Peut-être ne le reverrons-nous jamais.
Car Lâcheté est à ses trousses,
Dont il a reçu un tel fardeau
Qu’au monde il n’y a personne de si poltron.
Et il n’a pas tort, car c’est plus confortable,
Bien cent mille fois, d’être un lâche
Que d’être hardi et batailleur.
Lâcheté aime ses aises,
Il l’a donc embrassée avec confiance
Et lui a emprunté tout ce qu’il a.
Jamais Prouesse ne s’est abaissée
Au point de reposer en lui
Ni de s’installer à ses côtés.
Mais Lâcheté s’est logée en lui
Et l’a trouvé si accueillant,
Si prêt à la servir et à lui faire honneur
Qu’il en perd son propre honneur."
Ainsi jusque tard dans la nuit clabaudent
Ceux qui s’enrouent à force de médire.
Mais tel bien souvent médit d’autrui
Qui est bien pire que celui
Qu’il critique et méprise.
Chacun dit donc ce qui lui plaît.
Quand le jourreparut,
Tout le monde fut prêt
Et tous revinrent au tournoi.
De nouveau l’estrade reçut la reine,
Les dames et les demoiselles ;
Avec elles se trouvaient de nombreux chevaliers
Qui n’étaient pas armés ; c’était
Des prisonniers sur parole ou des croisés.
Les chevaliers leur expliquent les blasons
De ceux qu’ils estiment le plus.
Ils leur disent : "Voyez-vous
Ce chevalier à la bande couleur d’or
Sur son écu rouge ?
C’est Governaut de Roberdic.
Et puis voyez-vous cet autre
Qui sur son écu a fait peindre,
L’un à côté de l’autre, une aigle et un dragon ?
C’est le fils du roi d’Aragon,
Qui est venu en ce pays
Pour conquérir honneur et renommée.
Et voyez-vous ce chevalier tout près de lui
Qui si bien attaque et joute,
Et qui porte un écu mi-parti vert,
Avec un léopard peint sur le vert,
L’autre moitié azur ?
C’est Ignaure le Désiré,
Qui sait aimer et se faire aimer.
Et celui qui fait figurer sur son écu
Deux faisans peints bec à bec,
C’est Coguillant de Mautirec.
Et voyez-vous ces deux chevaliers non loin de là
Sur ces deux chevaux pommelés,
Dont les écus dorés sont ornés d’un lion noir ?
L’un s’appelle Sémiramis
L’autre c’est son compagnon,
Leurs deux écus ont la même couleur.
Et voyez-vous celui qui sur son écu
A fait représenter une porte
Dont semble sortir un cerf ?
Aucun doute, c’est là le roi Yder."
Ainsi parlaient ceux qui se trouvent sur l’estrade.
"Cet écu fut fait à Limoges,
Piladés l’en apporta,
Lui qui veut sans cesse batailler
Et désire ardemment les combats.
Cet autre écu provient de Toulouse,
Avec tout le harnais,
C’est Keu d’Estraus qui les apporta.
Et cet écu-là provient de Lyon sur le Rhône :
Il n’y en a pas de meilleur sous le ciel.
Pour un grand service rendu par lui
Il fut donné à Taulas du Désert,
Qui le porte à merveille et bien se protège avec.
Et cet autre écu est de fabrication anglaise,
Fait à Londres,
Sur lequel vous voyez ces deux hirondelles
Qui paraissent prêtes à prendre leur vol,
Mais sans bouger elles reçoivent
Maints coups des épées en acier poitevin ;
C’est Thoas le Jeune qui le porte."
Ainsi décrivent-ils
Les blasons de ceux qu’ils connaissent ;
Mais nulle part ils n’aperçoivent
Le Chevalier tant méprisé par eux,
Aussi croient-ils qu’il s’est dérobé,
Puisqu’il n’a pas rejoint la cohue.
Quand la reine ne le voit pas,
L’envie lui prend d’envoyer quelqu’un
Chercher à travers les rangs pour le trouver.
Elle ne sait qui mieux y expédier
Que celle qui y fut
La veille sur son ordre.
Sur-le-champ elle la fait venir près d’elle
Et lui dit : "Partez, demoiselle !
Montez sur votre palefroi.
Je vous envoie auprès du Chevalier d’hier,
Cherchez-le et trouvez-le !
Ne vous attardez pas en route,
Et de nouveau dites-lui
Qu’il se conduise "au plus mal"
Quand vous aurez transmis cette injonction,
Ecoutez bien sa réponse."
La demoiselle ne s’attarde point,
Elle avait noté la veille
De quel côté le Chevalier partirait ;
Sans doute savait-elle
Qu’on l’enverrait de nouveau à lui.
A travers les rangs elle s’est avancée,
Tant qu’elle l’aperçut.
Elle s’empresse de lui dire à voix basse
Que de nouveau il se conduise au plus mal,
S’il tient à conserver l’amour et les bonnes grâces
De la reine, de qui vient le message.
Et lui répond : "Du moment qu’elle le commande,
Je vais lui obéir."
Rapidement la demoiselle s’en va,
Tandis que valets, sergents et écuyers
Se mettent tous à huer
Et à crier : "C’est à ne pas y croire,
L’homme aux armes écarlates
Est de retour, mais que peut-il bien chercher ?
Il n’y a pas d’être plus vil que lui,
De si méprisable et de si poltron.
Lâcheté s’est emparée de lui
Au point qu’il ne sait lui résister."
La demoiselle retourne à l’estrade
Et s’est approchée de la reine,
Qui l’a pressée de questions
Avant d’entendre la réponse
Qui lui a causé une grande joie,
Parce qu’elle est sûre maintenant
Que le Chevalier est celui à qui elle appartient toute
Et qui est entièrement sien.
La reine commande à la demoiselle
D’aller au plus tôt le retrouver et lui dire
Qu’elle lui mande et le prie
De combattre le mieux qu’il pourra.
Et la demoiselle répond qu’elle s’en ira
Immédiatement, sans chercher un délai.
Elle descend de la tribune jusqu’en bas,
Où son valet l’attendait
Avec son palefroi.
Elle se met en selle et s’en va
Trouver le Chevalier
A qui elle dit :
"Messire, ma dame vous mande maintenant
De combattre le mieux que vous pourrez !"
Lui répond : "Vous lui direz
Que rien ne me rebute
Du moment que cela lui plaît,
Et que tout ce qui lui plaît me fait plaisir."
La demoiselle ne fut pas lente
A reporter le message,
Certaine que la reine
En serait ravie.
Aussi vite que possible
Elle se dirige vers l’estrade.
La reine se lève
Et va à sa rencontre,
Mais sans descendre les marches
Elle l’attend au haut de l’escalier.
La demoiselle s’approche,
Porteuse d’un message bien agréable ;
Elle monte les marches
Et, venue devant la reine,
Elle lui dit : "Ma dame, jamais je ne vis
Chevalier si accommodant :
Il tient à vous obéir
En toutes choses.
A vous dire vrai,
Il réagit de même façon quoi qu’on lui demande,
Que cela lui plaise ou non.
- Ma foi, fait la reine, cela se peut."
Elle retourne alors à la baie
Pour regarder les jouteurs.
Et Lancelot sans plus tarder
Saisit son écu par les courroies.
Désirant ardemment
Faire voir à tous ses qualités guerrières,
Il tourne la tête de son cheval
Et le laisse courir entre deux rangs de combattants.
Bientôt il va étonner
Ceux qu’il a trompés par sa feinte couardise,
Et qui ont passé une grande partie de la veille
A se moquer de lui ;
Ils avaient longtemps ri
Et plaisanté à son sujet.
Tenant son écu par les courroies,
Le fils du roi d’Irlande
Pique des deux et se précipite
A sa rencontre.
Ils s’entrechoquent
Si violemment que le fils du roi d’Irlande
Perd tout intérêt pour la joute,
Car sa lance est brisée ;
Il n’a pas frappé sur de la mousse,
Mais sur du bois dur et bien sec.
Lancelot lui a appris un de ces tours
Au cours de la joute :
Il lui applique l’écu contre le bras
Et lui serre le bras contre le côté,
Et voilà qu’il le fait rouler à terre.
Aussitôt les chevaliers des deux camps
Arrivent en trombe,
Les uns pour libérer le fils du roi d’Irlande,
Les autres pour l’encombrer.
Les premiers veulent aider leur seigneur,
Mais vident leurs arçons pour la plupart
Au cours de la mêlée.
De toute cette journée
Gauvain ne se mêla de combattre,
Bien qu’il fût là avec les autres.
Il prenait un tel plaisir à regarder
Les prouesses du Chevalier
Aux armes vermeilles,
Que celles des autres combattants
Lui paraissaient manquer d’éclat,
Comparées aux siennes.
Et le héraut, qui se réjouit fort,
S’écrie bien haut pour que tous puissent l’entendre :
"Il est venu celui qui aunera !
Aujourd’hui, vous verrez ce qu’il va faire,
C’est aujourd’hui qu’il va se couvrir de gloire."
Alors Lancelot dirige
Et éperonne son cheval
A la rencontre d’un chevalier élégamment armé,
Et le frappe si fort qu’il l’envoie rouler
Loin de son cheval, à plus de cent pas.
Il se met à combattre si bien
De son épée et de sa lance
Qu’il n’y en a aucun parmi ceux qui ne portent pas d’armes
Qui n’éprouve du plaisir rien qu’à le regarder.
Même ceux qui portent des armes
Y trouvent de quoi se réjouir et y prennent plaisir,
Car c’est une joie que de voir
Comment il fait renverser et tomber à terre
A la fois chevaux et chevaliers.
Il n’y a guère de chevalier qui, assailli par lui,

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